mpossible d’aborder le marché argentin des vins sans faire référence à l’omniprésente culture football de ce pays et sa récente victoire en coupe du monde. Ainsi, la procession des joueurs célébrant leur victoire dans les rues de Buenos Aires a mis en avant une tendance forte de consommation d’alcool qui s’est imposée ces dernières années dans le pays où Maradona possède un courant religieux dédié : le Fernet (boisson alcoolisée amère infusée d’herbes) mélangé au soda. « Ces bitters sont devenus la boisson phare de la jeunesse, généralement mélangés à du cola. Ils sont devenus le 3ème alcool le plus apprécié dans le pays derrière la bière et le vin », situe Damian Bergel, chargé d’affaires Agrotech pour Business France en Argentine.
7ème producteur mondial de vins (11,5 millions hl en 2022, chiffres OIV), l’Argentine figure également dans le top 10 de la consommation, un peu plus de 8 millions hl en 2022, soit une moyenne de 20 l/habitant/an, sur un marché qui reste largement dominé par la bière. A surfaces de production quasiment égales, le voisin chilien se distingue par sa capacité d’exportation, Damian Bergel expliquant que seuls 20% des volumes de vins produits en Argentine sont mis en marché à l’export. « L’inflation de 100% et le taux de conversion peso-dollar posent problème, si bien qu’il est plus rentable pour les entreprises de vendre les vins sur le marché domestique plutôt qu’à l’export, ce qui n’est pas le cas du Chili, dont la monnaie est mieux positionnée », explique le conseiller Business France.
Ce même Chili est le plus grand exportateur de vins vers l’Argentine, « avec 54% des volumes de vins tranquilles importés venant de ce pays voisin, suivi de plus loin par l’Italie puis la France », précise Damian Bergel. La très bonne valorisation des champagnes maintient néanmoins le large leadership de la France en valeur. Cette caractéristique rapproche ainsi le marché argentin des vins de celui de son cousin outre-Atlantique, l’Espagne. « Le champagne domine largement », confirme Damian Bergel, « sur 7,4 millions $ d’importation de vins, 4,1 millions $ concernent des vins mousseux, dont 3,5 millions $ pour les seuls champagnes, suivi de très loin par les proseccos (270 000$) et cavas (230 000$) ». Pour lui, la présence de grands groupes français au sein du vignoble argentin a également contribué à l’implantation du champagne dans la culture de consommation locale, bien que limitée à une tranche de la population ayant les moyens.
Dans un pays où « la classe moyenne représente 50% de la population », la distribution de vins est assurée par les réseaux de grande distribution, cavistes et CHR (cafés-hôtels-restaurants). La consommation de vin de masse est d’ailleurs souvent associée à la culture de l’asado (barbecue) de ce pays fort consommateur de viande (110kg/an/habitant selon Business France). Les vins argentins et chiliens dominant ce marché de la consommation courante de vins, il ne reste que peu de place pour l’importation de vins étrangers, plutôt réservés à une classe sociale aisée pouvant consommer des vins plus chers.
« Deux tiers des volumes consommés sont des vins rouges mais le marché d’importation des vins en Argentine reste assez limité, avec peu d’importateurs. On ne retrouve globalement les vins français que dans des restaurants et hôtels de luxe ou les épiceries spécialisés », développe le conseiller Business France. Damian Bergel insiste également sur la nécessaire distinction entre Buenos Aires et sa province, « qui regroupe 25 des 45 millions d’argentins » au plus fort pouvoir d’achat, et le reste du pays où « à l’exception de Cordoba et Rosario, il n’y a pas vraiment de lieux de consommation de vins français ». Mieux vaut donc venir à la rencontre des importateurs locaux et avoir du champagne à proposer si l’on veut placer ses pions sur ce marché. « L’importation d’échantillons est limitée à 6 bouteilles, mais les importateurs connaissent ces contraintes et ne font pas cas de déguster des bouteilles entamées lors des tournées de présentation que nous pouvons organiser », précise le conseiller Business France.
Côté spiritueux, l’Argentine en a importé pour plus de 58 millions $ en 2022, essentiellement des whiskies de différentes provenances. « Les cognac sont appréciés mais assez limités à des amateurs », situe Damian Bergel. Sur le plan des spiritueux, la France ne pèse que 2% du total (1,36 millions $) des importations.