n termes d’offre, c’est indéniable : le marché de la canette prend. En termes de demande de marché, les choses semblent plus compliquées à développer… « Le vin en cannette est encore un contenant assez méconnu. Les gens sont mêmes surpris d’être interrogés dessus. Mais ils sont curieux et sont prêts à l’essayer » explique Stéphanie Cottreau, la directrice marketing des Maîtres Vignerons de Saint-Tropez (réunissant 11 adhérents, pour 900 hectares de vignes et 4 millions de cols). Lançant une gamme de canettes, Nomad 83, à l’occasion du dernier salon Wine Paris & Vinexpo Paris, la structure coopérative s’appuie sur une étude OpinionWay (réalisée cette fin janvier 2022 sur un échantillon de 1 040 personnes) pour définir concrètement sa cible (et ne pas rester dans le ressenti).
D’après le sondage, 72 % des sondés se disent prêts à essayer la canette : une proportion qui monte à 84 % sur la population des 18-24 ans. Les jeunes sont les plus intéressés par ce nouveau format, que ce soit par pur attrait de la nouveauté (32 % de retour positif), par intérêt sur sa petite contenance de 25 cL (23 % d’intérêt pour ce volume trois fois inférieur à une bouteille) et par facilité de transport (19 %). Avec la possibilité de se glisser dans une commande de restauration à emporter, dans un pique-nique, en festival ou en soirée, la canette doit viser principalement les 18-24 ans pour Stéphanie Cottreau : « il y a une cible à sensibiliser. Nous allons mener une campagne sur les réseaux sociaux, en allant jusqu’au bout : consommation dans des verres à whisky, avec des glaçons… »
Avec 10 000 unités produites de Nomad 83, l’opérateur provençal reste en phase de test de marché. Avec le choix d’un vin rosé en IGP Méditerranée pour afficher un prix de vente de 3,50 € plus accessible qu’une AOP de Provence. « Pour une consommation nomade, le prix doit être attractif » confirme Clément Duboc, cheffe de projet pour la maison le Star, qui commercialise depuis trois ans des canettes (150 000 unités/an pour un prix de vente au consommateur de 2,5 €). Lançant pendant le salon parisien une version effervescente, Le Star Bubbles, la négociante bordelaise souligne que la canette reste marché à part, mais restant en développement. « Ce marché est en croissance douce. Ça va se développer : il y a 40 ans, quand le BIB arrivait, on criait au loup. Désormais cela représente 15 % de nos ventes » analyse Camille Dujardin, le directeur général de Producta Vignobles.
Ayant lancé il y a trois ans une canette sous la marque "Destination France" sur le marché américain, l’union coopérative fait bilan d’un marché plus compétitif et saturé que prévu. Mais malgré les défis, « le projet de canette reste vivace, même si la demande des consommateurs ne s’est pas forcément exprimée aujourd’hui » explique Camille Dujardin, qui l’affirme : « je crois terriblement à la canette : avec un prix facial en dessous de 2 €, une recyclabilité infinie (celle de l’aluminium), une réponse à une maîtrise de la consommation (avec de plus petites quantités)… » En trois ans, l’union Producta est montée à 70 000 unités/an. Mais le gain en qualité est primordial pour son directeur, qui souligne l’enjeu de réduire les sulfites (« trop présent sur marché de la canette, avec des arômes réduits, pour ne pas parler d’œuf pourri ») et de laisser du gaz carbonique dans les vins à la mise (pour aller vers un profil plus perlant, via de la carbonatation). Ces travaux d’amélioration doivent désormais aboutir sur un repositionnement, pour élargir la gamme avec une nouvelle marque à venir d’ici un an.


Face à ces lancements de précurseurs, les retours commerciaux ne sont pas à la hauteur des ambitions analyse David Bernescut, le directeur commercial de maison Sinnae. « En Grande Distribution (GD), il y a l’envie d’y croire, mais les chiffres sont têtus » souligne le commercial de l’union coopérative de la Vallée du Rhône, qui note que « la canette c’est clivant : c’est un choc culturel. Sur une carte, l’absence de vin moins est choquante pour le consommateur que la présence de vin en canette. » Malgré ces difficultés, Sinnae lance une gamme de canettes : Petit Crush, avec 20 000 unités en AOC Côte du Rhône. Avec un prix de vente entre 2,25 et 3,15 €, la marque vise le marché du snacking en GD, en alternative aux bières. « Nous ciblons les millenials, ça peut aider nos vignerons à être découverts par de nouveaux consommateurs » souligne David Bernescut.
Si la plupart des canettes présentées optent pour des couleurs vives, notamment pour les rosés, il en est au moins une qui prend le contre-pied. « Pas de rose girly, mais du noir » résume Philippe Brel, le directeur général d’Estandon Coopérative en Provence, dont la cuvée Estandon Black Rosé se décline en canette (12 000 unités). Se lançant sur le format en ciblant le sancking, Philippe Brel en est convaincu : la canette, « ça va démarrer un jour où l’autre et se développer, c’est écrit ».
Une confiance partagée par tous les promoteurs de la canette. Qui pour l’instant font appel à des prestataires extérieurs pour leurs mises, n’ayant pas investi dans des chaînes dédiées.