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"On peut obtenir de grands vins sans grands écarts de température durant la maturation"
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Amplitude thermique
"On peut obtenir de grands vins sans grands écarts de température durant la maturation"

Dans sa thèse soutenue à la fin de l’année dernière et intitulée "Variabilité spatiale et temporelle de la température à échelle locale dans le contexte du changement climatique", Laure de Rességuier, ingénieure d’études à Bordeaux Sciences Agro, montre qu’il peut y avoir des écarts de température très importants sur de tout petits secteurs. Et elle remet en cause l’idée selon laquelle il faut de grands écarts de température entre le jour et la nuit pour obtenir des rouges de qualité. La chercheuse propose un nouveau modèle de prévision de la maturité et des pistes d’adaptation au vignoble face à la hausse des températures à venir. Entretien.
Par Pauline Orban Le 04 mars 2025
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Laure de Rességuier, ingénieure d’études à Bordeaux Sciences Agro - crédit photo : DR
V
ous avez mené une étude sur la variabilité de la température à Saint-Émilion, Pomerol et leurs satellites entre 2012 et 2019. Dans ce secteur de 20 000 ha culminant à 100 m d’altitude, vous observez d’importants écarts. Comment l’analysez-vous ?

Laure de Rességuier : On a pu observer jusqu’à 10 °C d’écart pour les minimales la nuit, certaines journées anticycloniques et sans vent, entre les secteurs les plus frais, situés dans les vallons et les plaines, et les zones plus chaudes, sur les plateaux et les pentes exposées plein sud. Ces données confirment l’influence de facteurs tels que le relief, la latitude et la longitude, mais aussi du type de temps sur la température et donc sur le développement de la vigne. À partir de ces observations, nous avons produit des cartes indiquant les secteurs les plus chauds et les plus froids durant la période végétative pour aider les viticulteurs à choisir leur matériel végétal.

 

Peut-on extrapoler à partir de ces observations pour d’autres régions ?

Oui, mais en mettant en place des réseaux de capteurs de température. La variabilité de la température à l’échelle d’un territoire est influencée par de nombreux facteurs comme la topographie, la proximité de grandes masses d’eau ou de massifs forestiers.

 

Vous avez constaté de faibles écarts de température entre le jour et la nuit sur les plateaux calcaires de Saint-Émilion, où sont produits certains des meilleurs vins, et des amplitudes élevées dans les vallées aux vins moins prestigieux. Cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle il faut de grands écarts de température entre le jour et la nuit durant la maturation pour produire des rouges de qualité. Comment l’expliquer ?

L’amplitude thermique pendant la période de maturation est souvent considérée comme un facteur qui influence la concentration en composés phénoliques. Mais ce n’est très certainement pas le seul et il est possible que l’effet du type de sol l’emporte sur l’amplitude thermique. Il se peut aussi qu’il y ait un impact négatif des températures maximales, plus élevées en fond de vallons, sur la qualité des raisins. Nous avons prévu d’étudier l’impact du sol, au travers du régime hydrique et de la nutrition azotée, sur les teneurs en anthocyanes des raisins pour hiérarchiser ces différents facteurs.

 

Vous avez aussi validé des modèles de prévisions des dates de mi-floraison et de mi-véraison à une échelle très locale…

Oui, nous avons développé des modèles de prédiction très précis de l’apparition des dates de floraison et de véraison du merlot, basés uniquement sur la température. Cela nous a permis de produire des cartes d’apparition de ces stades que les viticulteurs peuvent utiliser pour raisonner l’implantation du matériel végétal. Ces modèles peuvent aussi être utilisés pour prédire la date de floraison et de véraison dans le futur, selon le réchauffement climatique.

  Un autre modèle permet de prédire quand le seuil 200 g/l de sucres dans les raisins est atteint. Comment ça marche ?

Ce modèle, développé uniquement pour le merlot, cumule les températures moyennes journalières supérieures à 12 °C à partir de la mi-véraison et prédit que le jour où ce cumul atteint 225 degrés jour, les raisins ont atteint une concentration en sucre de 200 g/l. Cet outil pourrait être utile pour prévoir et organiser les vendanges.

 

Vous avez aussi étudié le gradient vertical de la température en fonction de la gestion du sol dans une parcelle de merlot entre 2016 et 2020. Qu’avez-vous observé ?

Lors de ce travail, nous avons mesuré la température à quatre hauteurs – 30, 60, 90 et 120 cm – pour voir si l’augmentation de la hauteur du tronc peut modifier le microclimat des grappes. Nous avons constaté que l’amplitude journalière de température diminue lorsqu’on s’éloigne du sol. Les températures minimales sont plus élevées et les maximales plus faibles à 1,20 m du sol qu’à 30 cm. Ainsi, l’augmentation de la hauteur du tronc pourrait contribuer à limiter les dégâts causés par les gels de printemps et les canicules estivales. En revanche, elle ne permet pas de retarder la maturation des raisins car la somme des températures durant la période végétative est à peine plus faible à 1,20 m qu’à 30 cm.

  Que faut-il en retenir dans la pratique ?

Dans les conditions de l’étude, rehausser la hauteur des troncs de 45 à 90 cm a permis de réduire en moyenne de 0,8 °C les températures maximales lors des canicules et d’augmenter les températures minimales de 0,4 °C lors des épisodes de gel. Nous avons aussi remarqué que ces écarts sont plus marqués dans les parcelles enherbées que dans les parcelles travaillées, notamment pour les températures minimales. Sur les sols travaillés, l’augmentation de la hauteur du tronc ne limiterait que très modérément les risques de gel, mais pourrait aider à réduire l’impact des températures sur les rendements et le profil aromatique des vins.

  Vous avez aussi réalisé une étude dans une petite propriété de 11,2 ha où vous avez constaté des écarts de température quasi aussi importants que sur la zone Saint-Émilion-Pomerol. Comment l’interpréter ?

Effectivement. Alors que nous avons mesuré 280 degrés jour d’écart durant la saison végétative, entre les secteurs les plus chauds et les plus frais, en moyenne par an, à l’échelle du secteur Saint-Émilion-Pomerol, nous avons mesuré 204 degrés jour d’écart entre le secteur plus frais et le plus chaud de cette petite propriété de 11,2 ha. Or 204 degrés jour, ce sont théoriquement vingt jours de décalage de maturité. Ces écarts très importants peuvent s’expliquer par le relief, mais aussi par d’autres facteurs que nous n’avons pas pu analyser. Ces résultats montrent l’importance de constituer des cartes de température à une échelle fine pour mieux raisonner la conduite du vignoble et choisir le matériel végétal dans le contexte actuel et futur du changement climatique.

 

Quels sont les impacts prévisibles du changement climatique sur la vigne ?

À l’horizon 2100, les prévisions météorologiques font état d’une hausse de la température moyenne annuelle mondiale de 1,4 à 4,4 °C, selon les scénarios. Cette augmentation provoquera forcément une avancée des stades phénologiques et un raccourcissement de la période de maturation. Or, pour obtenir un vin rouge équilibré dans le Bordelais, il faut que la maturité optimale soit atteinte approximativement entre le 10 septembre et le 10 octobre. L’enjeu de demain pour les vignerons est donc de rester dans cette période de maturité, malgré la hausse des températures. Nos cartes peuvent les aider à prendre des décisions dans ce sens.

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