uand Antoine Gobert a démarré sa thèse sous la direction d’Hervé Alexandre à l’Institut universitaire de la vigne et du vin de Dijon en 2016, les études sur la capacité des levures à produire moins d’alcool se comptaient sur les doigts de la main.
« Une publication listait des souches à potentiel. Je l’ai reprise et j’ai réalisé mon propre screening à partir des levures disponibles au laboratoire » relate le chercheur, désormais employé par Sofralab, qui avait financé sa thèse. Antoine Gobert a éliminé toutes les souches qui avaient le même rendement en alcool que Saccharomyces cerevisiae.
« J’ai aussi regardé leur comportement en inoculation séquentielle. Je me suis assuré qu’elles ne gênaient pas la fin de la fermentation, et qu’elles donnaient des vins sans défauts ». Après un an, il a retenu la levure non-Saccharomyces Starmerella bacillaris. « A l’époque, nous obtenions des baisses allant de 1 à 1,5% vol. alc. Après tout un tas d’essais dans des bioréacteurs de 3 litres, avec maîtrise de l’agitation, de l’oxygénation, ou de la nutrition, j’ai réussi à atteindre 2,5% vol. alc. »


Sofralab testera à grande échelle sa nouvelle levure "Starbella" lors des prochaines vinifications. L’entreprise va la proposer à plusieurs caves partenaires et peaufine sa méthode de production et de séchage pour la lancer officiellement avant les vendanges 2023.
« Nous n’obtiendrons certainement pas les 2,5% de baisse d’alcool car en grands volumes nous devons ensemencer la saccharomyces sélectionnée au plus tard trois jours après la starmerella pour éviter qu’une autre levure ne s’implante et ne compromette la fin de la fermentation » reprend Antoine Gobert, qui préconise un assainissement du moût au SO2. La Starbella supporte jusqu’à 5 g/hl.
En 2020, lors d’un essai sur 10 hl, le microbiologiste a réussi à faire baisser le rendement en alcool de 2 points. « Le témoin affichait 17,5% vol. alc. à la fin de la fermentation. A l’inverse, lors d’un essai sur Meursault au TAVP de 13,5% en 2021, starmerella n’a pas permis de gagner qu’un point. Plus le moût est riche en sucres, plus la levure est efficace ».
A l’inverse de Saccharomyces, Starmerella est fructophile. Elle préfère le fructose au glucose, et l’utilise pour faire de la biomasse et le transformer en glycérol. Elle consomme beaucoup d’azote assimilable et carence le milieu. Pour aller au bout de la fermentation, Antoine Gobert préconise l’apport d’un mélange d’acides aminés, d’ergostérols et de vitamines lors de l’inoculation de la levure sélectionnée. « Du DAP ne suffit pas » prévient-il.


Au nez, les analyses sensorielles réalisées par différents panels de dégustateurs experts, œnologues de Dijon ou ingénieurs de Sofralab, ont montré une augmentation de la complexité et des notes fruitées. « C’est en bouche que l’on sent la différence sur l’alcool. On a moins de sécheresse et de sensation "brulante". Les vins sont plus frais et plus équilibrés. Starbella les fait également gagner en volume et, du fait de sa production de glycérol, en gras ».
Pour l’heure, la levure peut être ensemencé sur blanc, rouge, ou rosé, en phase liquide. « Nous travaillons sur une cuve tampon qui permettrait aussi aux vignerons de travailler en phase solide » conclut Antoine Gobert.