IFT, herbicides et cépages résistants
L’AOC Bordeaux vote des mesures agro-environnementales

Du calcul obligatoire du nombre de traitements phytos à l’ouverture de l’AOC pour des assemblages constitués à 10 % de nouveaux cépages, le syndicat girondin frappe fort.
À quelques oppositions et abstentions près, l’assemblée générale du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur a adopté majoritairement, ce 10 février, les cinq modifications agro-écologiques de ses cahiers des charges (AOC Bordeaux, Bordeaux supérieur, Bordeaux rosé et crémant de Bordeaux). Signe de la volonté vigneronne de répondre à la pression environnementale (voir encadré), les trois premières mesures ont non seulement été votées à l’unanimité, mais sans débat. Semblant évidentes, ces dispositions sont : l’interdiction de l’usage d’herbicide sur le contour des parcelles, l’interdiction de l’usage d’herbicide sur la totalité de la surface du sol et l’obligation d’enlever et détruire les pieds morts.
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Moins consensuelle, la proposition que « tout opérateur doive mesurer et connaître son Indice de Fréquence de Traitement » a suscité les discussions, et fait naître des inquiétudes dans l’assistance. Certains craignant que l’enregistrement des IFT puisse se retourner contre les vignerons, en étant publiée et comparée selon les millésimes. « Par les temps qui courent, il vaut mieux jouer la transparence et ne pas taire les choses » tacle Hervé Grandeau, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux. « Nous avons tout intérêt à montrer ce que nous faisons, car de toute façon notre consommation de pesticides va diminuer » renchérit Bernard Farges, le président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur.
Les vignerons opposés à cette comptabilité des traitements craignent justement de donner un outil de pression aux pouvoirs publics pour la réduction de leurs IFT. « L’idée de ce suivi, ce n’est pas de réduire l’IFT, mais de donner un indicateur pour la prise de conscience du plus grand nombre » souligne Céline Wlostowicer, la secrétaire générale du syndicat viticole bordelais.
Ayant porté le projet en groupe de travail, elle précise que sa volonté n’était pas de partir sur des mesures restrictives pour les pesticides (obligation d’analyses de résidus, interdiction des produits Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques…), mais de sensibiliser les opérateurs sur leurs pratiques. « Dans une première phase, il est difficile de faire plus » glisse-t-elle. Ayant conscience des limites de l’IFT (notamment par rapport à la dangerosité des produits), elle souligne que son avantage est d’être simple à calculer. L’opération se résumant administrativement à « une addition à partir de sa traçabilité », comme le résume Hervé Grandeau.
La dernière mesure agro-écologique adoptée par le syndicat viticole est sans doute la plus ambitieuse. Il s’agit de « pouvoir cultiver et revendiquer en AOC d’autres cépages que ceux autorisés dans le cahier des charges, à hauteur de 5 % de la surface totale de l’exploitation et de 10 % de l’assemblage final ». Remettant en cause les fondements des AOC, cette mesure doit soutenir les essais de nouveaux cépages résistants aux maladies cryptogamiques, en ne pénalisant pas les expérimentateurs (qui doivent actuellement déclasser leurs cuvées en vin de France).
Mais cette proposition sera sans nul doute au cœur de vives discussions au sein des comités de l’INAO. Pour désamorcer toute opposition de principe de la part d’autres bassins AOC, le syndicat bordelais précise d’emblée interdire tout recours aux « cépages des grandes régions viticoles définis dans la doctrine de l’INAO (type chardonnay, grenache, pinot noir, riesling, syrah…). À voir si le pari de la réduction des intrants phytosanitaires pourra faire infléchir la doctrine de l’INAO. « En trois ans, je n’ai eu à traiter que quatre fois mes parcelles de vignes résistantes. Soit une réduction de 80 % par rapport au témoin » témoigne ainsi le vigneron-expérimentateur Jérémy Ducourt.
« Il nous faut être intransigeants et irréprochables dans nos comportements sur nos parcelles, avec nos salariés et voisins » résume Bernard Farges. Se voulant rassurant dans son approche transparente du dossier phyto, il précise que cette exigence doit aussi s’appliquer aux services de l’Etat et aux firmes phytopharmaceutiques : « on ne peut pas accepter de n’avoir que des demandes. Aujourd’hui, nous voulons des avancées sur les cépages résistants. Et nous sommes dans le mur pour le dossier du port des Équipements de Protection Individuels. »
Malgré un accueil engageant du ministère de l’Agriculture aux demandes de la filière, le port obligatoire des EPI au-delà des délais de rentrée est toujours d’actualité, au mépris de la faisabilité. « Si des produits sont dangereux au point qu’il faille porter des EPI, il faut les retirer du marché » tranche Bernard Farges. Désormais, les actions de la filière vont se focaliser sur l’Association Nationale de la Sécurité Sanitaire (ANSES), en charge des Autorisations de Mise sur le Marché (AMM).