assionnée de plongée et en cours de création d’un petit domaine viticole sur sa terre d’origine, le Finistère, Karine Aliouane a vite trouvé le sujet de son stage de fin de BTSA viticulture-œnologie réalisé au domaine Clau de Nell, en Anjou.
« J’ai voulu vérifier que le passage en mer accélère le vieillissement des vins rouges et accentue leur souplesse et leur fruité » raconte l’étudiante, tout juste primée par le jury de la 11ème édition des grands prix des œnologues ligériens.
Après avoir bataillé plusieurs mois pour obtenir une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du milieu marin, Karine Aliouane a fabriqué un casier et immergé à 25 mètres 16 bouteilles à la Pointe de la Jument sur la commune de Poullan sur mer, près de Douarnenez.


L’expérimentation a débuté en mai 2021, avec deux cuvées très tanniques du millésime 2019 de grolleau et de violette (composée de 80% de cabernet franc et 20% de cabernet sauvignon), bouchées avec le Select Green 300 de Nomacorc pour l'expérimentation. « J’ai fait ajouter une double couche de cire aux bouteilles pour renforcer l'étanchéité » reprend l’étudiante.
A 5, 8 et 12 mois, Karine Aliouane a sorti deux bouteilles de chaque cuvée pour analyses et dégustations par un panel mixte hommes-femmes, composé de dix professionnels de la zone d’appellation dont cinq œnologues. A chaque fois, ils ont comparé à l’aveugle les vins élevés en mer et les vins élevés en cave.
Sur les deux assemblages, le jury et les analyses ont démontré une évolution de la couleur et de son intensité plus marquée pour le vieillissement en mer.
L’analyse de l’évolution de l’indice HCl, représentant la structure et le niveau de polymérisation des tanins, n’a en revanche pas permis de montrer l’accélération du vieillissement en mer. « Mais, à taux quasi équivalent (14.2 % en mer et 13.7% en cave), le vin de la mer a été perçu moins tannique par les dégustateurs (note de 3.83/5 en mer contre 4.33/5 en cave) ».
Au bout d’un an d’élevage, le jury a trouvé que les vins issus de la mer présentaient plus de notes de fruits noirs et empyreumatiques, traduisant une évolution plus rapide. Ils les ont en outre jugés plus souples et complexes.
Lors des tests triangulaires, ils n’ont cependant pas toujours été capables de discriminer les vins. Toujours à l’aveugle, après 5 mois de vieillissement, le grolleau mer n’était pas préféré de manière significative au grolleau cave. « Il l’était au bout de 8 mois et toujours au bout de 12. Pour violette c’est l’inverse : le jury a préféré de manière significative le vin mer au bout de 5 mois de vieillissement, mais cette préférence s’est estompée au fil du temps ».
« Idéalement, j’aurais souhaité une durée du protocole expérimentale étendue à 24 mois, une période plus propice à l’observation de changements évidents, et un panel étendu à vingt dégustateurs » conclut Karine Aliouane, qui conseille aux viticulteurs de relativiser ce qui est lu sur internet. « Les vins plongés trois mois en mer à moins de 5 mètres de profondeur peuvent difficilement vieillir prématurément ».