Stratégie

Les vins d'Alsace mis au défi de la valorisation et du cru

 Les chiffres ne sont pas bons ». La petite phrase en début de réunion de Gilles Ehrhart, président de l’Association des viticulteurs d’Alsace (Ava) lors de son assemblée générale du 25 mars à Colmar (Haut-Rhin) dit tout de l’état de santé du vignoble. Les données du Conseil Interprofessionnel des Vins d'Alsace (Civa) indiquent que le vignoble a écoulé 902 155 hectolitres de vin en 2024, soit 2,5 % de moins qu’en 2023. Cela aurait été pire sans la très bonne performance du crémant qui dépasse désormais les 300 000 hl. Et à fin février la tendance baissière des ventes persistait. « Si les volumes continuent de reculer, la valorisation devient l’enjeu majeur » résume Manon Tijou, du service économie du Civa. Un sentiment partagé par les dirigeants de l’Ava. La création d’une nouvelle strate dans la hiérarchie des vins d’Alsace devrait aider à poursuivre un pareil objectif.

"Alsace cru" pour commencer

Le vignoble alsacien souhaite donc que certains terroirs accèdent au « premier cru ». La commission d’enquête de l’Inao qui est passée en Alsace les 4 et 5 mars derniers n’entend cependant pas aller si vite en besogne. Elle est davantage favorable dans un premier temps à une dénomination "Alsace cru" pouvant être appliquée à des secteurs strictement délimités constitués « d’entités homogènes resserrées autour des usages existants au cœur de terroir garantissant l’expression de la typicité des vins ». L’accession au "premier cru" serait envisagé dans une deuxième étape, dans un pas de temps à « cinq ans » peut-être, avance Jérôme Bauer, trésorier de l’Ava et président de la CNAOC. Dans l’assemblée, des voix se sont émues d’une possible restriction de la dénomination à un nombre réduit de modalités (un vin sec ou moelleux plus un rouge) envisagé. « On peut être déçu de cette position de l’Inao, mais il faut rester réaliste. Je vois le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. La porte est ouverte » estime Jérôme Mader, administrateur de l’Ava en charge du dossier.

Déclarez, revendiquez, commercialisez !

Huit premiers dossiers, jugés les « meilleurs » ont été présentés à la commission d’enquête début mars. Ils constituent autant de ballons d’essai. « La question centrale sera de définir les modalités. Aux viticulteurs de déclarer, de revendiquer, de commercialiser ! » poursuit Jerôme Mader. Un petit défi en soi pour la viticulture alsacienne. Car plusieurs intervenants ont rappelé que si l’Alsace est parsemée de 51 grands crus et de 13 appellations communales, leurs chiffres de revendication sont « chaotiques ». Ces deux appellations sont un « échec comparées à ce qui peut exister ailleurs » juge Jérôme Bauer. En pratique, les grands crus n’ont jamais dépassé les 3 % de vente et seraient revendiqués à moins de 70 % de leur potentiel. Sur les 13 communales, seules trois sont dynamiques. Pour le vignoble alsacien, tout l’enjeu est désormais de transformer son essai de cru…