e salon de l’Agriculture s’achève, quel est votre bilan des échanges politiques qui s’y sont tenus ?
Gérard Bancillon : Les politiques passent nous voir et nous écouter, mais pour quelle efficacité ? Le point positif est que tous les politiques venus au salon de l’Agriculture sont au courant des enjeux du vignoble, ce qui va dans le bon sens. Mais la filière est toujours dans le même marasme économique. On voit des mises sous sauvegarde en cascade, des adhérents de caves coopératives recevant des revenus ridicules à cause des aléas climatiques et des petits prix d’achat. Malgré une récolte ridiculement réduite de 37 millions d’hectolitres et un arrachage définitif en cours de 24 000 hectares, rien ne bouge. C’est lié aux stocks que le marché n’arrive pas à absorber malgré deux distillations (2020 et 2022), un gel historique (en 2021) et de petites récoltes (2023 et 2024). Il faut impérativement faire quelque chose avant les vendanges.
Quel outil souhaitez-vous : l’allongement de la durée de vie des autorisations de plantation pour s’approcher d’une restructuration différée ?
Le principe de rallonger la durée de vie des replantations est excellent, cela va permettre de conserver les droits et d’éviter un effet d’aubaine par rapport aux primes tout en ressemblant à l’arrachage temporaire souhaité. Cela va dans le bon sens. Je suis toujours partisan de l’arrachage définitif, qui est plus efficace et rapide. La campagne d’arrachage définitif pas eu le succès qu’elle aurait dû rencontrer à cause de sa subvention de 4 000 €/ha qui n’est pas incitative. Son efficacité n’est pas totale. Il faut moins enlever des surfaces de vignes que des volumes de vins que l’on ne sait plus vendre.
Il faut un plan social pour sortir rapidement les plus âgés en fin de carrière. Le Groupe à Haut-Niveau des politiques vitivinicoles européennes (GHN) propose de redonner la main aux États membres pour gérer l’arrachage définitif. Reste la question des financements : il faut avoir les moyens et pas vendre du rêve. L’arrachage définitif de vignes est le moyen le plus efficace pour sortir du marché des volumes que l’on ne sait plus vendre.
Il faut penser aux plus jeunes. Les plus âgés en activité sont plus résilients, n’ayant quasiment plus de crédit (sur le foncier, le matériel…). On est en train de perdre les jeunes, alors qu’ils sont notre avenir, notre relève. Il faut penser à eux et accélérer au maximum en leur dédiant des fonds. Il y a les 10 millions d’euros qui restent de l’arrachage définitif pour les soutenir. Nous devons repartir d’une page blanche en donnant de la tension au marché. Ça fait peur qu’avec une récolte historiquement basse de 37 millions hl rien ne bouge et que les prix du vin soient à la baisse.
Quelle serait la solution pour vous, une nouvelle distillation de crise ?
Ce serait compliqué. Et après coup, on regrette de mettre des millions d’euros sur des distillations telles qu’en 2020 et 2022 pour ne pas résoudre les problème. Il faut réfléchir au revenu à l’hectare dans chaque interprofession. Pour les vins IGP en général, il faut viser des revenus d’au moins 7 000 €/ha. Nous n’y sommes pas en Languedoc (le CER les chiffres à moins de 4 000 €/ha pour un adhérent de cave coopérative), mais des gens y sont arrivés, en Corse et dans le Sud-Est. Sachant que le prix ne fait pas tout : il faut conjuguer prix et rendement. Donc retrouver de la productivité, ce qui demande individuellement des investissements et du travail.
Un membre de la Confédération IGP m’a choqué en me montrant que le prix d’un merlot en IGP n’a pas évolué en 25 ans, alors que les charges ont été multipliées par 4. On ne peut pas continuer comme ça, il faut travailler à la création de valeur ajoutée. Avec Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins AOC (CNAOC), on a mis en place l’étanchéité entre IGP et AOP. Il faut désormais viser l’innovation, ne rien s’interdire sur le sans alcool et les réflexions sur l’intégration de bulles en IGP. Je sais que le Conseil d’Etat en a retoqué beaucoup, mais il faut comprendre que des vins effervescents IGP n’iront pas taper des marchés aux champagnes et crémants, mais iront concurrencer le prosecco qu’on importe de plus en plus.
Tous nos problèmes reviennent à l’absence de volonté politique sur le pouvoir d’achat. S’il n’y pas quelqu’un pour renverser la table, changer de modèle économique et réduire les charges pour permettre aux consommateurs de mieux vivre, on continuera de perdre des achats de vin. Il faut mettre une pièce dans juke-box pour relancer la machine.