Le désalcoolisé n’est pas juste une tendance. Il répond à une évolution des usages, des pratiques et des consommateurs de tous âges et de tous niveaux sociaux. Ce phénomène s’inscrit dans la durée. La bière sans alcool a été beaucoup critiquée à ses débuts. Mais la technique est de plus en plus maîtrisée et aujourd’hui ce type de bière est clairement installé dans le marché » analyse Antoine Schutz, directeur commercial de l’entreprise basée à Dambach-la-Ville dans le Bas-Rhin. Alors les quatre cousins qui dirigent désormais l’entreprise se sont dit : pourquoi pas un produit à base de vin ?
Leur choix initial s’est porté sur les bulles pour leur côté festif et le souhait de tester un produit, premier d’une gamme qui pourrait en compter « trois ou quatre à terme ». Ils ont beaucoup dégusté, « du bon et du décevant », avant de faire deux ans d’essais avec du riesling et du gewurztraminer. Le premier a été écarté en raison de son acidité, le second retenu pour ses arômes. Le vin de base est donc un gewurztraminer produit selon les règles de l’AOP. Un prestataire allemand près de Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, le distille sous vide à basse température et en récupère les arômes par technique membranaire avant de lui ajouter à la mise du CO2 pour lui donner son pétillant et de l’anhydre sulfureux pour le stabiliser.
Le résultat ? Un produit à moins de 0,5 % d’alcool, avec une faible acidité et chargé en sucre (24 g/l dont 2 g de moût concentré rectifié). Dans sa communication, la famille Ruhlmann-Schutz insiste sur le fait qu’à la différence de maints autres produits, « aucun arôme n’a été ajouté » (puisque ce sont ceux du cépage d’origine). Au passage, l’initiative ouvre un nouvel usage au gewurztraminer dont les ventes globales patinent et qui ne peut pas servir à l’élaboration de crémant d’Alsace, cahier des charges de l’appellation oblige.
« Les premiers retours des cavistes, restaurateurs et importateurs américains, belges, allemands ou danois sont très bons. Comme ils l’ont été à Wine Paris et à Prowein » se félicite Antoine Schutz. Ce « produit de France » qui a interdiction de mentionner son cépage au grand regret de son élaborateur (et à la différence de la législation allemande), a été distingué par une médaille d’or au World alcohol free awards 2025. Sa première série comporte 5 000 cols. La bouteille est vendue 16 €, soit plus cher que le crémant brut (10,40 € au caveau) ou extra-brut (14,50 €). « Sa production revient deux fois plus cher qu’un crémant classique. Même à ce prix, sa marge reste également inférieure à un crémant classique » précise Antoine Schutz.