obriété : le mot de la rentrée… répété jusqu’à plus soif ! Alors que les vendanges monopolisent les esprits vignerons, l’appel gouvernemental aux entreprises à réduire de 10 % leurs consommations énergétiques pour la fin d’année ne fait pas partie des, nombreux, problèmes se posant à la filière vin (mobilisée sur l’attractivité de l’assurance climatique, une demande de moratoire pour la certification HVE rénovée, des débats sur l’arrachage de vignes excédentaires et la distillation de crise…).
Si l’enjeu de la réduction des consommations d’énergie est bien perçu par le vignoble (écologiquement et économiquement), l’idée demeure qu’il n’y a pas d’urgence : que les caves ne seront finalement pas concernées par les questions énergétiques qui toucheront l’hiver, bien après le pic d’activité des vendanges et vinifications. Au final, il semble qu’il n’y ait que Cognac qui s’inquiète de possibles restrictions d’utilisation du gaz pendant sa future campagne de distillation,le reste du vignoble espérant passer entre les gouttes d’ici une amélioration de la situation.
Si la question de réduire les consommations énergétiques se pose de manière accrue avec les crises géopolitiques actuelles (notamment l’invasion russe de l’Ukraine), le défi d’optimiser les ressources limitées par essence doit s’imposer à tous les opérateurs : il est temps de travailler et peaufiner des plans de sobriété pour l’avenir : la disponibilité en gaz, électricité et carburant ne semble pas aller vers l’abondance (autre mot de la rentrée). Moins exposé que d’autres filières (comme celle verrière), le vignoble peut agir sur ses multiples équipements de production (du travail de la vigne aux livraisons de vin, en passant par les chais) et sur son environnement pour produire ou moins consommer de l’énergie (panneaux photovoltaïques, caves enterrées…).
Tous ces leviers présentent des coûts pour aboutir à un résultat qui peut ressembler à des économies de bouts de chandelles. Il est vrai qu’à date il n’y a pas de grandes solutions impressionnantes, de révolution technologique majeure, pour réduire drastiquement les besoins énergétiques de la filière vin. Ses multiples postes de consommation impliquent de cumuler les petites actions : ce qui n’est pas sans rappeler l’histoire du colibri raconté par le défunt Pierre Rabhi, figure de l’agroécologie qui signait justement un livre d’actualité : Vers la sobriété heureuse (2010).
Pour qu’elle soit la plus heureuse possible, la sobriété doit être choisie par anticipation et non subie dans l’urgence. Mieux vaut entendre raison avant de devoir se rendre à la ration... N’oublions donc pas d’éteindre la lumière, mais aussi de rallumer les Lumières. « Je serai toujours sobre… je ne mangerai que pour le besoin* » écrit Voltaire dans Memnon ou la sagesse humaine (1749)
* : La citation complète est « je serai toujours sobre ; j’aurai beau être tenté par la bonne chère, par des vins délicieux, par la séduction de la société ; je n’aurai qu’à me représenter les suites des excès, une tête pesante, un estomac embarrassé, la perte de la raison, de la santé, et du temps, je ne mangerai alors que pour le besoin ; ma santé sera toujours égale, mes idées toujours pures et lumineuses. Tout cela est si facile qu’il n’y a aucun mérite à y parvenir. »