'est bien connu, le négociant rhodanien Michel Chapoutier met les pieds où il veut, et c'est souvent dans le plat. Mais quand il met les pieds dans les bouteilles de Champagne, ça mousse? Surtout quand le président des négociants français, à la tête depuis 2014 de l'Union des Maisons et Marques de Vin (UMVIN), prend position à rebrousse-poil du négoce champenois, l'Union des Maisons de Champagne (UMC). Cité dans L'Est Éclair* et l'Union (groupe belgo-français Rossel) au sujet de la décision de l'AOC Champagne et de l'interprofession champenoise de rendre obligatoire la coiffe sur les bouteilles, Michel Chapoutier indiquait son opposition en février dernier lors du salon Wine Paris.
Présentant la gamme de champagnes qu'il cosigne, le négociant rhodanien « criait au scandale [estimant que] la question de la coiffe n'a rien à voir avec la qualité. Il est, au contraire, tout à fait possible de s'en passer sans perdre en élégance sur /habillage. » Il faut dire que le PDG de la maison M. Chapoutier présentait à ce moment une cuvée de vin rouge sans capsule et à boire frais. Mais ses propos mettent le feu aux poudres en considérant que « la coiffe est avant tout un moyen de financer le Syndicat Général des Vignerons (SGV), qui se trouve également être l'Organisme de Défense et de Gestion de l'appellation » Champagne (ODG).


Des déclarations qui font bondir de colère Maxime Toubart, le président du SGV : « je conseille à Michel Chapoutier de s'occuper de ses affaires, dans son territoire, et de faire attention à ce qu'il dit. Le président du négoce national s'est exprimé sur sujet qui va l'encontre de l'avis du négoce de Champagne. Je les invite à voir entre eux? » Même si Michel Chapoutier partage dans la presse champenoise un point de vue personnel, « quand on n'arrêter pas de faire la leçon et d'appeler à des accords interprofessionnels comme président de l'UMVIN, ce serait bien que l'on en respecte un quand il y en a un. Le Comité Champagne a validé l'obligation de la coiffe en Champagne » poursuit Maxime Toubart.
Calmant le jeu, Michel Chapoutier précise à Vitisphere qu'il s'agissait d'analyses personnelles. « C'est une position que j'ai pris lors d'une conférence en tant que PDG de la maison M. Chapoutier, et l'un des sujets étaient la capsule où j'ai rappelé l'incohérence RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) de la capsule ou coiffe. Mais, dans le contexte de ce jour et de cette conférence, cela n'engageait que moi » précise-t-il, pointant qu'« en tant que président de l'UMVIN je ne peux que me féliciter lorsqu'un accord démontre que les deux familles sont en symbiose, le CIVC est pour la coiffe et je m'en félicite. »
Devenue facultative depuis le 28 août 2023 (via un règlement européen inattendu), la coiffe doit devenir obligatoire sur les bouteilles de champagnes si la volonté des instances viticoles et interprofessionnelles est retranscrite dans le cahier des charges de l'AOC Champagne. Alors qu'une fronde vigneronne s'organise pour conserver la liberté de se passer de coiffe pour des raisons écologiques (éviter un déchet dispensable) et économiques (après le bond des coûts de l'aluminium), l'interprofession champenoise réplique en faisant appel à l'histoire (« avant l'apparition de la capsule en métal vers 1850, les bouchons et muselets des bouteilles de Champagne étaient recouverts de cire ou de goudron pour les protéger »), à l'impact écologique limité d'une coiffe recyclable (« la coiffe pèse seulement 0,6 % des émissions totales de gaz à effet de serre de la filière Champagne ») et de faire appel à deux études de marché qui indiquent qu'« au moment de l'achat comme de la dégustation, la présence d'une coiffe permet aux consommateurs d'associer indiscutablement une bouteille à du Champagne ».


D'après les focus groups du cabinet IPSOS (en France, en Grande Bretagne et aux États-Unis), il apparaît que la coiffe un « distinctive category asset », du moins « associée aux autres attributs (forme de la bouteille, appellation, etc.) ». Comme l'indique un sondé, « la coiffe c'est emblématique ». Comme l'ajoute un autre : « c'est un totem, on ne touche pas au totem, même Champomy a une coiffe ». Il ne reste plus à Michel Chapoutier qu'à mettre les pieds dans le Champomy?
* : Notre confrère Yann Tourbe de l'Est Éclair précise ne pas avoir repris le verbatim exact, mais qu'il s'agit bien des propos échangés avec Michel Chapoutier.