ini, le temps où il convenait de mettre la zone des grappes quasiment à nu. Si les bienfaits de l’effeuillage sont reconnus dans la lutte contre les maladies, pour améliorer l’efficacité des traitements, favoriser la maturité ou encore gagner du temps lors des vendanges manuelles, cette pratique favorise aussi l’échaudage. Or, avec le réchauffement, ce risque s’amplifie (lire l’encadré). Dès lors, faut-il y renoncer ? Pour Mathieu Jehanno, conseiller vigne à la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique, la réponse est oui, du moins dans les parcelles peu sensibles aux maladies. Un conseil qui se justifie car il y a de moins en moins de botrytis et de difficultés de maturation du fait du réchauffement. En revanche, dans les parcelles sujettes aux attaques de botrytis ou d’oïdium, l’effeuillage reste pertinent. Mais dans ce cas, mieux vaut « intervenir sur une seule face, de manière modérée et côté soleil levant », soulignait Mathieu Jehanno en février dernier, lors d’un webinaire.
Même discours dans le Bordelais. « Ces quinze à vingt dernières années, on a beaucoup incité les vignerons à effeuiller, explique Romain Tourdias, conseiller viticole à l’Adar du Médoc, pour réduire les antibotrytis et améliorer la maturité. Aujourd’hui, on revient un peu en arrière. On ne dit pas qu’il ne faut plus effeuiller, mais qu’il faut raisonner la pratique à la parcelle, selon qu’elle est précoce ou tardive, sujette ou non au botrytis… »
De là, il déconseille d’effeuiller les parcelles de merlot peu vigoureuses et peu sensibles au botrytis. « Sur les parcelles à haute valeur ajoutée, mieux vaut faire de l’échardage, c’est-à-dire supprimer les entrecœurs, précise Romain Tourdias. Cela permet d’aérer la vigne tout en gardant les feuilles primaires qui fournissent de l’ombrage. Mais la technique n’est pas mécanisable et prend du temps. » À l’inverse, dans les vignes vigoureuses plantées avec des cépages tardifs comme le cabernet sauvignon, le petit verdot ou le carmenère, l’effeuillage reste intéressant.
En Côte-d’Or, Benoît Bazerolle, conseiller viticole à la chambre d’agriculture, n’est pas aussi catégorique. « Dans nos essais, nous n’avons pas vu de différence d’échaudage entre des vignes effeuillées et non effeuillées dès lors que l’effeuillage est précoce – entre la nouaison et la fermeture de la grappe – et réalisé sur une seule face, côté soleil levant. En revanche, si l’on effeuille brutalement en plein mois de juillet et que l’on expose subitement les grappes au soleil, alors là, on peut avoir des soucis. »
Selon l’expert, l’effeuillage se justifie toujours en Côte-d’Or, région qui peut subir de fortes pressions d’oïdium. « Pour cette raison, on ne devrait pas trop s’en passer », car en exposant les grappes à la lumière, l’effeuillage réduit les attaques d’oïdium, ce parasite étant sensible aux UV. Mais sur le terrain, l’effeuillage se pratique moins, comme l’observe le conseiller bourguignon. Alors que « l’ébourgeonnage et la suppression des entrecœurs se développent », dans le but d’obtenir une meilleure aération du feuillage et de mieux exposer les grappes aux traitements.
En Champagne, l’effeuillage reste également « une pratique prophylactique largement recommandée, afin de limiter la sensibilité à la pourriture grise ou à l’oïdium, rapporte Marie-Laure Panon, du Comité Champagne. L’efficacité est toujours au rendez-vous – en moyenne 50 % sur la pourriture grise, 25 à 30 % sur l’oïdium – dès lors que l’on intervient suffisamment tôt : à partir du stade nouaison, après relevage et palissage, jusqu’au stade grain de pois. »
Dans ce cas, « nous conseillons un effeuillage modéré de la zone des grappes, sur une face, côté soleil levant, avec 10 et 15 % de perte de la surface foliaire. Dans ces conditions, on ne constate pas d’aggravation des dégâts d’échaudage, même les années à risques, et la pratique est neutre pour la maturation. »
À Chambray-les-Tours, en Indre-et-Loire, la probabilité d’avoir au moins un jour à plus de 35 °C, de juin à septembre, était de trois années sur dix entre 1976 et 2005. Avec le réchauffement, selon le scénario Giec 4.5 (stabilisation des émissions de gaz à effet de serre à un niveau faible), la probabilité d’avoir au moins un jour à plus de 35 °C, entre juin et septembre, serait d’une année sur deux à l’horizon 2050 et de huit années sur dix à l’horizon 2100, indique Brieuc Ménager, conseiller viticole à la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher. Et selon le pire scénario du Giec (les émissions de GES continuent d’augmenter au rythme actuel), il y aurait tous les ans au moins un jour à plus de 35 °C à l’horizon 2100. Selon d’autres projections, réalisées cette fois dans le Layon, il y aurait entre cinq et quinze jours à plus de 35 °C de juillet à septembre en 2100.