éjà fumante, la grenade des sanctions douanières brandie par le président des États-Unis Donald Trump semble désormais dégoupillée et prête à exploser à tout moment. Après la visite diplomatique du président français Emmanuel Macron ce lundi 24 février à Washington, les menaces exprimées à l’encontre des produits européens ce jeudi 26 février inquiètent les exportateurs de vins et spiritueux. Même si l’on entend surtout de l’attentisme dans le négoce : « pour le moment nous attendons la confirmation officielle et les détails de la taxe » élude l’un de ses représentants. « Les déclarations sont assez imprécises pour qu’on préfère attendre d’avoir davantage d’informations » confirme un autre. Ce coup de pression est « contrariant bien sûr, mais ce n'est pas une surprise et cela reste encore relativement imprécis à ce stade » analyse Gabriel Picard, le président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS). Pour le négociant bourguignon,
« ne soyons donc pas naïfs, restons combatifs et gardons-nous aussi de surréagir sans stratégie. C’est un marathon qui s’engage, pas un sprint. Il va falloir faire preuve à la fois de fermeté et de pragmatisme. »
« Déjà nous attendons que cette annonce se confirme car le président américain nous a habitué à des déclarations qui n’étaient pas suivies d’effet » abonde Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), qui note qu’« il pourrait s’agir d’un point de départ de négociation avec l’Union Européenne, donc soyons pour l’heure réservés et attentifs. » Se souvenant bien de l’impact des taxes américaines de 25 % ciblant les vins et spiritueux français d’octobre 2019 à mars 2021 (suspendue pour 5 ans jusqu’en juin 2026), le vigneron alsacien prévient que « l’imposition d’une taxe de 25 % sur l’ensemble des produits européens, y compris les vins et eaux-de-vie de vin français, est une décision profondément injuste. Nos vignerons se retrouvent une fois de plus pénalisés par un conflit commercial qui les dépasse. » D’autant plus que « cette taxe frappe de plein fouet un secteur déjà fragilisé par les crises successives : inflation, aléas climatiques, baisse de la consommation » rappelle Jérôme Bauer.


« Le timing est terrible, dans un contexte où le jarret est déjà fléchi, où il y a un genou à terre pour beaucoup, voire les deux pour un grand nombre » confirme Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs. Face à l’impulsivité apparente de Donald Trump, le vigneron gascon reste circonspect : « c’est une technique de communication un peu particulière, à la Trump. Il y a une grande annonce et qu’en sera-t-il après ? Il ne faut peut-être pas s’alarmer plus que nécessaire… Mais ça ne fait que rajouter de la tension et de la perplexité dans des affaires déjà sérieusement mises à mal. » Notant que les menaces de droits de douanes envers le Canada et le Mexique donnent lieu à des négociations, Joël Boueilh voit dans les annonces tonitruantes de Donald Trump « une façon de mettre en permanence la pression. Et l’angoisse pour les vignerons qui demandent à ne pas être au milieu d’un jeu de dupes. »
« Comme toujours avec Donald Trump, on est dans les annonces qui se suivent et sont autant de coups de menton » pondère également Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants. Estimant que le président américain ne reconnait que la logique du bras de fer et se montre prêt à engager un combat commercial, le vigneron languedocien appelle la France et l’Europe à « ne plus avoir de faiblesse sur l’attitude à avoir face à quelqu’un qui souhaite agresser nos intérêts économiques. Il faut montrer que l’on est prêt au combat, si des secteurs économiques stratégiques comme les vins et spiritueux européens sont attaqués dans leur compétitivité sur le marché américain, premier pays consommateur monde ».