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"Dans nos vignes, dans nos fermes, nous crevons. Et tout le monde semble s’en accommoder."
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Cri du cœur
"Dans nos vignes, dans nos fermes, nous crevons. Et tout le monde semble s’en accommoder."

Coups de gueule face à la crise des vins de Bordeaux qui s’éternise, fragilise, épuise et pulvérise. Il faut désormais que se concrétisent les pistes qui existent pour que le métier se revalorise et qu’il y ait reprise.
Par Alexandre Abellan Le 07 juin 2025
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« Les viticulteurs s’épuisent, s’endettent, sombrent. Leurs produits ne se vendent plus, ou à des prix qui ne couvrent même plus les coûts de production » dénonce Stéphane Gabard. - crédit photo : Alexandre Abellan (archives 2024)
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éunis ce 6 juin en assemblée générale extraordinaire, les délégués des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur ont validé les modifications de cahier des charges pavant le chemin la production dès le millésime 2025 du Bordeaux claret (le chainon manquant entre le rosé du clairet et le bordeaux rouge, voir encadré) et évoqué les lourdes conséquences de la crise économiquement et humainement (les procédures collectives se banalisant et les suicides menaçant toujours plus). L’occasion d’un nouvel échange d’amabilités entre les représentants des institutions bordelaises et les électrons libres du collectif Viti 33. « Il y a eu une intervention du collectif nous reprochant de réagir trop tardivement à la crise » rapporte Stéphane Gabard, le président de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG), qui pointe que lui, comme les autres élus du vignoble dans les instances locales et nationales, ne sont pas épargnés : « nous sommes tous vignerons, nous appréhendons la crise autant qu’eux. Nous la subissons depuis trop longtemps. »

Un amer constat qui a nourri un édito coup de gueule dans la e-lettre envoyée aux adhérents de l’ODG ce 5 juin. « Ne laissons pas mourir la viticulture dans l’indifférence » écrit Stéphane Gabard, rapportant que « dans nos vignes, dans nos fermes, nous crevons. Et tout le monde semble s’en accommoder. » Alors que les ventes chutent et que les rares volumes sortant le sont trop souvent à des prix inférieurs aux coûts de production, « les consommateurs, eux, continuent de payer plus cher en rayon et nous continuons de vendre à perte. Cherchez l’erreur » grince le vigneron de Galgon.

Il faut que ça change

« Assez du constat. Tout le monde connaît la réalité. Tout le monde la voit. Et pourtant, rien ne bouge, ou si peu. Il faut que ça change. Et vite » plaide Stéphane Gabard, appelant à des avancées urgentes : révision de la loi Egalim intégrant les coûts de production dans les contrats amonts, création d’Organisation de Producteurs (OP) pour structurer l’offre de vin en vrac, prix d’orientation pour les vins bio et HVErecommandation de prix pour les vins AOP et IGP… Des pistes concrètes pour soutenir la valorisation des vins, « mais pour l’instant, tout cela se résume à des paroles et des promesses, alors que nous attendons des actes » regrette Stéphane Gabard, qui pousse un coup de gueule : « il faut que ceux qui sont à la table des négociations, politiques, administration, grande distribution, négoce, syndicats prennent leurs responsabilités. Il faut du courage. Il faut du volontarisme. Il faut des décisions fortes » appelle-t-il, prévenant que « ceux qui refuseront d’agir devront alors assumer leurs choix, leur silence, leur immobilisme ».

Mieux vaut édito que plus tard ?

Un propos correct, mais un peu trop tardif selon le Collectif Viti 33, pour qui « alors que nous alertions, ils relativisaient » selon son porte-parole, Didier Cousiney. « Nous n'acceptons plus les larmes de crocodile » lance le viticulteur retraité et maire du Pian-sur-Garonne, relatant que « depuis des années, nous, viticulteurs de terrain, avons lancé l'alerte. Depuis des années, nous avons interpellé, proposé, manifesté, bloqué, alerté encore et encore. Et depuis des années, nous avons été ignorés, méprisés, abandonnés » mais « personne n’a voulu entendre. Ni les pouvoirs publics, ni les politiques, ni même nos propres structures représentatives. Et aujourd'hui quand les caves ferment, quand les tribunaux s'empilent de dossiers de redressements, quand des viticulteurs mettent fin à leurs jours, certains découvrent la crise ? Mais où étaient-ils avant ? Où étaient ceux qui avaient les moyens d'agir en amont, avec des leviers, une voix, un mandat pour défendre la filière ? » Une vive critique d’« un vernis de conscience tardive sur un abandon organisé » causé par une somme « de lâcheté, d’aveuglement et d’une chaîne de responsabilité rompue au sommet » selon Didier Cousiney.

Pour Stéphane Gabard, la priorité est à l’action pour avancer sur les sujets possiblement structurants pour la filière vin. « On a une filière plutôt attentiste (chaque clocher défend ses prérogatives et a peur qu’une évolution lui soit préjudiciable), le gouvernement et les parlementaires ne mettent pas beaucoup d’allant pour avancer vite (pour Egalim l’échéance ne cesse d’être repoussée et nous n’avons plus de calendrier) » rapporte le président des Bordeaux, alors que « nous viticulteurs n’avons plus de temps… Dans cette période critique, il faut mouiller la chemise et relever les manches pour avancer. »

 

 

Encadré

Photo : « Les viticulteurs s’épuisent, s’endettent, sombrent. Leurs produits ne se vendent plus, ou à des prix qui ne couvrent même plus les coûts de production » dénonce Stéphane Gabard. Alexandre Abellan (archives 2024)

 

Bordeaux claret dès 2025 🤞

Prenant en comptes les retours de la commission d’enquête de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), l’assemblée générale a validé des modifications pour que ses 11 propositions de simplification (charge maximale, irrigation, échéanciers des mesures de transition…) et de définition de l’AOC Bordeaux claret (report de la notion d’édulcoration et réduction de l’acidité volatile) soient soumises aux votes du Comité national des Appellations d'origine relatives aux vins qui se réunit ce 12 juin à Paris. Si le vote est positif, le cahier des charges de l’AOC Bordeaux permettra dès le millésime 2025 la production de claret, défini par l’ODG Bordeaux comme étant « un vin rouge souple, peu tannique, fruité, gourmand, à boire frais ». À la fois synthèse de l’histoire de Bordeaux (le new french claret de la famille Pontac et du château Haut Brion au XVIIème siècle) et des nouvelles tendances de consommation (les vins rouges frigos), et chaînon manquant entre le rosé, le clairet et le vin rouge. Si le cahier des charges est validé, l’ODG prévoit des réunions d’informations ces prochaines semaines pour que les opérateurs « puissent s’emparer du sujet et du profil claret » explique Stéphane Gabard, qui indique que « le cahier des charges est peu contraignant, avec une large place au contrôle produit : il n’y a pas de moyen impératifs, mais des résultats pour obtenir un vin rouge léger peu tannique qui peut être consommé rafraîchi. »

 

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Tous les commentaires (5)
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DT Le 11 juin 2025 à 22:13:19
Le constat de Stéphane Gabard est tout à fait exact. Le souci c'est que quand la Conf de Gironde le disait, elle était accusée de noircir inutilement le tableau. Tous ces constats, on pouvait les faire depuis 2018, au moins. Ca fait longtemps que Bordeaux se vend en dessous de son coût de revient. Mais Stéphane Gabard, Farges et cie ont toujours prétendu être les seuls à avoir la bonne analyse et la bonne solution. Gabard prétendait encore récemment, que l'offre était maintenant alignée sur la demande, et donc, que tout allait se rétablir. On a vu? Ce que dit le Collectif 33 est exact, mais son problème c'est de n'avoir jamais contesté le rôle de cette institution parasitaire dans la conduite des négociations pour la filière. Son incapacité à remettre en cause un système mourant était pourtant patent. Comme le dit Renaud, c'est n'est pas en perfectionnant la bougie qu'on a inventé l'ampoule électrique. Et ce n'est pas en « aiguillonnant » le CIVB qu'on en fera autre chose qu'un fossile plus ou moins vivant. Aujourd'hui, les fonds dépensés à perte dans des distillations non couplées à de l'arrachage, les fonds OCM pour continuer la restructuration du vignoble et la modernisation des chais, les campagnes de com' pipeau à 12 millions du CIVB etc. se sont évaporés sans avoir généré de modifications structurelles, prenant en compte la situation nouvelle. Les marges de manœuvre qu'on pouvait avoir ont été dilapidées par des incapables se prenant toujours pour des phénix irremplaçables. Il ne reste aujourd'hui qu'un Etat échoué sur le sable, incapable d'assurer sa parole, avec le risque grandissant d'une crise de liquidités, d'un scénario à la grecque de 2010 et d'une mise sous tutelle du FMI. Un Etat fonctionnant à l'empathie, nous assurant « qu'il serait toujours à nos côtés », alors même qu'il est en train d'abandonner l'agriculture. Avant qu'on modifie l'OCM vin pour l'adapter aux besoins, il faudra du temps au cours duquel beaucoup ne tiendront pas. Pour être juste, un bouleversement majeur de Bordeaux et de sa gouvernance nécessiterait un effort énorme, des Etats généraux, une « Constituante » chargée d'écrire un nouveau schéma collectif. Est-ce que les énergies et les engagements individuels sont bien en face ?
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augustin Le 08 juin 2025 à 09:08:07
Deux phénomènes ont largement contribué au naufrage .Le miracle du marché chinois à laisse penser aux bordelais que la demande était infinie sur le plan des volumes de flacons à produire .Et le mécanisme des allocations en primeur et des bouquets de seconds et troisièmes vins à permis une augmentation des prix aussi vertigineuse que factice pour certains opérateurs.Aujourd hui lés résultat est la : tout le monde a acheté quelques vins premium trop cher trop tôt et en trop grand volume .Les stocks de ce type d étiquettes encombrent les bilans et les entrepôts des négociants des cavistes, des sommeliers et de la majorités des importateurs. Le millésime 2024 mets fin à cette course folle MAIS le mal est fait .Tant que les 18 19 20 ... puis les 21 22 23 n auront pas été tous vendus et tous consommés, Bordeaux restera asphyxie par ce sur stockage massif et toxique .Et cela va prendre du temps , ce qui va avoir pour effet de faire disparaître les plus faibles d entre nous .Sous les yeux désormais indifférents de nos ministres et ce malgré les efforts de nos parlementaires et souvent la bonne volonté de nos magistrats . Et pendant que les ofg aboient , la caravane bancaire passe :*) Les tracteurs neufs invendus s amoncellent chez les distributeurs , les plants de vignes ne trouvent pas acquéreur chez les pépiniéristes.Les tonneliers sont en chômage technique tout comme les fournisseurs de capsules étiquettes cartons et caisses bois .C est toute une filière qui est en jeu , au moment même où le président Lula nous ouvre les portes du marché brésilien et que le président Modi fait de même pour son continent Indien.Le civb quant à lui préparé sa serviette de plage pour un énième été sur le bassin d arcachon , partage entre la perspective d un tour le l île aux oiseaux ou un pique nique au banc d arguin. Bordeaux détient les clés de sa propre sortie de crise , mais ne semble pas enclin à les utiliser pour se sauver : c est parait il le sort commun de toutes les entreprises humaines qui ont perdu leur raison d être . Il faut probablement relire cet été 2025 le livre de Gibson sur " the rise and fall of the roman empire " .. une bonne lecture après le travail des sols , les traitements du foliaire et quelques travaux au cuvier , à la barrique ou dans le chai bouteilles , désormais bien silencieux hélas. Espérons que le nouveau patron du civb mettra fin à ce marasme et organisera promptement la sortie de crise avec tous les partenaires requis : on à depasse depuis longtemps toutes les cotes d urgence et il faut désormais sauver ce qui peut encore l être par des mesures concrètes finançant le portage du stock et surtout la relance massive des ventes à l export . Oublions arrachage vain et campagne de pub stérile qui hélas n ont rien apporté .
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Renaud Le 07 juin 2025 à 15:57:14
Les lanceurs d'alertes sont toujours dénigrés. Car ils commettent l'erreur de dire trop tôt pour les esprits coincés dans l'habitude. Aujourd'hui le Président des Bordeaux commet un édito de la même teneur que le collectif viti 33. Mais si avoir raison très tôt est mal vécu très tard le timming n'est pas bon non plus. Ils ont cru en de meilleurs lendemain, par magie en s'appuyant sur des indicateurs subits. Ils n'ont pas voulu entendre et maintenant ils disent vous aviez raison. Cependant au vu de l'effondrement qui se profile nous aurions préféré avoir tord.
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StephC Le 07 juin 2025 à 08:50:57
Bien d'accord avec le collectif 33, l'édito fait le constat d'une situation qui remonte à plusieurs années, mais tant qu'à la tête des organisations ils n'étaient pas touchés?.. Eux aussi sont dans le dur maintenant et c'est trop tard !!!
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Médocon Le 07 juin 2025 à 08:29:56
Ne nous en prenons qu'à nous?ou presque. Dans les années 80 90 viticulteur bordelais, était synonyme de nantis, qui roulait en 4x4, qui menait une vie confortable. Souvent une surface de 5 à 10 ha dans le médocon et 20 à 30 dans le bordelais. On vivait bien oui et puis?.les surfaces ont été doublées, triplées, quadruplées?. On a tué la poule aux œufs d'or. Ayons au moins la pudeur de ne pas pleurnicher. Pleure maintenant comme une femme un royaume que tu n'as pas su défendre comme un homme ! » Ils descendirent de la montagne, et Grenade disparut à leurs yeux pour toujours. » ? Chateaubriand, Les Aventures du dernier Abencerage ou vigneron Humeur du jour médocon
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