oilà de quoi motiver encore plus les exposants du salon Millésime Bio, ouvrant ce lundi 29 janvier ses portes à Montpellier, à attirer l’attention des cavistes, restaurateurs et distributeurs export : les ventes de vins bio en grande distribution française affichent une nouvelle chute conséquente en 2023 d’après les dernières données des panels Nielsen. S’effondrant de 2,5 millions de litres en un an, les ventes de vins bio en 2023 tombent à 30,8 millions de litres vendus (-7,4 % par rapport 2022, qui était déjà en repli de 7,9 % par rapport à 2021). En chute de 4,8 %, le chiffre d’affaires du rayon s’établit à 246,8 millions d’euros, pour un prix moyen bondissant à 8,01 €/litre (+3 %).
Comme le note Nielsen, le vin bio est plus délaissé que le vin conventionnel, qui résiste mieux dans cette période d’inflation avec une légère hausse du chiffre d’affaires (+0,6 %) et un moindre repli en volume (-3,9 %). S’appuyant sur 4,6 millions de consommateurs en grande distribution, les vins bio perdent 300 000 acheteurs en un an (-700 000 en deux années), quand la consommation de vins non-bio perd 400 000 acheteurs en an (pour 21,3 millions de consommateurs, -1 million en deux ans).
En 2023, le repli des ventes se concentre principalement sur les poids lourds : les vins Bordeaux, de la vallée du Rhône et du Languedoc enregistrent 37, 19 et 10 % des pertes de commercialisation (alors qu’ils représentent respectivement 11, 16 et 32 % des parts de marché en volumes). Des baisses marquées sont notables parmi les vins de la vallée de la Loire et du Sud-Ouest (-9 et -7 % en volumes, pour 6 % de parts de marché chacun). S’il y a une stabilité des ventes de vin de Provence (11 % de parts de marché), peut-être liée à la météo (très chaude, et donc propice, en septembre-octobre, comme en témoignent les résultats de foires aux vins d’automne 2023), ce sont les vins français sans Indication Géographiques qui affichent la meilleure performance sans doute grâce à leur positionnement prix plus abordable : +4 % des ventes en volume (mais pour 2 % de parts de marché).
Pour Nielsen, la chute généralisée des ventes s’explique par la réduction de l’offre en linéaires. Dans les hypermarchés, le nombre de vins bio proposés à la vente passe à la fin 2023 en dessous des 100 références (à 94,5 en moyenne, contre 108,9 un an avant). Idem en supermarché, avec un repli en dessous des 50 étiquettes (à 46,9 références en moyenne, contre 51,8 il y a un an). Dans les hypermarchés, les vins du Languedoc perdent 2,4 références en moyenne (à 27,6), Bordeaux 3,6 (à 13,2) et le Rhône 3,1 (à 14,7). Témoignant d’arbitrages causés par l’inflation en hausse et le pouvoir d’achat en baisse, ces tendances de déconsommation sont à pondérer par les spécificités commerciales des vins bio, plus présents et valorisés en dehors de la Grande Distribution (GD).
Représentant 61 % des ventes en valeur de vins bio en 2022 (avec 898 millions € HT), le marché français repose surtout sur la vente directe (29 % des ventes) et les cavistes (11 %), qui dépassent la GD (9 %), la restauration (9 %) et les magasins spécialisés (4 %) rapporte le dernier bilan de l’Agence Bio. Ne bénéficiant pas du suivi statistique en temps réel de la GD, les autres réseaux commerciaux sont plutôt stables ces derniers mois d’après le rapport d’août 2023 de l’Agence Bio. D’après un sondage de 80 vignerons, « nous pouvons estimer que les ventes [directes] sont globalement stables, voire en légère hausse » avance l’Agence Bio, ajoutant que d’« après une enquête réalisée auprès d’une centaine de cavistes, on observe que les ventes de vin bio sont stables pour la moitié des répondants ». D’après le panel Bioanalytic sur « plusieurs centaines de magasins bio, les ventes de vin bio en distribution spécialisée bio ont diminué de 4,5% en valeur sur le premier semestre 2023 (par rapport au premier semestre 2022) » ajoute le rapport.
Alors que des volumes conséquents de vins récemment convertis à la certification AB doivent arriver sur le marché, la tendance prévue au « déclassement et [à la] mise en stock » avec des allongements du « délai de retrait de ces commandes » risque de s’accentuer, les ventes directes demandant du temps pour écouler des volumes (à la propriété, en salon ou par correspondance), alors que les cavistes font actuellement face à des ventes globalement en repli (la faute à la baisse du pouvoir d’achat) et que les tendances à l’export son hétérogènes (difficultés rapportés en Allemagne et Grande-Bretagne, mais retours positifs sur des monopoles de Scandinavie ou du Canada).


Dans ce contexte compliqué, notamment pas l’explosion des coûts de production (pour des rendements aléatoires, la folle pression mildiou ayant marqué le millésime 2023), les allées de Millésime Bio devraient bruisser de demandes de soutien. Réagissant aux annonces ce vendredi 26 janvier du premier ministre, Gabriel Attal, de « remettre 50 millions d'euros sur la filière bio », la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique (FNAB) répond, dans un communiqué ce 27 janvier, au chef de l’exécutif que « la Bio ne vous dit par merci ». Rappelant qu’il y a 60 000 exploitations certifiées bio en France, le président de la FNAB, Philippe Camburet, critique une aide par domaine de « 833 euros, ça n'est même pas le prix d'un pneu de tracteur ». Et le céréalier bio dans l’Yonne d’ajouter que « sur le premier plan de sauvegarde, il a fallu choisir entre aider beaucoup de fermes ou aider les fermes les plus en difficultés, moralité la plupart des fermes biologiques n'a pas pu accéder à ce soutien [90 % d’après la FNAB], et pourtant l'enveloppe était presque deux fois plus grosse ». Dans son communiqué, « la FNAB en appelle au soutien des parlementaires de la majorité présidentielle qui ont voté sur le projet de loi de finance 2024 une aide de 271 millions d'euros pour la Bio mais que le gouvernement a balayé avec le 49.3 ».