in mars, après 8 mois d’exercice, le bilan de la campagne 2023-24 en vallée du Rhône oscille entre le moins bien et le mieux. Le bilan des sorties de chais, la frilosité des opérateurs et les niveaux de prix vont dans le sens du moins bien, alors qu’il y a du mieux sur les stocks et que les volumes contractualisés se maintiennent. Sébastien Lacroix, responsable du service économique de l’interprofession des vins de la vallée du Rhône (Inter Rhône), souligne également une évolution dans le cycle de ces campagnes de mise en marché. « Elles se caractérisaient jusque-là par deux périodes d’activité intenses, avant fin d’année puis au printemps. Elles ont maintenant tendance à se tasser, avec une activité qui se densifie plutôt en fin de campagne ».
« Le négoce a tendance à patienter dans ses achats », souligne-t-il encore pour appuyer la baisse de 8 % des sorties de chai enregistrées pour l’exercice, plus marquée sur le conditionné (-12 %), que sur le vrac (-6 %). « Les acheteurs n'ont pas hâte de bloquer des volumes, ils attendent d'avoir des marchés confirmés en face avant de bouger au coup par coup », confirme le courtier rhodanien Christophe Pasta. Ce constat n’est pas propre au secteur du Rhône et concerne le marché en général. « Cette frilosité est probablement liée à un manque de visibilité qui génère un manque d’engagement, cela fait plusieurs années que le marché du vin rouge n’est pas au mieux, ce qui justifie la prudence des metteurs en marché », analyse Sébastien Lacroix.
Seules les sorties de chai de vins blancs sont en hausse (+3 %), alors que celles de vins rouges (-11 %) sont en négatif partout, au nord comme au sud de la vallée. Alors qu’il avait résisté pendant l’épisode Covid, le conditionné poursuit une baisse nette (-12 %) déjà entamée lors de la campagne précédente. Les côtes du Rhône maintiennent néanmoins leur stabilité en grande distribution (-0,1 %), « alors que l’ensemble du rayon vins baisse de 4,2 % en GD, dont -5,6 % pour les AOP », souligne Sébastien Lacroix.
Les contractualisations se tiennent pourtant, même si les prix sont installés dans une baisse plus ou moins marquée selon les appellations rhodaniennes. Fin mars, le volume contractualisé pour l’ensemble de la vallée du Rhône atteignait en effet 1,025 million hl, en phase (+1 %) avec la campagne précédente. Si la contractualisation des rosés (173 000hl, -3 %) se tasse, celle des vins rouges est stable (749 000 hl), alors que les blancs poursuivent leur progression (103 000 hl +14 %). « Les blancs fonctionnent très bien et il faut être réactif pour s'assurer des meilleures qualités. C'est un des axes à développer pour la vallée du Rhône, mais en restant progressif », enchaîne Christophe Pasta.
La contractualisation de l’appellation régionale côtes du Rhône affiche une progression en volume sur les trois couleurs, mais les cours baissent. Le cours moyen de côtes du Rhône rouge a perdu 9,50€/hl par rapport à la campagne précédente à date. Cette baisse de 7 %, à 119,9 € /hl concerne tous les labels, dont le bio, de l’appellation socle régionale. Pour le responsable économique d’Inter Rhône, « elle est marquée par une forte hétérogénéité, 57 % des volumes se faisant sur une large tranche de 100 € à 140 € donc autour de 120 € de moyenne, mais nous avons 24% des volumes qui se font au-delà de 140 € ». Cela signifie également que 18 % des volumes ont été achetés en-dessous de 100 €/hl, illustrant la nécessité pour certains de devoir se délester de volumes, coûte que coûte. « La plupart des besoins sur les hautes qualités ont été couverts assez tôt, avec beaucoup de choix sans être trop regardants sur les prix. Maintenant, c'est la place des marchés de volume à prix plus bas, avec notamment les validations de volumes pour les foires aux vins, dont les appels d'offres ont été lancés en fin d'année », analyse le courtier Christophe Pasta.
A l’exception de cas particuliers (Crozes-Hermitage, Saint-Joseph), les cours affichent une baisse générale. Souvent contenue, celle-ci peut néanmoins s’avérer plus marquée, comme pour l’appellation régionale Villages générique (-8 %, 142 €/hl), Ventoux rouge (-12 %,122,5 €/hl) ou Vacqueyras (-14 %, 468 €/hl).
« Grâce aux efforts consentis par les opérateurs dans la limitation des rendements en 2023 et la distillation de crise, la situation s’est améliorée pour les stocks de côtes du Rhône », ajoute Sébastien Lacroix. Les stocks en augmentation régulière figuraient comme un des points de vigilance pour l'équilibre du marché. Les efforts ont payé car fin mars, ceux-ci passaient sous 1,45 million hl, contre 1,68 Mhl l’an dernier à date, faisant passer de 16,7 à 16 mois le ratio de stock pour l’appellation. Christophe Pasta estime néanmoins « qu'il reste encore probablement 200 000 hl de stocks en trop pour le Rhône ». Il voit certaines caves diminuer leurs acomptes pour faire face aux baisses de sorties de vins et de prix, et pense que des regroupements seront incontournables pour préserver l'activité. « Au regard de la situation où nous risquons de perdre du foncier, nous retrouverons peut-être l'équilibre pour la récolte 2026 », augure-t-il.
Inter Rhône utilise également l’indicateur de libre à la vente, calculé, pour chaque millésime, à partir de la récolte du millésime auquel on retire tous les volumes déjà engagés (en contrats vrac – qu’ils soient sortis ou pas - et en vendanges fraiches) et on retire aussi l’estimation des besoins en conditionnés de la production. Pour les côtes du Rhône, celui-ci est passé de 710 000 hl reculait à 386 000hl cette année.