menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Viticulture / -45 % de phytos, +39 panneaux récupérateurs et 0 charge en plus pour les vignobles Tariquet
-45 % de phytos, +39 panneaux récupérateurs et 0 charge en plus pour les vignobles Tariquet
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

En 10 ans
-45 % de phytos, +39 panneaux récupérateurs et 0 charge en plus pour les vignobles Tariquet

Visant le zéro résidu de pesticides sur les vins de ses 1 125 ha, le premier domaine gascon a mis les moyens pour optimiser ses pulvérisations. Les résultats sont au rendez-vous malgré des pressions mildiou croissantes, sans surcoût pour le bilan de Tariquet, mais sans valorisation non plus. Le point avec Armin Grassa, directeur technique et propriétaire du château Tariquet.
Par Alexandre Abellan Le 01 juillet 2024
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
-45 % de phytos, +39 panneaux récupérateurs et 0 charge en plus pour les vignobles Tariquet
« Nous avons toujours été leaders et précurseurs depuis que notre père a commencé (dans les années 1990 il n’utilisait déjà que de la fumure organique) » souligne Armin Grassa, ce 26 juin devant les panneaux récupérateurs Fiuli dételés (le rognage battant son plein). - crédit photo : Alexandre Abellan
E

n 2015, vous investissiez dans 25 pulvérisateurs à panneaux récupérateurs, dix campagnes après, êtes-vous satisfait par cette stratégie ? Où en est votre flotte depuis ?

Armin Grassa : Nous sommes très contents de nos panneaux récupérateurs. Nous en avons actuellement 39, c’est notre troisième renouvellement. Tout notre vignoble est traité avec, sauf les plantiers au ras-du-sol qui sont couverts par aéroconvection. Cela nous permet de traiter en un jour et demi tout le vignoble [NDLA : 1 125 hectares]. Aujourd’hui, si l’on veut être précis et réduire ses consommations [de phytos], il faut être capable d’agir immédiatement quand il y a une fenêtre. S’il y a un besoin très urgent, nous pouvons traiter en un jour.

 

Il y a dix ans vous annonciez une vitesse d’avancement de vos pulvés à 6 km/h… Est-ce toujours le cas ?

Nos ventilateurs sont suffisamment puissants pour faire pénétrer les produits dans le feuillage.

 

Quel est votre taux de récupération des phytos ? Est-ce qu’il évolue sur des années à forte pression mildiou comme 2023 et 2024 ?

En moyenne nous récupérons 45 % des phytos. Ce pourcentage n’évolue pas d’une année sur l’autre. En 2024, le millésime est compliqué. Nous traitons à 7 jours depuis le début de la saison. Nous en sommes à notre douzième traitement. En 2023, nous avons perdu un tiers des rendements, à 65 hl/ha en moyenne pour l’IGP Côtes de Gascogne. Malgré ces années compliquées, nous sommes en dessous des doses du bio pour le cuivre [4 kg/ha].

 

Vous ne devez donc pas regretter les retraits de certains produits classés Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques (CMR) comme on a pu l’entendre l’an passé en Gascogne

Non, nous n’avons pas eu une moins bonne récolte que nos homologues. Hormis l’encadrement de la fleur, la systémie est réduite. Nous utilisons des molécules simples et non traçantes : cuivre, soufre… travail depuis 6 ans (dont 3 à titre d’essais) avec l’entreprise Bioboon Agrology qui nous fournit des extraits végétaux, des tisanes, des purins, des ferments… pour accompagner les produits phyto et réduire le cuivre. Le cuivre a un impact très négatif sur les sols. Notre pulvérisation limite la contamination des sols, des analyses indiquant qu’il n’y a pas de cuivre dans les sols.

 

Alors qu’il y a beaucoup de positions dogmatiques sur le cuivre, vous semblez pragmatique, en constatant qu’il n’existe pas de solution idéale et qu’il faut des compromis pour maintenir la rentabilité de la production viticole.

Le cuivre n’est pas le remède miracle. Mais si je devais être clivant, je dirais qu’être en Languedoc-Roussillon sans être bio, c’est n’avoir rien compris. Nos enjeux ne sont pas les mêmes, nous sommes sous un climat océanique et faisons face à des excès d’eau : les champignons poussent toute l’année et le mildiou est très actif, comme à Bordeaux et Cognac. Que quelqu’un irrigue des vignes dans le Gers, c’est incompréhensible pour moi. Les excès de chaleur sont les mêmes pour tout le monde.

 

Le domaine de Tariquet est-il certifié bio, Haute Valeur Environnementale (HVE…) ?

Nous ne sommes pas bio, nous renouvelons HVE et notre démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Toutes nos cuvées sont analysées et il y a une absence de résidus de phytos, à part les phosphonates, dont personne n’est capable de distinguer ce qui est produit par le vivant (vigne, levures…) et ce qui est apporté (par traitement phyto). Pour l’instant, nous ne revendiquons rien. Nous voulons suivre une démarche scientifique, que les choses soient prouvables, répétables et démontrables. L’absence de résidus est un engagement fort. On se dote de moyens pour y arriver malgré tout. Nos résultats ne sont pas plus mauvais que les autres. On gagne sur la fermentescibilité des vins, comme il y a moins de cuivre qui est un suroxydant. Nos vins ont plus d’arômes et de concentration, qui plus est avec des températures de fermentation plus basses.

 

Tout ce matériel doit représenter un investissement conséquent pour un domaine indépendant…

Nous renouvelons régulièrement les matériels. Nous investissons 300 à 400 000 € pour changer 6 pulvés chaque année. Le renouvellement du matériel de traction est sur la même base, comme nous faisons beaucoup d’heures. Nos vignerons font 1 000 heures de tracteurs par an. Nous avons 45 tractoristes qui assurent aussi la taille pour avoir un emploi à l’année. Ce qui permet d’éviter les soucis de recrutement.

 

Les manifestations agricoles du début d’année ont mis le sujet de la rémunération. Comment assurez-vous ce surcoût de la transition agroécologique : ?

Je ne suis pas un homme politique pour savoir comment améliorer le quotidien des agriculteurs, mais le combat à ne pas perdre, c’est la valorisation du stockage carbone des activités agricoles. Quand on coupe de l’herbe, on stimule la vie et on stocke plus de carbone. C’est positif pour l’humanité.

 

Vos coûts de production plus élevés sont-ils valorisés par les marchés ?

Nous faisons ça pour la gloire. Ce n’est pas reconnu par le marché actuellement. À l’avenir, je pense que ce seront des pratiques imposées. Aujourd’hui, nous avons un temps d’avance et il vaut mieux anticiper avant que l’on ne demande à la viticulture des évolutions brutales.

 

Le domaine du Tariquet se voit-il comme un exemple montrant une voie alternative à la Gascogne possible ou souhaitez-vous voir évoluer le cahier des charges de l’IGP dont vous êtes un poids-lourd ?

Nous n’avons aucune position de lobby. Notre attitude est basée sur la science. Nous avons choisi un mode de production qui correspond à notre produit final. Nous nous donnons les moyens d’y arriver avec nos propres objectifs. Notre but n’est pas d’imposer nos choix aux autres. Pour nous ce sera un plus dans l’image de notre vin. Aujourd’hui, nous produisons un bien qui n’est pas de première nécessité pour la survie de l’humanité. On le voit dans les arbitrages d’achat actuellement, où l’on prend une bière et pas un vin. La société évolue, nous avec. La moindre des choses, c’est de produire un vin qui est le moins froissant possible pour le consommateur.

 

Dans vos démarches RSE, essayez-vous l’agroforesterie ?

Aujourd’hui, nous ne faisons pas d’agroforesterie à proprement dit. Pour 3 ha de vignes, nous avons 1 ha de zone à intérêt écologique. Sur du parcellaire, nous allons voir comment installer des haies pour faire circuler les auxiliaires. Mais il faut que la solution soit pratique et viable. Si cela affecte les temps de chantier sans apport, ça n’est pas tenable sur le long terme.

 

Avez-vous des essais d’application de l’Intelligence Artificielle dans le vignoble ?

Nous développons avec un doctorant un test de détection du mildiou qui scanne la vigne avec des caméras embarqués sur les tracteurs pour cartographier la pression. L’objectif est de mettre au point une IA pour générer des cartes permettant aux tracteurs passant dans les vignes d’utiliser la bonne dose de phytos. Nous voulons déterminer trois doses : une quand le mildiou n’est pas présent sur une parcelle afin de le maintenir dehors, une dose quand le mildiou commence à s’installer et une dose quand il est présent et qu’il faut une action curative. Nous avons 2 ha de vignes qui font office de crash test et 6 ha où l’on teste ces doses. Ça va prendre du temps. Aujourd’hui, sans technologie on n’arrivera pas à améliorer le côté vertueux de nos démarches. On peut espérer un gain de 20 % dans la réduction des phytos.

 

Des réglementations européennes comme nationales veulent réduire de 50 % les doses de phytos… Où en êtes-vous ?

On flirte avec les -50% depuis 10 ans, depuis que nous avons des panneaux récupérateurs. Mais nous sommes des chefs d’entreprise. Quand on est plus vertueux, on se fait plaisir, mais on ne peut pas le dissocier de la rentabilité. En allant jusqu’au bout, cette optimisation n’a pas d’impact sur notre bilan.

 

Vos charges sont restées constantes depuis 10 ans au vignoble malgré les investissements dans le machinisme et la main d’œuvre ?

C’est iso. Un progrès est positif quand l’ajout de contraintes ne devient pas une charge dans le bilan. Ce n’est pas parce que l’on a plus de tracteurs et de machines que cela coûte plus cher au final. En réduisant de 45 % nos phytos, nous avons autant de produits en moins à acheter. C’est un modèle gagnant. Il faut arrêter de penser que les choses sont des contraintes. Sauf une personne qui a horreur de gérer du personnel…

 

Quelles sont vos prochaines étapes pour la gestion durable de vos vignobles ?

Nous sommes en voie de maîtrise des produits phytosanitaires. Là, nous sommes en plein dans le sujet de la vie des sols. La préservation de la biodiversité, ce n’est pas que de voir des insectes, des oiseaux et des chevreuils dans les rangs… C’est aussi ce qui se passe dessous, dans le sol. La minéralisation de la matière organique donne un autre goût aux vins. Quitte à être clivant, si l’on veut n’apporter que des engrais minéraux dans son vignoble, qu’on le mette sous serre pour produire 200 hl/ha. Si l’on fait le choix d’avoir un goût représentatif de son terroir, on y met le climat, le travail de l’être humain et le type de sol. Le sol est l’estomac de la vigne.

Nous ne faisons plus de retournement des sols en place pour préserver la verticalité du sol et son cycle de vie. Mais il faut travailler les sols, nous sommes sur une région de boulbènes argileuses. Nous travaillons l’évolution de nos pratiques avec le Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN). Parfois il y a des idées de ce que l’on doit faire en tête alors qu’elles ne sont pas positives pour la biodiversité. Par exemple, tondre et laisser le mulch sur le rang ne permet pas de créer la même vie et de faire revenir les pollinisateurs comme lors que l’on fauche l’herbe et qu’on l’exporte.

 

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Soyez le premier à commenter
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous

Pas encore de commentaire à cet article.
vitijob.com, emploi vigne et vin
Indre-et-Loire - CDD Les Grands Chais de France
Côte-d'Or - CDD Benjamin Leroux
Gironde - Stage SCEA du Vieux Puit
Loire-Atlantique - CDD Les Grands Chais de France
Rhône - CDI Ame Blanche SAS
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Viticulture
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé