Reportage

À 70 ans, la route des vins d'Alsace continue d'attirer les touristes comme un aimant

es routes de vins, un concept toujours actuel ou dépassé ? Ce mercredi 12 juillet après-midi, nous nous arrêtons à Riquewihr pour le savoir. À une quinzaine de kilomètres au nord de Colmar, c’est l’un des villages viticoles les plus courus d’Alsace. Quelque 500 000 personnes l’arpentent chaque année. Surtout, Riquewihr se trouve au cœur de la route de vins d’Alsace qui fête ses 70 ans cette année. Accuse-t-elle le poids des ans ? Pas pour les nombreux touristes que nous rencontrons. En réalité, ils ignorent que cette route est déjà si ancienne… et s’en moquent un peu. La plupart la découvrent pour la première fois, souvent avec des yeux émerveillés.

Comme Michala et Tobias. Ce jeune couple de Danois séjourne à Colmar et circule à vélo le long de la route des vins. Ce matin, ils se sont arrêtés à Turkheim puis à Kientzheim où ils ont acheté un muscat et un riesling avant d’arriver à Riquewihr où ils ont ajouté deux edelzwickers à leur panier. « C’est charmant. À Turckheim, nous avons été enthousiasmés de voir un nid de cigognes occupé, racontent-ils. Nous aimons les vins blancs, ceux d’Alsace en particulier. Ils sont propres, rectilignes, rafraîchissants. » Pour la suite de leur séjour, Michala et Tobias prévoient des haltes à Eguisheim et à Ribeauvillé, deux autres villages de la route des vins.

Julie et Kévin, venus de l’Orléanais en van pour une semaine de vacances, comptent déjà plusieurs routes des vins à leur actif : Touraine, Saint-Émilion, Bourgogne. Mais c’est la première fois qu’ils parcourent celle d’Alsace. « L’architecture des maisons à colombages n’a d’égale que celle des vignes dans les coteaux », lance la jeune maman.

Ces amateurs « de vins fruités et gastronomiques » sortent de la maison Dopff & Irion qu’ils ont repérée sur Internet avant leur départ. « C’est un joli caveau. L’accueil est attentionné », apprécient-ils chargés de deux gewurztraminers et de deux pinots gris offrant « un bel équilibre », l’un pour offrir, l’autre pour eux. Et d’ajouter qu’ils n’ont pas voulu acheter de riesling après une mauvaise expérience dans un restaurant, quelques jours plus tôt, où la bouteille était trop acide. Ils pensent encore sillonner un peu la route des vins. « Nous cherchons des endroits pour nous garer avec de l’eau et du courant. Chez un vigneron, ce serait l’idéal pour échanger et déguster sur place », affirment-ils.

Pour Anja et Chris c’est aussi leur premier séjour sur la route de vins. Ce couple de Néerlandais la parcourt en suivant les conseils de ses voisins de camping. « Le côté historique nous plaît énormément » avoue-t-il, un carton de six sylvaners « frais et sec » sous le bras. « Cinq bouteilles pour des amis, une pour nous ! » résume Chris qui a réservé, pour demain, une visite dans un autre à Bergholtz, où il y a de fortes chances que le couple poursuive ses achats…

Ghislaine et Joël, du Mans, eux, retrouvent la route des vins comme ils l’avaient laissée il y a trente ans : belle et agréable ! Joël est un fidèle de la maison Dopff & Irion qui « ne l’a jamais déçu » avec son riesling grand cru Schoenenbourg. Il en a pris trois bouteilles sans goûter. « Il fait trop chaud. Et je fais entière confiance à la maison. » Pour les jours à venir, le couple a programmé d’autres arrêts à Barr et Obernai, plus au nord.

Inga et Claus, de Hambourg, reviennent aussi après trente ans d’absence. Ils sont au milieu de leur périple qui les a déjà vus visiter Kintzheim et qui doit encore les amener à Colmar et Obernai. Dans leurs cartons, deux gentils (un assemblage), deux sylvaners et un riesling grand cru. « C’est surtout pour madame, grande amatrice de fromages », glisse Claus. Ils ont déjà dégusté à trois reprises et notent que l’un des viticulteurs est resté aimable, alors qu’ils sont repartis de chez lui les mains vides ayant jugé ses vins « trop ronds ».

Laurens est un habitué de la route des vins où il rayonne entre vingt et trente kilomètres autour de son point de chute. Ce Néerlandais passe environ tous les deux ans par l’Alsace. « Pour la nature, la montagne et les opportunités d’acheter directement dans des domaines dans lesquels « trois, quatre, cinq ou plus de générations ont déjà œuvré. J’ai du respect pour leur travail de mise en valeur de leur région. Et cela ne me dérange pas de payer plus cher qu’en grande surface », résume-t-il. Laurens s’intéresse à toute la gamme des vins d’Alsace, crémant inclus. Pendant ses quinze jours sur place, il prévoit de visiter cinq domaines et de ramener une vingtaine de bouteilles.

« La route des vins, c’est comme un plongeon dans l’histoire », confient Angelica, Josef, Svetlana et Lutz. « Elle a 70 ans cette année ? Vous nous l’apprenez ! C’est encore jeune », décrète Josef. Les deux couples de Mayence et de Francfort-sur-le-Main s’y rendent « au moins une fois par an ». Ils sont familiers de Kaysersberg, Riquewihr et Ribeauvillé. Ils apprécient les prix « acceptables » et le sens de l’humour des vignerons. Sur le coup de 16 heures, les femmes dégustent un crémant et les hommes un pinot gris au domaine Fritz-Schmitt, prélude à des achats. « Le coffre de la voiture accepte encore 36 bouteilles. Au moins… », sourit Svetlana.

Une table plus loin, le groupe composé de six Américains et de deux Anglais en est à sa deuxième halte dans le cadre de sa demi-journée « route des vins » réservée auprès d’un tour-opérateur. Ces huit touristes sont visiblement bluffés par ce qu’ils découvrent. « Les Alsaciens profitent d’un très bel héritage, architectural, culturel, historique, naturel », énonce Sean. Bruce ne ressent pas « le côté commercial » qui l’insupporte dans les wineries américains. Une fois rentré dans sa Géorgie natale, c’est décidé, il fera la chasse aux vins d’Alsace, trop peu référencés là-bas à son goût.

À Jaimie et Angela les mots de la fin. La première : « Ce vignoble est plus familial, plus accessible, plus intime que celui de Bordeaux ou de la Champagne. » La seconde : « Ici, on vit une expérience différente de celle que l’on peut vivre dans d’autres vignobles. Tout est plus calme, plus amical, plus personnel, plus proche de la nature. Nous sommes en contact avec les viticulteurs qui produisent leurs vins. Ce que j’ai vu et apprécié me donne envie de revenir et de séjourner sur place ! » Tout est dit !