épassée ponctuellement par les Etats-Unis, l’Allemagne est redevenue en 2023 le premier importateur mondial de vins français en volume, et toujours 3ème en valeur. Ce marché historiquement tourné vers les vins français est plus que mature, et par conséquent difficile d’accès. « Dans un contexte difficile de consommation, les importateurs allemands ont tendance à jouer la frilosité et limitent les risques en s’orientant vers des valeurs sûres pour le rayon vin », explique Denis Abraham, chargé d’affaires export et coordinateur de la zone rhénane pour les vins et spiritueux au bureau Business France de Düsseldorf.
Il précise dans le même temps la situation ambivalente de ces mêmes acheteurs, « dont les clients attendent aussi quelque chose de différent, le petit truc en plus ou la petite histoire différenciante qui permet à un vin de se distinguer », ajoute Denis Abraham. Enfin, une nouvelle façon de fonctionner, plus habituelle en France, est apparue depuis deux ans dans le management des structures d’achat de vins. « Avant, la stabilité était de mise avec des acheteurs installés longtemps qui pouvaient nouer des relations de confiance et de fidélisation avec les fournisseurs. Aujourd'hui, il y a un turn-over important chez ces acheteurs qui proviennent d'autres rayons, donc moins connaisseurs, d'où l'importance d'arriver sur les marchés avec des concepts aboutis et livrés clé en main », poursuit le consultant business France.
Si la consommation de vin reste assez stable dans le pays, elle s'oriente de plus en plus vers les vins blancs. Ceux-ci représentent aujourd'hui 47 % des volumes consommés et seulement 40 % pour les vins rouges. « Cette tendance est autant liée à la baisse de consommation générale des vins rouges qu’à l'augmentation de celle des vins blancs. Les rosés poursuivent leur progression depuis 2017, générant à présent 13 % des volumes consommés. L’Allemagne reste enfin le premier consommateur de vins effervescents, stabilisé à 3,2 l/an/habitant, particulièrement bien implantés auprès de la population féminine », souligne le chargé d'affaires de Business France.
Sur ce créneau, les allemands semblent revenir de la lame de fond des Proseccos pour s’orienter vers l’excellente offre qualité-prix des crémants français, dominé par ceux du Val de Loire. « La notion de crémant parle bien aux allemands car ils se sont mis à en produire aussi », rappelle Denis Abraham. La notion de prix reste en effet un point cardinal de la consommation de vins, la grande distribution étant le solide leader de l’offre en vins, plus de deux tiers des volumes du marché. « On évoque volontiers ici le ratio prix-plaisir pour l’offre de vins en GD », enchaîne le consultant de Business France. La GD opère même à un retour vers les hypermarchés, à l’image du réseau de l’enseigne Kaufland, au détriment de petites et moyennes surfaces. « Les clients préfèrent retrouver tout ce dont ils ont besoin au même endroit alors qu’ils aimaient avant se déplacer dans plusieurs lieux », situe Denis Abraham.
La distribution par le réseau de cavistes est stable autour de 10 % des volumes, gardant toute leur importance dans la distribution locale. Ils sont toujours des importateurs directs avec des chiffres d’affaires conséquents grâce à leur rôle de grossistes locaux. Les ventes en ligne poursuivent une croissance ininterrompue depuis l’ère Covid, tous les opérateurs s’y étant mis à l’exception du réseau Aldi. « Il y a eu une forte concentration dans ce secteur, avec des rachats et fusions, si bien que tous les distributeurs en ligne sont des opérateurs conséquents. Le e-commerce a encore renforcé sa place avec 13 % des volumes de vins vendus dans le pays », valide Denis Abraham. La France reste en outre bien représentée sur ce canal de l’e-commerce, où les vins sont mieux valorisés qu’en GD.
Toujours compliqué par sa maturité et son offre fournie, le marché allemand n’en attend pas moins de la nouveauté. « Se démarquer devient un angle essentiel pour exister ou apporter un nouveau produit. Instagram est ainsi devenu une des sources d’informations principales des consommateurs pour s’informer sur les vins », pointe le chargé d’affaires de Business France. Nouveauté ne rime cependant pas nécessairement avec succès. Le vin en cannette ne s’est pas installé, à l’exception de quelques entrées de gamme, alors que la dimension environnementale et durable pèse dans la décision d’achat. « L’Allemagne reste le premier marché mondial du vin bio et un label comme Vignerons engagés est très apprécié des acheteurs, car eux-mêmes soumis à des engagements RSE au sein de leurs structures », précise Denis Abraham.
Le marché reste en outre aussi atomisé entre les 16 Länder, Denis Abraham soulignant que les territoires de l’ex-Allemagne de l’Est sont toujours aussi peu concernés par l’intérêt pour le vin.
Sans vraiment décoller, les NoLo ne génèrent que 1 % des parts de marché des vins tranquilles, « mais 6 % des vins effervescents, créneau sur lequel l’engouement pour le sans-alcool est plus marqué, à l’image de la bière », valide le consultant Business France. Soumise aux mêmes tourments que ses consœurs européennes, l’économie allemande marque une stagnation, qui favorise les arbitrages en défaveur du vin. Pourtant, le moral tient le coup du côté des importateurs, qui voient dans 2025 l’année du rebond pour relancer les affaires. L’occasion d’en profiter pour les vins français.
Vous pouvez retrouver plus d'informations de marché dans la infographies ci-dessous et sur le site de Business France