L’hygiène n’est toujours pas maîtrisée en cave. Pourtant, avec les pH qui montent et la volonté de baisser le SO2, ce n’est pas le moment de jouer avec ça», prévient Jérôme Sciacchitano, œnologue et responsable du développement chez Alimpex. Un constat formulé après quinze jours passé à sillonner les routes pour tester et faire connaître les produits de nettoyage enzymatique de la gamme Realco, dont Alimpex est le distributeur.
Encore peu connu, ce nettoyage consiste à utiliser des enzymes pour dégrader la matière organique incrustée dans les équipements de cave. «Ce n’est pas un désinfectant : l’enzyme ne détruit pas les micro-organismes, mais élimine les résidus organiques qui leur servent de support en catalysant des réactions chimiques. Et, contrairement à la soude, elle supprime les biofilms des micro-organismes à l’origine de nombreuses contaminations en cave. L’idée n’est pas de faire ce nettoyage tous les jours. C’est un outil complémentaire», précise-t-il.
Pendant ces vendanges, Jérôme Sciacchitano a réalisé des essais chez une trentaine de vignerons. Philippe Gery est l’un d’entre eux. Directeur technique chez Hauller Jean & Fils, à Dambach-la-Ville, en Alsace, il a souhaité tester le nettoyage enzymatique sur ses pressoirs qu’il suspecte d’être à l’origine de contaminations.
«On avait régulièrement des démarrages de fermentations lors du débourbage alors que l’on sulfite et que l’on refroidit les moûts. Depuis 2020, on fait appel à de la bioprotection. On rencontre moins de problèmes, mais je souhaitais néanmoins améliorer l’hygiène du vendangeoir», explique-t-il. Disposant d’un ATP-mètre pour évaluer le degré de contamination de son matériel, Philippe Gery savait que c’était nécessaire : «Nos résultats n’étaient pas satisfaisants. Ils indiquaient parfois d’importants niveaux de contamination sur des surfaces qui paraissaient propres après avoir été nettoyées avec de la soude à 5% puis de l’acide péracétique à 1%.»
Philippe Gery a essayé Enzyfoam Pro, un cocktail enzymatique de la gamme Realco. Ce produit liquide s’emploie dilué à 1 ou 2%, avec un canon à mousse. «Nous l’avons testé sur deux de nos pressoirs à cage ouverte, mais aussi dans le système de nettoyage des botiches, qui peut être une porte d’entrée pour la contamination microbiologique», indique Philippe Gery. Seule difficulté : il faut diluer le produit dans de l’eau à 40-50°C pour un fonctionnement optimal. «Ensuite, on l’applique et on le laisse agir pendant 20 à 30 minutes, après quoi on frotte les matériels avec une brosse au bout d’un manche.» Car, dans cette filiale d’Agromousquetaires qui vinifie 75 000 hl/an, la sécurité est de mise. «Chez nous, les opérateurs n’ont pas le droit d’entrer dans les pressoirs», précise le directeur technique.
«Puis, pour désinfecter, nous utilisons un acide péracétique à 0,5%», ajoute-t-il. Avec ce protocole, le résultat est probant. «Nous avons vérifié avec notre ATP-mètre : nous sommes descendus à des niveaux très bas.» Et s’il n’a pas généralisé ce nouveau protocole de nettoyage, c’est parce qu’il lui faut d’abord convaincre les équipes de changer de produits. «Ce n’est qu’une question de temps. Avec ces résultats, nous comptons déployer le nettoyage enzymatique en cave cet hiver et pour les vendanges 2024.»
À une trentaine de kilomètres de là , à Wolxheim, Estelle Balzer Leveaux est œnologue depuis trois ans au domaine Siebert où elle vinifie 600hl/an. Elle a été à l’initiative de tester le nettoyage enzymatique cette année. «Nos pressoirs Bucher Vaslin ont une vingtaine d’années. Leurs membranes pneumatiques n’ont pas été bien entretenues : elles sont orange foncé, voire marron. Pour les nettoyer, j’ai tout essayé : brossage, trempage, Kärcher…», observe-t-elle. Mais rien n’y a fait, la couleur n’est pas partie, même avec de la soude et de l’acide péracétique à 0,5%.
Alors Estelle Balzer Leveaux a testé Enzywine R10 à 2-3%, un autre cocktail enzymatique de Realco chargé en peroxyde d’hydrogène, qu’on emploie généralement pour les filtres. «C’est une poudre que l’on dilue dans une eau à 40-50°C. Pour les zones très encrassées, je l’ai utilisé à 6%. On a d’abord appliqué de la soude, puis le produit au pulvé sur toute la membrane. On l’a laissé pendant 30 à 45 min, puis on a brossé. Ensuite, on a fait tourner le pressoir pour que le produit agisse sur toutes les parties de la membrane et on a continué de brosser. Enfin, on a rincé au Kärcher, appliqué de l’acide péracétique à 0,5% et rincé une nouvelle fois. Cela nous a pris une matinée par pressoir, mais on a réussi à récupérer la couleur originelle de nos membranes !»
Et niveau prix ? «Aux doses utilisées, c’est moins cher que la soude», avance Estelle Balzer Leveaux qui, désormais, compte utiliser ce produit tous les ans pour l’entretien de ses pressoirs.
En plus de réduire très nettement la contamination microbienne, Philippe Gery, directeur technique chez Hauller Jean & Fils, voit un autre intérêt dans le nettoyage enzymatique. « Nous traitons nos effluents pour les amener à un pH neutre avant de les envoyer dans une station d’épuration. Étant proche de la neutralité, contrairement à la soude, l’Enzyfoam nous permet de moins traiter nos effluents. On espère ainsi diminuer nos consommables nécessaires à la neutralisation de nos rejets. » Et ce produit n’est pas qu’un atout pour les effluents. « C’est aussi moins agressif que la soude pour nos opérateurs, même si cela ne dispense pas de porter des gants et des lunettes », ajoute-t-il.