ne enquête conduite par l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) auprès de 255 vignerons bio confirme la recrudescence des goûts de souris, allant des notes de pop-corn au vomi. Sur l’ensemble de la France, 18 % des interrogés ont déclaré avoir eu des goûts de souris en 2021 contre 12 % en 2020. En Occitanie, 30 % des caves y ont été confrontés en 2021 contre 14 % en 2020. Et la proportion est encore plus grande chez celles qui vinifient sans sulfite : 46 % en 2021 contre 27 % en 2020.
L’augmentation des goûts de souris semble également liée à l’augmentation du pH des vins et à une mauvaise gestion de l’oxygène. Lors de sa thèse soutenue ce 27 juin à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) Pierre Moulis a isolé les 353 microorganismes présents dans 25 vins sourissés et testé leur capacité à produire de la 2-acétyltétrahydropyridine (ATHP), de la 2-éthyltétrahydropyridine (ETHP) ou de la 2-acétyl-1 pyrroline (APY), les trois molécules impliquées dans le défaut.
« Dans un milieu synthétique contenant 5 g/L de lysine et d’ornithine, des acides aminés précurseurs des pyridines, seules les souches de Brettanomyces bruxellensis, Lentilactobacillus hilgardii, et des bactéries lactiques Oenococcus oeni ont été capables de produire les composés sourissés » indique-t-il.
Les isolats testés dans le même milieu provenant d'autres espèces, telles que P. parvulus, P. manshurica, P. carsonii et Saccharomyces cerevisiae n'ont pas été capables de produire le goût de souris.
En travaillant sur 22 souches de collections de B. bruxellensis, 10 L. hilgardii, et 20 O. oeni, Pierre Moulis a découvert que toutes pouvaient fabriquer au moins une des trois pyridines. « Contrairement à ce que pensent beaucoup de vignerons, B. bruxellensis est loin d’être la seule responsable de l’apparition des goûts de souris » continue-t-il.
En milieu modèle puis dans des vins, le chercher a ensuite montré que la production des composés responsables des goûts de souris pouvait être liée à l’interaction entre plusieurs microorganismes. En vinifiant un même moût d’ugni blanc avec deux souches de levures Saccharomyces cerevisiae différentes et en suivant l’apparition des composés sourissés pendant 24 jours, Pierre Moulis a par exemple trouvé plus d’APY dans un des deux vins.
Les fermentations spontanées sont les plus risquées, « puisqu’elles ne permettent pas de contrôler le développement des microorganismes indésirables dans les vins ». Des solutions curatives existent-elles ? « Nous n’en connaissons pas de pérennes. Jouer sur la réduction du vin peut donner des résultats mais ceux-ci ils disparaissent malheureusement très rapidement, parfois en quelques heures seulement » regrette Pierre Moulis. Il préconise aux vignerons de travailler en préventif, en utilisant du chitosan pour éliminer les levures et bactéries problématiques.