es vins et spiritueux le craignaient, Donald Trump l’a fait. Ce jeudi 13 mars, le président des États-Unis annonce sur le réseau Truth Social que « l'Union européenne, l'une des autorités fiscales et tarifaires les plus hostiles et abusives au monde, créée dans le seul but de profiter des États-Unis, vient d'imposer un tarif douanier exorbitant de 50 % sur le whisky [NDLR : en mesure de rétorsion aux taxes américaines sur l'acier et l'aluminium]. Si ce tarif n'est pas supprimé immédiatement, les États-Unis imposeront prochainement un tarif douanier de 200 % sur tous les vins, champagnes et produits alcoolisés en provenance de France et d'autres pays membres de l'Union Européenne. Ce sera une excellente nouvelle pour les entreprises du vin et du champagne aux États-Unis. »
S’étant mobilisés pour être oubliés par un conflit commercial ne les concernant pas, les vins et spiritueux se trouvent de nouveau embarqués dans un affrontement douanier transatlantique (après les taxes américaines de 25 % ciblant les vins et spiritueux français d’octobre 2019 à mars 2021, avant d’être suspendue pour 5 ans jusqu’en juin 2026). Plaidant pour que les spiritueux américains ne soient pas visés par Bruxelles afin que Washington ne rentre pas dans la surenchère en les ciblant, la filière vitivinicole est désormais prise dans un maëlstrom dont le cours, la violence et les remous sont inconnus. D'autant plus que le président américain a, semble-t-il, gardé un bon souvenir du précédent bras de fer avec la France*.
Menaçant clairement les produits alimentaires européens de taxes de 25 % depuis ce jeudi 26 février (malgré la visite diplomatique du président français Emmanuel Macron le 24 février à Washington), Donald Trump inquiète depuis sa réélection les exportateurs de vins et spiritueux qui s’attendent à nombre de frayeurs entre annonces brutales, reculades soudaines et autres retournements de situation. Le pire pour approvisionner et développer des marchés. Président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS), Gabriel Picard confiait récemment que la filière va devoir être endurante : « restons combatifs et gardons-nous aussi de surréagir sans stratégie. C’est un marathon qui s’engage, pas un sprint. Il va falloir faire preuve à la fois de fermeté et de pragmatisme. »
S’alarmant déjà d’une possible taxe de 25 % fin février, Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), pointait alors que « cette taxe frappe de plein fouet un secteur déjà fragilisé par les crises successives : inflation, aléas climatiques, baisse de la consommation ». Président des Vignerons Coopérateurs, Joël Boueilh confirmait que « le timing est terrible, dans un contexte où le jarret est déjà fléchi, où il y a un genou à terre pour beaucoup, voire les deux pour un grand nombre ». La crise géopolotique s'ajoutant à la crise viticole, le cocktail est explosif pour la filière vin.


Face à l’impulsivité apparente de Donald Trump, et de « sa stratégie du coup de menton », Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants appelait pour sa part la France et l’Europe à « ne plus avoir de faiblesse sur l’attitude à avoir face à quelqu’un qui souhaite agresser nos intérêts économiques. Il faut montrer que l’on est prêt au combat, si des secteurs économiques stratégiques comme les vins et spiritueux européens sont attaqués dans leur compétitivité sur le marché américain, premier pays consommateur monde ».
* : Alors candidat en meeting électoral le 5 janvier 2024 dans l'Iowa, Donald Trump racontait avoir « appelé le président de la France, Macron, vous le connaissez ? C’est un type vraiment sympa. Je l’ai appelé, j’ai dit : Emmanuel, j’ai entendu que vous alliez taxer à 25 % les entreprises américaines. Qui d’autre le fait ? Il m’a dit que "d’autres le feraient". Je lui ai dit "non, tu ne vas pas le faire Emmanuel". Il m’a dit "Donald c’est acté". Je lui ai dit qu’il vaudrait mieux le retirer. Parce que "sinon, vous allez payer 100 % de tarifs supplémentaires sur tous les vins et champagnes envoyés aux Etats-Unis à partir de cette nuit". Il m’a dit "non, non, non tu ne peux pas faire ça Donald !
- En fait je suis en train de la signer maintenant.
- Non, non, non ! OK Donald on ne le fait pas." C’était la fin de ça. C’était si facile. Et je pourrais vous raconter 200 histoires comme ça. »
L'opposition aux taxes sur les vins et spiritueux est partagée par les opérateurs américains. « Le vin est un produit de célébration qui ne doit pas être utilisé dans les conflits commerciaux » posait récemment Linda Reiff, la présidente des Napa Valley Vintners (NVV), qui s'était rendue à Washington pour demander la levée des taxes douanières de Donald Trump à l’encontre des vins français lors du conflit transatlantique sur l’aéronautique. « Nous voulons tous être sur un pied d’égalité et ne pas être considérés comme des pions sur un échiquier » défendait Linda Reiff, pour qui des tarifs douaniers punitifs ne sont « pas une bonne chose. Nous ne voulons pas de taxes ni de barrières douanières ou commerciales contre quelques vins que ce soit. »