ue ce soit en pratiquant la vendange en vert, en arrachant des vignes ou en laissant des raisins sur pied, les producteurs dans l’Hémisphère Sud cherchent à ajuster leurs volumes tout en maintenant une exigence qualitative dans un contexte de contraction de la consommation mondiale. Une nature clémente et généreuse dans certains cas aura en effet obligé viticulteurs et vignerons à restreindre le potentiel de production.
L’éclaircissage et le pâturage en Nouvelle-ZélandeC’est le cas en Nouvelle-Zélande, par exemple, où des signes précoces d’une vendange très abondante ont amené la filière à anticiper en réalisant l’éclaircissage, quitte à augmenter les coûts de production. Certains producteurs sont même allés jusqu’à laisser paître des moutons dans les vignes après les vendanges, pour supprimer à moindre coût les grappes restantes. « Avec une récolte abondante, de nombreuses entreprises vinicoles ont été sélectives dans le choix des parcelles, laissant de côté certaines parcelles de moindre qualité, ce qui devrait améliorer le niveau qualitatif des vins de Marlborough pour ce millésime et garantir l'équilibre entre l'offre et la demande sur le marché », confirme Heather Stewart, œnologue au domaine familial néo-zélandais Saint Clair. Après deux récoltes généreuses, en 2022 et 2023, la filière privilégie les volumes déjà contractés et a profité d’une production abondante pour prolonger la période de maturation dans un souci qualitatif. « La douceur des températures pendant le cycle végétatif a favorisé une maturation lente et le développement progressif des arômes. Nous sommes donc très contents du profil organoleptique des vins, malgré l’importance des volumes », ajoute l’œnologue, qui pointe de belles minéralités dans les chardonnays et sauvignon blancs ainsi que la délicatesse, la profondeur et la complexité des pinots noirs.
Retour de l’Afrique du Sud à l’international ?
La filière vitivinicole sud-africaine se montre également très satisfaite de la qualité du millésime 2025, et d’une légère augmentation des volumes par rapport à 2024. « L’association de températures modérées, de précipitations suffisantes et d’une gestion méticuleuse du couvert végétal pour maîtriser le potentiel de production cette année ont abouti à l’excellent équilibre des raisins », s’est félicité le Dr Etienne Terblanche, responsable des services de conseil auprès de l’organisme viticole Vinpro. Après une petite récolte en 2024, les professionnels sud-africains se réjouissent de volumes en hausse cette année. « A priori, l’Afrique du Sud est remontée cette année », confirme Greg Livengood, président de la société de courtage internationale Ciatti. « Cela devrait aider, car la filière a beaucoup puisé dans ses stocks, réorientant certains volumes vers le marché national, qui est relativement solide, au détriment des exportations. Une récolte légèrement plus importante cette année devrait favoriser les opportunités à l’international ».
L’Argentine, aussi, s’attend globalement à une progression des volumes récoltés cette année. « Nous observons une récolte plus importante à Mendoza par rapport à l’an dernier et une légère baisse à San Juan, donc le total devrait s’approcher du niveau de 2024 », note la fédération de coopératives Fecovita, qui compte 29 caves adhérentes pour plus de 5 000 familles de viticulteurs. Leader du marché domestique, avec une part de 30%, Fecovita se félicite de « très bons niveaux qualitatifs et quantitatifs. Nous allons pouvoir répondre à la demande de moûts et de vins conditionnés, à la fois sur le marché argentin et à l’international ». Ciatti estime à environ 2 millions de tonnes de raisins la production argentine en 2025, « ce qui est légèrement en-dessous de la moyenne, mais la moyenne doit baisser puisque la demande recule », note Greg Livengood.
Recul important au Chili
De l’autre côté des Andes, le Chili prévoit actuellement une régression de 13% des volumes cette année, sous l’effet des vagues de chaleur, de la réduction des disponibilités en eau et d’une incidence plus élevée de maladies et de ravageurs, mais aussi en raison des arrachages ainsi que des incendies de forêt dans certaines régions. Des conditions qui font dire à l’Association nationale des ingénieurs et œnologues (ANIAE) dans un rapport : « Pour l’avenir de la filière, il est essentiel de donner la priorité à la diversification variétale, en s’adaptant aux conditions climatiques et aux nouvelles tendances de marché ». En revanche, Greg Livengood prévoit un « marché intéressant, puisque chaque année beaucoup d’acheteurs internationaux s’y rendent pour trouver certains cépages comme le sauvignon blanc, le cabernet et parfois le merlot. Je pense que les producteurs vont devoir travailler dur pour proposer des prix qui correspondent aux besoins des acheteurs européens, américains et canadiens ».
Eloges qualitatifs en Australie
Si les estimations de récolte n’ont pas encore été publiées en Australie, certaines indications laissent présager une récolte limitée. « Il semblerait que les volumes ne soient pas très importants en Australie », confirme le courtier international, « mais on dirait que les Australiens ont toutes les disponibilités qu’il leur faut pour répondre aux volumes contractés et pour rester actifs sur le marché ». De son côté, le groupe Casella Family Brands souligne la précocité du millésime et les qualités attendues. « Le millésime 2025 dans la région de Riverina se présente comme l’un des meilleurs de ces dernières années et donnera des vins d’une qualité exceptionnelle », explique-t-on à Vitisphere. De même, Nigel Westbalde, chef de cave au sein de Peter Lehmann Wines, pointe les conditions idéales qui ont caractérisé la saison dans la Barossa Valley : « Chaudes et sèches, exactement ce qu’il nous faut ! » Même si ces conditions ont compliqué les vendanges en raison d’une arrivée à maturité simultanée de volumes importants, « de faibles rendements et une concentration intense se conjuguent pour donner un millésime 2025 exceptionnel pour le plaisir des amateurs de la Barossa ».
Des limites à ne pas franchir
Tout comme les producteurs de l’Hémisphère sud, leurs homologues dans l’Hémisphère nord commencent à guetter le potentiel de production cette année. Dès le mois de février, les autorités espagnoles avaient activé le mécanisme de la vendange en vert pour éviter « une éventuelle offre excédentaire de raisins ». Et selon Greg Livengood, d’autres pays producteurs pourraient prendre des mesures dans ce sens : « Aux USA, il y a indéniablement une limite à ne pas franchir cette année, quel que soit le niveau réel de la récolte. Les transformateurs n’achèteront que les quantités dont ils besoin. On ne verra pas beaucoup de spéculation avec des achats sur le marché spot ». A quelques mois des prochaines vendanges, le courtier estime que « si les trois grands pays producteurs européens devaient connaître une production importante, la situation risque d’être très compliquée ».