’est ce qui s’appelle une mise au ban des vendanges. « Monsieur Arnault, nous reprenons notre part des anges » annonce la Confédération Paysanne du Var sur Facebook,le syndicat agricole menant ce dimanche 28 une opération de vendanges sauvages et de pressurage improvisé sur la propriété de 140 hectares de vignes (d’après son site) rachetée à 55 % fin 2019 par le groupe LVMH (présidé par Bernard Arnault) à Sacha Lichine, qui avait acquis le domaine en 2006 (à un fonds de pension suédois) et avait développé la première marque export des rosés de Provence (Whispering Angels). Revendiquant 300 manifestants ce 28 août, la Confédération Paysanne du Var estime que son vignoble « est la proie d'investisseurs qui font flamber le prix du foncier. L'avenir du territoire va peu à peu être sous la mainmise de grands groupes ».
Si la valorisation des vins, des raisins et des terres bénéficie au vignoble provençal, la surchauffe actuelle sur les prix conduit à un modèle « sans paysan, où il n’y a plus que de grands châteaux avec leurs chefs de culture » précise à Vitisphere Sylvain Apostolo, le porte-parole de la Confédération Paysanne dans le Var. Notant que le prix du foncier est passé de 45 à 125 000 euros l’hectare en dix ans, le producteur de fromages de brebis critique le virage de la « financiarisation de l’agriculture » qui pèse sur les cessions intrafamiliales (avec des coûts de succession inaccessibles pour de petits producteurs) et mène à la concentration du foncier (avec l’utilisation souvent critiquée en Provence des rachats de parts sociales, qui doivent être prochainement soumises aux contrôles de la SAFER via la loi Sempastous).
1 tonne de désobéissance civile
Appelant à une grande loi foncière de protection du modèle agricole paysan, Sylvain Apostolo note les rachats systématiques par les grandes propriétés des parcelles à proximité, ainsi que des raisins de producteurs. Un fonctionnement qui n’est pas sans rappeler les modalités d’approvisionnement des maisons de Cognac et de Champagne. Dont les propriétaires investissent en Provence (LVMH, mais aussi Pernod Ricard). « Certains parlent de champagnisation du Var » note le porte-parole de la Confédération Paysanne, pour qui l’action au château d’Esclans doit mobiliser les pouvoirs publics et alerter le vignoble sur « le processus en cours » devant la nouvelle cave de la propriété « une énorme usine ». Se voulant symboliques, cette récolte et ce pressurage sauvages d’une tonne de grenache restent illicites. Encadrée par quelques gendarmes et des vigiles embauchés par la propriété pour l’occasion, l’opération tient de la désobéissance civile pour Sylvain Apostolo : « on assume le côté un peu illégal. Les dommages sont en réalité limités. Ils ne verront pas la différence… »


La Confédération Paysanne n’en est pas à son premier coup d’éclat dans le vignoble, ayant réalisé une opération similaire en janvier dernier dans le Jura. Également illicite, la manifestation revendiquait la mobilisation de 600 personnes pour défricher une parcelle de 2 hectares à Passenans « pour une remise en culture prochaine pour de nouveaux paysan-ne-s plutôt que de la laisser en friche pour le seul profit de quelques spéculateurs » expliquait un communiqué, qui prévenait : « cette action n'est qu'un début : dans le Jura comme ailleurs, nous continuerons à reprendre les terres aux spéculateurs ».
Contactés, le château d’Esclans et LVMH n’ont pas donné suite à date de publication.