onvaincu par le système de remontage R’Pulse qui donne de la rondeur à ses vins et améliore la qualité de ses presses depuis 2019, le Château Brane-Cantenac a profité de travaux de modernisation entamés en avril 2023 pour remplacer toutes les cuves en béton de son cuvier du XIXème siècle par des cuves en bois à douelle transparente fabriquées par Seguin Moreau. « Les cuves béton installées par mon père dans les années 60 étaient trop longues et leur trappe trop excentrée pour utiliser cette technologie qui a les mêmes effets qu’une vinification intégrale en barrique, en retournant et en immergeant facilement le marc dans la phase aqueuse », justifie Henri Lurton, propriétaire du second gru classé de Margaux aux 75 hectares d’un seul tenant. La vinification ne requiert plus aucun pompage. Après avoir été transportés du vignoble au cuvier dans des remorques dotées d'un système de suspension pneumatique intégré permettant de les conserver intactes, les raisins passent dans un trieur optique avant d’être légèrement foulés et encuvés grâces à des cuvons mobiles soulevés par chariot élévateur.
Henri Lurton n’a pas souhaité augmenter sa capacité de cuverie en lançant ce chantier. « Nous avions déjà parfaitement recalibré notre outil sur nos sélections parcellaires en 1999, en achetant notamment plusieurs doubles cuves inox de 40, 50 ou 60 hl, installées dans un autre cuvier. Nous avons le luxe de pouvoir réaliser nos assemblages à partir de plus de 200 lots différents. Nos façons de vinifier varient selon la terrasse de graves de laquelle provient le raisin, les vieilles vignes plantées sur la terrasse IV, le point culminant du domaine, donnent le Brane Cantenac, les terrasses III et V le Baron de Brane, et les jeunes vignes, le Margaux de Brane. Depuis 2019, nous vinifions aussi deux vins blancs dans un chai à barriques dédié, grâce à 3 hectares de sauvignon blanc et de sémillon plantés en appellation haut-médoc », rappelle-t-il.
Le propriétaire a également fait rénover tout son bâtiment le plus ancien, dont la charpente âgée de 30 ans commençait à bouger. Ce chai à barriques datant du XVIIIème siècle était devenu depuis quelques années le chai d’élevage du Baron de Brane. « Nous nous étions aperçus lors d’essais réalisés avec la tonnellerie Taransaud que les barriques présentaient d’importants écarts de températures selon leur localisation dans le chai. Il était trop difficile à isoler pour assurer le bon déroulé des fermentations malolactiques du Brane-Cantenac », indique Henri Lurton. Désormais la température et l’hygrométrie y sont gérées très finement grâce à une climatisation sophistiquée et à l’utilisation du free cooling, un système de ventilation écologique permettant de réaliser jusqu’à 75% d’économies d’énergie. Toute la machinerie est astucieusement cachée entre la charpente et la toiture. Un mur extérieur doit également être végétalisé pour parfaire l’isolation.
Le millésime 2024 de Brane-Cantenac est en cours d’élevage dans ce nouveau chai à barriques. Henri Lurton est content du résultat de cette année compliquée. Les vins sont déjà très expressifs et reçoivent de bons commentaires de dégustation. « Ils ne sont pas aussi puissants et structurés qu’en 2022 et 2023 mais sont bien au-dessus du niveau moyen de 2013. Ils sont frais avec un bel équilibre, peu d’alcool, du fruit, et grâce à une bonne maturité phénolique, beaucoup de rondeur et de longueur. Ce sont des vins dans l’air du temps », décrit Henri Lurton. Le millésime a coûté cher à produire, nécessité un démarrage précoce des traitements pour contenir le mildiou et la plus grande vigilance pour éviter le botrytis. A l’arrivée ces efforts ont payé. Les équipes de Brane-Cantenac ont vendangé 46 hl/ha, le rendement normal de la propriété.
Soumis comme les autres grands crus à la loi de l’offre et de la demande, Henri Lurton ne rentabilisera pas ses travaux de modernisation par une revalorisation du prix de ses vins. « D’autant que les millésimes difficiles ne sont souvent pas les plus chers, mais cétait un investissement qu’il fallait faire et pour lequel nous trouverons la rentabilité sur le long terme via la baisse des coûts de fonctionnement ».