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"Si l’OMS veut supprimer la filière vin, qu’elle le dise au lieu de tourner autour du pot"
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Samuel Montgermont
"Si l’OMS veut supprimer la filière vin, qu’elle le dise au lieu de tourner autour du pot"

Appelée de ses vœux par l’Organisation Mondiale de la Santé, la mise en place d’une fiscalité comportementale est un non-sens pour Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, qui ne mâche pas ses mots face à cette vieille lune hygiéniste déconnectée des tendances réelles de consommation.
Par Alexandre Abellan Le 09 décembre 2023
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« Le prix minimum revient constamment, comme si c’était une bonne idée. Mais c’est une fausse bonne idée » estime Samuel Montgermont. - crédit photo : Vin et Société
D
ans un communiqué de presse ce 5 décembre*, l’OMS appelle les États à appliquer une fiscalité comportementale sur les boissons alcoolisées en général, et le vin en particulier, cité comme sous-taxé…

Samuel Montgermont : Je trouve très étonnante cette prise de position. Je ne savais pas qu’à l’OMS ils étaient devenus législateurs… Ils confondent leurs prérogatives : l’OMS a pour prérogatives de lutter contre les consommations excessives, qui relèvent de problèmes de santé. Je ne suis pas médecin, mais bien sûr qu’il faut travailler sur ces addictions. Mon rôle pour la filière est d’œuvrer à la consommation responsable. Et aujourd’hui, la bataille de la consommation modérée a été gagnée !

Ces gens de l’OMS sont restés bloqués il y a 30 ans, quand la consommation atteignait d’autres niveaux. Par rapport à 2010, ils se fixent l’objectif de réduire de 10 % la consommation d’alcool d’ici 2025. Mais je rappelle qu’en France la consommation d’alcool a déjà baissé de 16 % de 2010 à 2020. Il n’y a pas eu besoin d’appuyer sur quoique ce soit comme taxation ou fiscalité… La tendance est sociétale : c’est pour ça que la filière l’intègre dans son plan. Sur la même période, la bière s’est rénovée en s’ouvrant à un plus large panel de consommateurs. C’est notre objectif : ne pas avoir plus de consommation, mais plus de consommateurs.

Est-ce que l’on peut parler d’experts à l’OMS quand on se fixe -10 % en 15 ans et que l’on est déjà à -16 % en 10 ans ? Ils vivent dans leurs bureaux… Je suis vigneron-négociant, ça ne m’empêche pas de monter 12 fois par an le Ventoux à vélo : c’est un mode de vie sain et j’invite ces gens à venir pédaler avec moi pour en parler.

 

Dans ce même communiqué, le docteur Rüdiger Krech, directeur de la promotion de la santé pour l’OMS, estime que « taxer les produits malsains crée des populations en meilleure santé ».

Je ne sais pas d’où il tient cette analyse. On voit avec le prix minimum en Écosse qu’il n’y a pas de résultats sur les consommations excessives. Et cela paupérise encore plus les personnes ayant des problèmes d’addictions. Comment penser qu’un médicament miracle est d’augmenter le prix ?

 

En 2022**, l’OMS relevait déjà que « les taxes sur la vente d’alcool sont plus faibles que celles sur le tabac ». Reposant sur l’idée que le premier verre est déjà dangereux pour la santé, la dénormalisation de la consommation de vin est-elle votre plus grande crainte actuelle ?

La fiscalité comportementale tient de la même politique de dénormalisation appliquée au tabac il y a 15 ans. Il faut évidemment lutter contre les maladies d’addiction, ce n’est pas le sujet, mais penser que couper l’accès [aux boissons alcoolisées] permettra aux gens connaissant des problèmes d’excès de ne plus en avoir, c’est se mentir. Calquer la dénormalisation du tabac sur le vin n’est pas lié à la réalité.

9 Français sur 10 respectent les règles de consommation : pas plus de deux verres par jour et pas tous les jours. Que peut-on faire de plus ? Interdire le vin ? Si l’OMS veut supprimer la filière vin, qu’elle le dise au lieu de tourner autour du pot. Ils pensent que le vin est nocif dès le premier verre. Dans ce cas, on plie la filière directement. Mais quelle société aura-t-on ? Je n’ai pas l’impression que nos concitoyens le veulent… Regardons les salons des Vignerons Indépendants qui font un carton plein, j’y vois des consommateurs qui viennent rencontrer leurs vignerons pour un moment de convivialité, pas pour se saouler.

 

Pourtant en France, il y a encore eu un amendement récent*** pour fixer un prix minimum de l’alcool.

Ses oreilles vont siffler,  le sénateur Benoît Jomier [NDLA : Île de France, Parti Socialiste] pensait que c’était la bonne idée, mais c’est illusoire. On voit en Europe, Écosse et Lituanie, que le prix n’a aucun effet sur les problèmes d’addiction. L’approche de la consommation de vin est datée : plus de 40 % des Français ne consomment jamais de vin. Quand j’entends des élus dire qu’un prix minimum va amener de la valeur ajoutée dans la filière en aidant les petits viticulteurs et tuer les gros faiseurs industriels, ça montre l’incompréhension du vignoble. Il n’y a pas tant de grands opérateurs et ce sont les petits producteurs qui les fournissent : négoces et coopératives. La filière vin est diffuse, pas industrielle en France. Je suis parfois dépité par certains de nos députés qui ont une connaissance médiocre de notre réalité. Il faut être exigent avec soi-même quand on l’est avec les autres.

Et alors que le pouvoir d’achat pose un problème, on voit où le prix minimum commence, mais on ne sait pas où cela peut s’arrêter… Le vin est un produit de plaisir, pas de nécessité : si son prix n’est plus accessible, d’autres produits deviendront des alternatives.

Parlons de lobby : nous devons muscler nos propos. Dès qu’un ministre visite un vignoble il nous dit que le vin est l’emblème de la France. Il faut trancher entre les discours.

 

Le défi du mois de janvier sans alcool, ou Dry january, rentre dans le calendrier français, et les stratégiques de la filière vin où les gammes desalcoolisées sont en plein essor. L’hygiénisme anglosaxon d’une pénitence après des excès alcooliques l’emporte-t-il sur la culture de la consommation modérée de vin à la française ?

Je n’ai pas de position dogmatique sur le Dry January. Mais si l’on doit justifier une période d’excès par une période d’abstinence, c’est que l’on n’a pas le mode d’emploi de la modération. Avec la consommation raisonnable, il n’y a pas à avoir d’abstinence comme il n’y a pas d’excès. Ce phénomène vient de pays anglosaxons qui ont des comportements d’alcoolisation excessive et rapide : le binge drinking. Que les pays anglosaxons résolvent leurs problèmes avec le Dry January, mais que l’abstinence ne devienne pas la justification d’excès.

 

Alors que le nouvel étiquetage des ingrédients et des informations nutritionnelles entre en vigueur pour le vin, comment voyez-vous la possibilité d’un message sanitaire européen sur les bouteilles ? Les étiquettes de vin vont-elles ressembler à des paquets de cigarette ?

Je ne vois pas les choses aller jusque-là pour l’instant. Même à plus de cinquante ans, je reste peut-être naïf… Nous avons réussi à dématérialiser ces informations nutritionnelles et d’ingrédients, c’est une vraie victoire. Il y a une pression pour un message sanitaire, la même que celle que l’on voit en Irlande : une identification marquée des dangers sanitaires. Mais penser que l’on règle les sujets d’excès par des interdictions générales ne fonctionne pas. C’est se tromper de combat. Ou cela revient à acter l’impuissance des acteurs de Santé en interdisant une filière.

 

* : « L'OMS appelle les pays à augmenter les taxes sur l'alcool et les boissons sucrées » titre le communiqué du 5 décembre 2023, déclarant que des études « soulignent que la majorité des pays n’utilisent pas les taxes pour encourager des comportements plus sains ». Notant qu’« au moins 148 pays appliquent des droits d'accise aux boissons alcoolisées », l’OMS relève « cependant que le vin est exonéré de droits d'accise dans au moins 22 pays, dont la plupart se trouvent en Europe. » Citant une étude de 2017, l’OMS ajoute que « des taxes augmentant les prix de l'alcool de 50 % contribueraient à éviter plus de 21 millions de décès sur 50 ans et généreraient près de 17 000 milliards de dollars de revenus supplémentaires ».

 

** : Indiquant que « l’augmentation de la fiscalité sur l’alcool pourrait sauver 130 000 vies par an », le communiqué du 23 février 2022 soulève que « les taxes sur la vente d’alcool sont plus faibles que celles sur le tabac » en Europe, laissant un « potentiel inexploité de la fiscalité sanitaire ». Pour l'OMS, « dans le contexte de l’alcool, la taxation doit être considérée comme une mesure sanitaire, et non comme un instrument purement économique [alors que l'] imposition d’un niveau minimum de taxe sur l’alcool permettra de sauver plus de 130 000 vies par an. »

 

*** : Rejeté au Sénat ce 27 novembre, l’amendement au projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2024 visait « Ã  étendre la "cotisation sécurité sociale" à tous les alcools » et plus seulement à ceux titrant plus de 18°.alc. Afin d’avoir « une incidence sur le prix des alcools les moins chers, ceux-ci étant les plus consommés par les jeunes et les consommateurs excessifs. Cette nouvelle rédaction de la cotisation spécifique des boissons alcooliques est équitable et permettrait d’abonder la branche maladie de la Sécurité sociale tout en favorisant des comportements favorables à la santé, comme cela a été constaté dans d’autres pays ayant adopté des mesures liées au prix de l’alcool. » L’Écosse étant le modèle cité en exemple pour son instauration d’un prix minimum.

 

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Tous les commentaires (3)
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gm Le 11 décembre 2023 à 12:43:28
Quelle pauvreté dans l'argumentation ! On le questionne sur les dangers de la consommation modérée d'alcool sur la santé, il dévie sur les addictions. On le questionne sur la fiscalité comportementale, il répond presque d'un très théâtral "On m?assassine !", où on verrait l'OMS fermer la filière vin (absurde quand on voit la situation des brasseurs, alcooliers et cigarettiers). Une pincée de poujadisme à vélo sur le Ventoux et ne manquait plus que la tarte à la crème du french paradox pour dissoudre la graisse dans les artères... Une fiscalité comportementale rehaussée sur l'alcool, et rééquilibrée concernant le vin, aurait l'avantage de couper court aux accusations sur le lobbyisme, avant celles sur la responsabilité sociétale, qui pourrissent à petites touches l'image de la filière. Cela aurait surtout l'avantage d'ouvrir davantage le marché aux produits désalcoolisés et donc faciliterait et accélérerait le développement de ce nouveau marché, aussi vers les non-consommateurs actuels.
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Vigneron Le 11 décembre 2023 à 09:22:55
Il faut répondre à ces spécialistes de la santé que TAXER ne va pas GUÉRIR les gens. D'ailleurs plus que des médecins, il faut des psychologues pour accompagner les personnes souffrant d'alcoolisme. Mon opinion personnelle est que les alcools les moins chers et les plus élevés en degré peuvent être dangereux pour les personnes "alcooliques" et qu'une taxe pourrait être mise. Sinon pour les autres boissons alcoolisés, aucune utilité si ce n'est de se faire de l'ARGENT sur le dos des gens!
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BioRev Le 11 décembre 2023 à 08:31:31
Entièrement d'accord avec S. Montgermont. Que les pays anglo-saxons règlent leurs problèmes sans imposer leurs pseudo solutions au monde entier. Hélas, c'est tout l'inverse car nous sommes colonisés par leur culture. Qu'ils règlent leurs problèmes de mal boire comme de mal bouffe et d'excès en tout genre. Que l'OMS s'occupe d'abord de l'obésité et de la pollution chimique. L'UE est leur pré-carré et leur laboratoire. C'est eux qui font et défont l'économie avec l'aide zélée des technocrates bruxellois car c'est un petit monde consanguin. L'embellie du vin des années 90 a surtout permis de lancer les vins du nouveau monde. Nous en avons bénéficié certes mais maintenant que le marché est presque saturé, il faut trouver un autre angle d'attaque. Quelle hypocrisie !
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