rages, ô désespoir dans le vignoble du Var. Des cellules orageuses se sont cristallisées en chute de grêle ce vendredi 12 (dans la zone de Flassans, Gonfaron et Le Luc), samedi 13 (notamment vers Bandol) et dimanche 14 mai (notamment vers Vidauban). Entre la couche blanche de grêlons et les vignes réduites à leurs sarments, des parcelles semblent être revenues d’un coup en plein hiver. Touché à des degrés divers sur trois hectares de vignes, Benoît Coste adhérent de la cave coopérative de Gonfaron (avec 30 hectares), note que sur une parcelle toutes les grappes ont été arrachées et il ne reste plus de feuilles, tandis qu’à côté les dégâts sont très limités. Il reste que les surfaces touchées par la grêle sont inhabituellement importantes (une centaine d’hectares pour la coopérative). « Ce n’est pas un couloir de grêle. Je n'en avais jamais vu sur ces quartiers » pointe celui qui est installé depuis 2007.
Précoces, ces épisodes de grêle « touchent plusieurs secteurs là où normalement un seul était touché. Jamais je n’ai vu de surfaces aussi importantes » confirme Claire Scappini, responsable technique R&D pour le distributeur Racines Sap (groupe Perret), qui relève des premières estimations de dégâts allant de plus de 90 % de pertes en plein cœur de couloir de grêle, quand d’autres parcelles voisines seraient plutôt à 20 % de pertes. Dans tous les cas, « quand on peut accéder aux parcelles, l’objectif est de faire cicatriser vigne (avec du cuivre, du calcium, de la silice…), relancer l’activité photosynthétique de la vigne (avec de la phytothérapie, à base d’orties, ou des cocktails d’oligoéléments…), remettre de l’azote (pour soutenir la plante) et préparer les travaux d’ébourgeonnages (et prévoir la taille d’hiver). Il existe un panel de solutions pour aider à la relance » indique la consultante hors-phyto.


S’il n’y a pas de premiers chiffres de pertes de récolte consolidés, « ceux qui ont été touchés l’ont été très durement. Et ils auront encore un impact l’an prochain » rapporte Éric Pastorino, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Provence (CIVP), qui constate des intempéries aussi localisées (à l’échelle du vignoble provençal) qu’intenses. Ce vendredi 12 mai sur une partie de la commune de Flassans, « le couloir de grêle s’est arrêté, a pilonné pendant 30 minutes. Il y a eu 10 à 15 cm de cumul de grêle, comme s’il y avait eu de la neige avec beaucoup d’eau » témoigne Laurent Rougon, le président de la cave coopérative du comptoir de Flassans (1 300 hectares sur 14 communes). Également président de la Fédération des vignerons coopérateurs du Var, le viticulteur constate qu’à l’échelle de toute la Provence les dégâts actuels resteront limités, mais les prévisions météorologiques ne sont pas rassurantes pour les prochains jours.
Alors que la saison des orages de grêle s’était ouverte le premier mai (avec des dégâts sur Pierrefeu-du-Var et Collobrières), le risque de nouvelles chutes de grêle reste fort cette semaine. Comme le résume le météorologue Yohan Laurito (Météo Varoise), tous les ingrédients sont présents pour un cocktail explosif : un contexte dépressionnaire sur le Sud-Est, une arrivée de chaleur au niveau du sol, de l’air restant frais et humide en altitude et des échanges thermiques sur les reliefs avec des brises de pente. Ce qui débouche sur la formation classique d’orages provençaux, avec la particularité de formation d’orages plus dynamiques que d’habitude (par le cumul de dépression et de fraîcheur en altitude). Ces conditions durant encore 7 à 10 jours, les risques restent présents pour le vignoble prévient Yohan Laurito.
« On a un peu d’orage tous les soirs, avec ponctuellement des risques de grêle. Le seul point positif est que l’on a un peu d’eau, qui permet de passer la période » essaie de positiver Éric Paul, le président du comité national IGP de l’INAO. En alerte, le vigneron de Montfort-sur-Argens note que selon les terroirs provençaux, la vigne va de trois-quatre feuilles étalées au début de floraison : « c’est un stade où les plantes sont très fragiles. Le moindre impact cause des nécroses. » Devant cette séquence d’orages, Éric Pastorino estime qu’il faut urgemment réviser la moyenne olympique : « dans les contrats d’assurance la répétition des épisodes climatiques fait qu’il ne reste pas grand-chose, ça n’incite pas à s’assurer. » La question de la protection du vignoble varois contre la grêle se pose aussi. Les solutions collectives, type générateur d’iodure d’argent, n’étant pas développées en Provence, restent les solutions individuelles, comme les filets antigrêle. Rapportant une protection efficace « comme sur les arbres fruitiers » sur les précédents millésimes, le vigneron Hugues Gauthier (à Rians) a été jusqu’ici épargné par la grêle et bénéficie de filets antigrêle sur deux parcelles dans le cadre d’une expérimentation pour les panneaux photovoltaïques Ombrea.
Traitant ses vignes épargnées contre le mildiou pour « protéger ce qui a été épargné », Benoît Coste partage le souci qui le taraude : « on n’est qu’en mai, il reste longtemps avant les vendanges. Ce n’est que le début… »
Les grêlons ont haché le feuillage. Photo : Claire Scappini.