éconsommation du vin en France, inflation… Alors que la viticulture régionale souffre d’un contexte économique peu favorable, certaines coopératives languedociennes tirent leur épingle du jeu.
Avec 7,5 millions d’équivalent bouteilles vendus en conditionnés en 2022, Alma Cersius, regroupement des caves de Cers, Portiragnes, Villeneuve-les-Béziers et depuis peu Puimisson, a ainsi pulvérisé son record de vente, enregistrant une hausse de 25% par rapport à 2021. Et sur les 4 premiers mois de l’année 2023, la tendance est toujours à la hausse avec une progression de 36 %.


« C’est le résultat d’une stratégie engagée depuis 2005, date à laquelle nous avons décidé de développer nos ventes en conditionné pour apporter de la valeur ajoutée à notre production. Nous avons recruté un nouveau directeur dans cet objectif. Durant cette vingtaine d’années, nous avons développé des marchés à l’export (70% de nos ventes) et en France et aujourd’hui, nous valorisons 73% de notre production en bouteilles ou en Bib. Cette évolution s’est accompagnée d’une révision de nos méthodes de production pour s’adapter à la demande des marchés. Nous avons mis en place un cahier des charges bien précis : sélection parcellaire, raisins ramassés à maturité, vinification spécifique en fonction des profils recherchés… Grâce à cela, la qualité de nos vins a nettement progressé. Nous sommes d’ailleurs dans le trio de tête des coop les plus médaillées d’Occitanie. Nous sommes très bien positionnés d’un point de vue rapport qualité-prix », indique Marc Robert, le président de la coop héraultaise.
Néanmoins, cet atout prix pose question pour le président. « Avec la hausse de nos coûts de production, nos marges ont baissé. Nous avons augmenté nos tarifs, mais pas suffisamment. Avec le réchauffement climatique, les certifications environnementales, la hausse des prix des matières sèches comme celle des engrais, piquets, de l’énergie…, il faut que nos coopérateurs soient mieux rémunérés. Au renouvellement de nos contrats de vente, nous allons réviser nos prix à la hausse. Peut-être allons-nous perdre quelques clients, mais si nous vendons moins en volume mais à meilleur prix, ce n’est pas plus mal ».
A la cave Anne de Joyeuse dans l’Aude, les chiffres sont également éloquents. En 2022, les ventes ont dépassé le record de 2019, les années 2020 et 2021 ayant été bien impactées par la crise sanitaire. La coop a commercialisé 6,3 millions de cols en 2022, soit 15% de plus qu’en 2019. Et sur les quatre premiers mois de 2023, les chiffres sont en croissance de 25% sur le marché français et 18% à l’export.
Là encore, ces performances résultent d’une stratégie commerciale engagée depuis 2007 et à laquelle la coop n’a pas dérogé : le développement des ventes en conditionné exclusivement sur le réseau traditionnel (CHR et cavistes). L’amélioration qualitative des vins a également été un préalable indispensable : « Nous sommes une grosse cave qui fonctionne comme un petit domaine. On fait des sélections de parcelles, des vinifications en petit volume, des sélections de barriques adaptées à nos différentes cuvées… », détaille Arnaud de Cadolle, directeur commercial France.
Cette démarche est soutenue par une stratégique marketing offensive afin de dynamiser les ventes. La coop a ainsi lancé la gamme Rien à cirer, trois cuvées éphémères qui cassent les codes : un gewurztraminer élevé pour 50 % en fût, un assemblage syrah-malbec et une syrah en macération carbonique issue d’un terroir d’altitude. « Nous avons également fait le pari cette année de ne pas augmenter déraisonnablement nos prix. On s’est limité à une augmentation inférieure à 5%, qui nous permet de rester dans un bon rapport qualité-plaisir, tout en octroyant une rémunération en hausse à nos adhérents », poursuit le directeur commercial. La cave vise les 10 millions d’équivalents bouteilles d’ici moins de 5 ans.


Aux Costières de Pomérols, le directeur, Joël Julien, n’a pas hésité à sérieusement revoir ses tarifs en 2022. « Nous avions une toute petite récolte en 2021. Nous avons pu négocier des hausses de prix de 10 à12% sur nos IGP et 15 à 20% sur nos AOP. Nous avons ainsi pu rattraper les retards de hausses que nous n’avions pas passées les années précédentes. Et jamais les négociations n’ont été aussi rapides. Certains acheteurs anglais nous ont même proposé de payer encore plus cher si on leur fournissait plus de volume. Du jamais vu ! Grâce à cela, nos adhérents ont bénéficié d’une belle rémunération à 125 € net/hl ».
Le chiffre d’affaires de la cave a été boosté de 8%, progressant de 26,8 à 28,8 M€. Cette année, le directeur a de nouveau annoncé une hausse de 5 à 8% de ses tarifs, qui a eu plus de mal à passer. « Certains de nos clients n’ont pas suivi, on a perdu des marchés, mais dans l’ensemble, nous sommes dans une bonne dynamique. Jusqu’en novembre, nous étions en retard sur les volumes commercialisés, car nous étions en rupture sur de nombreuses références. Mais nous sommes en train de rattraper ce retard. On finira l’année en croissance », prédit Joël Julien. Et pourtant, la cave héraultaise va à nouveau manquer de vin cette année. « Nous avons produit 46 000 hl de rosé. Il nous en aurait fallu 50 000 hl pour satisfaire toutes les demandes. Nous allons revoir nos volumes à la hausse pour la récolte 2023 ».
L’horizon n’est pas si morose pour ces caves qui ont misé sur le conditionné.