a propension au contrepied a ses limites. Dans un billet titré "200 % de taxe sur les vins et le champagne, une aubaine pour les vignobles et les consommateurs européens" le rédacteur en chef de l'hebdomdaire Marianne Périco Légasse propose une vue de l’esprit qui peut décontenancer le vignoble. « Contrairement à la doxa ambiante, le protectionnisme brutal dont Donald Trump menace les vins européens avec une taxe de 200 % n’est pas forcément une calamité si le Vieux Continent décide de réagir à la hauteur de l’enjeu » estime le défenseur de l’agriculture français, jugeant que cette mesure de rétorsion se limiterait à « un coup, et un coût, évident pour les vins les plus cotés et les plus connus » et serait surtout « l’occasion de repenser les importations et les tarifs en vigueur ».
Visiblement préoccupé par « la tarification des vins les plus célèbres, donc les plus cotés, souvent les plus exportés », Périco Légasse regrette l’inflation des prix des grands crus de Bourgogne et de Bordeaux (« comme le grand cru classé château Latour 2006, à Pauillac, vendu 4 600 euros à et l’illustre Pétrus 2020, à Pomerol, vendu 6 600 euros le flacon »). La solution ? Les grands vins français aux Français pour le critique et chroniqueur gastronomique, « si la menace de taxation américaine à 100 % ou 200 % de droits de douane devenait réalité, gageons que tous ces prestigieux domaines, largement à l’abri du besoin vu les fortunes accumulées depuis trente ans, se tourneraient vers le marché européen, et bien sûr français, avec le sourire, en reconsidérant leur politique tarifaire ».


Une vision légèrement datée. D’abord parce que les grands crus ne sont plus épargnés par la crise (certains ayant des tensions sur l'emploi et leur pérennité), comme en témoignent les dernières campagnes pour le moins poussives des primeurs 2022 et 2023 à Bordeaux (malgré des baisses de prix notables, mais visiblement insuffisantes). Ensuite parce que les propriétés cotées cherchent déjà à reconquérir les marchés de proximité (tardivement pour certaines il est vrai, les sirènes valorisées de l’export étant indéniables). Et finalement parce que le marché américain ne se limite pas à l’importation de grands vins inabordables (comme le vignoble d’ailleurs). Parlant de « fantassins », Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, rappelle récemment que sur les 4 600 entreprises françaises exportant des vins aux États-Unis, 3 600 sont des caves particulières (représentant 20 % des volumes et 30 % de la valeur des vins exportés), ce qui expose particulièrement les petits domaines aux soubresauts du premier marché de consommation de vin dans le monde. D’autant plus que cette première destination en valeur est dynamique pour les bouteilles françaises.
Pesant par exemple pour 6 % des ventes de l'IGP Pays d'Oc, les États-Unis importent 15 millions de bouteilles de vins de pays, essentiellement rosés avec une valorisation non seulement appréciée mais nécessaire. Cette menace de taxes à 200 % « met en péril l'ensemble de la filière viticole française. C’est une attaque directe contre notre compétitivité aux États-Unis, un marché essentiel pour nos vignerons » plaide dans un communiqué Jacques Gravegeal, le président des vins IGP Pays d'Oc, pointant qu’« une telle décision aurait des conséquences néfastes : perte de revenus, perte de parts de marché et affaiblissement de notre présence à l'international ».


Une fragilisation qui menace un secteur déjà mis à mal économiquement. Ce que reconnaît Périco Légasse en évoquant « la situation dramatique que connaissent depuis quelques années [de nombreux vignobles] en train de dépérir avec des dizaines de milliers de cessations d’activité ». Déjà affectée par les aléas climatiques, la crise covid ou l’inflation causée par l’invasion russe de l’Ukraine, il n’y avait pas besoin d’en rajouter avec un conflit ne concernant pas la filière résume Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui s’est réuni ce mercredi 12 mars (la veille des annonces de Donald Trump). Estimant que « si de telles sanctions étaient appliqués, ce serait anéantir tout un pan de notre filière. Le sujet est celui de la perte de marché totale, sur notre premier pays de destination export », le premier vice-président de la FNSEA le martèle : « ce serait dramatique pour une filière déjà en très grande souffrance ». Pas besoin d’en rajouter donc dans la montée tension. Sauf pour le rédacteur en chef de Marianne.
Protectionnisme
Alors que toute la filière des vins et spiritueux appelle à laisser les marchés ouverts, sans surenchères douanières ou protectionnistes, Périco Légasse défend « la notion essentielle de préférence communautaire » avec « une taxation des vins des "nouveaux mondes" » (sont cités Etats-Unis, Chili, Argentine, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande) qui serait urgente : « fallait-il attendre les délires trumpiques pour envisager un tel plan de secours d’un si précieux patrimoine ? » Une vision qui n’est pas vraiment celle fixée par la filière dans son récent plan stratégique, actant le déclin structurel de la consommation sur les marchés européens, dont la France. « L’export reste notre avenir, ne lâchons rien ! » martelait récemment Gabriel Picard, le président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS), regrettant que les pouvoirs publics n’aient « pas conscience de ce que l’on fait et ce que l’on représente ». Il semble en être de même pour les éminents défenseurs de la gastronomie et des vins français.
« Si la menace de l'administration Trump se concrétisait, une taxe de 200% rendrait nos produits non compétitifs face aux vins locaux ou à ceux d'autres pays non concernés par cette mesure » alerte Jacques Gravegeal, soulignant qu’« une bouteille d'IGP Pays d'Oc coûterait alors entre 45 et 60 dollars, rendant son accès difficile pour les consommateurs américains ».