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Vers des sanctions à 5 000 €/ha pour les vignes en friche
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Finies les injonctions
Vers des sanctions à 5 000 €/ha pour les vignes en friche

Faire payer les friches ? Pour inciter à l’arrachage sanitaire, la préfecture de Gironde annonce de premières poursuites en justice des vignobles abandonnés afin d’inciter à la renaturation prenant en charge les frais d'arrachage.
Par Alexandre Abellan Le 29 juillet 2024
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Vers des sanctions à 5 000 €/ha pour les vignes en friche
Dérapages incontrôlés. Avec la pression mildiou de cette saison 2024, des vignes sont soudainement parties en sucette, conduisant leurs viticulteurs à jeter l’éponge. Ici une parcelle abandonnée en cours d’année vers Saint-Émilion (à Saint-Hippolyte). - crédit photo : Alexandre Abellan
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aysage de désolation, les friches continuent de miter le vignoble bordelais cet été, entre des rangs abandonnés depuis des années, face à la déconsommation/dévalorisation des vins, et des parcelles décrochant brutalement cette saison, sous les coups du mildiou marquant ce millésime 2024. S’il n’y a pas de chiffrage récent des surfaces viticoles en friche, la préfecture de Gironde reconnait dans un communiqué « l’ampleur des remontées d’informations et des préoccupations que suscite la présence de nombreuses parcelles de vignes abandonnées ou en défaut d’entretien dans le département ».

Lors de la réunion de la cellule de crise viticole du jeudi 25 juillet, les services de l’État annoncent en réaction de premiers contrôles des arrachages de vignes non cultivées pour « manquements aux obligations réglementaires des propriétaires », avec de « premiers procès-verbaux de constatation de manquements dressés par les agents habilités et assermentés ». Des PV désormais traités par les tribunaux judiciaires de Bordeaux et de Libourne. « J’espère que ces procédures vont inciter les propriétaires et exploitants à arracher les vignes non entretenues » déclare Étienne Guyot, le préfet de région Nouvelle-Aquitaine, qui « rappelle que l’État et le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) se sont engagés dans un vaste plan d’arrachage sanitaire » dont la deuxième vague de candidature est en cours.

Flavescence dorée

Alors que le gouvernement a été récemment épinglé par la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC) pour son immobilisme sur un dossier où il y a plus de paroles que d’actions, il semble paradoxalement que si la dissolution a sapé le travail législatif sur le sujet*, l’immobilisme politique découlant des dernières élections permette à l’administration, d’avancer… En Gironde, la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB) se mobilise ainsi depuis des années pour avancer sur ce dossier sensible et voit la Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de Nouvelle-Aquitaine (DRAAF) s’en emparer pour dresser depuis le printemps des PV se basant sur l'arrêté préfectoral du 26 mai 2021 de lutte contre la flavescence dorée (indiquant notamment que « tout propriétaire ou détenteur est tenu de détruire ou de remettre en état toute vigne non cultivée située à moins de 250 m d’une vigne-mère ; lorsqu’un risque de dissémination de la maladie à partir de cette vigne est mis en évidence par la DRAAF-SRAL Nouvelle-Aquitaine »).

Ces PV doivent amener à « des procédures de transaction pénale consistant à sanctionner les contrevenants à des peines d’amende pouvant atteindre 5 000 euros par hectare » indique la préfecture, précisant que « les contrôles vont se poursuivre dans les territoires les plus touchés par la présence de vignes non cultivées qui représentent un risque de dissémination de maladies comme la flavescence dorée ». Cette maladie réglementée imposant des traitements obligatoires et faisant donc encourir des sanctions aux contrevenants. Représentant 26 hectares de vignes abandonnées sur cinq communes (Plassac, Rions, Saint-Germain-du-Puch, Cabara et Saint-Aubin-de-Branne), les quatre premiers dossiers déférés devant le parquet ont vocation à être symboliques (l'amende est plafonnée à 5 000 € au-delà d'un hectare précise la préfecture), alors que 500 courriers de mise en garde venant d'être envoyés à des vignobles à l'abandon depuis des années.

On ne peut pas impunément laisser sa vigne en friche

Se chiffrant en milliers d’hectares (la préfecture cite 2 450 ha), « le problème des friches est récurrent depuis 10-15 ans. C’est un vieux serpent de mer » note Stéphane Gabard, le président des vins AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur qui a participé aux travaux sur cet outil de sanction. « Le but des professionnels n’est pas de mettre des amendes, mais de faire pression pour que les vignes en friches soient arrachées. Certains propriétaires ont les moyens financiers d’arracher, certains peuvent bénéficier des dispositifs de compensation carbone et commencer à capitaliser sur un boisement : qu’ils nous contactent » poursuit le vigneron de Galgon, qui appelle à « responsabiliser les propriétaires. On ne peut pas impunément laisser sa vigne en friche. » Finies les injonctions répétées, place aux sanctions pénales pour inciter les propriétaires de vignes abandonnées à se mettre rapidement en conformité, les vignerons n’en pouvant plus de cette chienlit.

Après une série de campagnes marquées par le mildiou (2018, 2021, 2023 et maintenant 2024), l’impatience monte mécaniquement dans le vignoble voisin de ces parcelles : « même si les instituts de recherche disent qu’il n’y pas lien de cause à effet entre les friches et la pression mildiou, les viticulteurs voient que des vignes proches de friches sont plus impactés par le mildiou que les autres, pour le même programme de traitement » rapporte Stéphane Gabard.

 

Il n’y a plus une appellation épargnée

Didier Cousiney, le porte-parole du collectif Viti 33, confirme que le sujet des friches devient une urgence à régler : « en tant que maire [de la commune de Pian-sur-Garonne], je vois les frictions entre ceux qui abandonnent leurs vignes et leurs voisins qui traitent bien et voient des contaminations. J’ai prévenu le préfet [Étienne Guyot] de faire attention aux conflits » qui pourraient en découler. Mais le viticulteur de l’Entre-deux-Mers n’est pas partisan des amendes administratives : « ces personnes n’ont plus argent pour traiter leurs vignes. Comment sortir 2 à 3 000€/ha pour arracher ? On peut les amener au tribunal, mais quand il n’y a plus d’argent, il n’y a plus d’argent. Ils ne peuvent pas payer. »

Didier Cousiney appelle les viticulteurs laissant filer des vignes à contacter directement Alliance Forêt Bois, la coopérative pouvant prendre en charge l’arrachage pour boiser les parcelles pendant 20 ans (via des crédits carbone). Certes cela immobilise les terrains pendant 20 ans, mais « cela permet de rester dans le droit chemin par rapport à ces voisins. On demande aux viticulteurs de se rapprocher de ces organismes » indique le porte-parole du collectif Viti 33, qui ne cache pas son inquiétude quand il parcourt le vignoble bordelais : les hectares à l’abandon se multipliant et « il n’y a plus une appellation épargnée ».

Intérêt national

Alors que les friches mobilisent également dans les vignobles du Languedoc, du Rhône et de la vallée de la Loire, Raphaël Fattier, le directeur de la CNAOC, voit dans ce système bordelais émergent de gestion des vignes en friche un outil qui pourrait être dupliqué dans d’autres vignobles. Mettant « la pression de sanctions financières avec le soutien de l’État » tout en ouvrant une porte de sortie avec « la possibilité de boisement avec un label bas carbone (zéro frais d’arrachage et une action pour la biodiversité) », le système pourrait également « répondre à tous les cas : le vigneron partant à la retraite, l’indivision d’une vingtaine de propriétaires, le mandataire judiciaire… » indique Raphaël Fattier.

Au national, « on continue de travailler étroitement avec l’administration sur cette problématique de vignes en friche, avec la forte déprise viticole qu’il va y avoir, on s’attend à une augmentation de ces surfaces » précise le directeur la CNAOC, évoquant des échanges récents avec la Direction Générale de l'Alimentation du ministère de l’Agriculture (DGAL).

 

* : Rapporteur du projet de loi d'orientation et d'avenir pour l'Agriculture, le député Pascal Lavergne (Renaissance, Gironde) avait vu déclaré irrecevable son amendement pour que la gestion de friches devienne contraventionnelle et plus pénale. S'étant désisté au deuxième tour des législatives anticipées de juillet 2024, l'ancien viticulteur de l'Entre-deux-Mers indique à Vitisphere regretter que sa proposition n'ait pu être repêchée lors de la lecture et du vote au Sénat qui ont été tués dans l'œuf : « ça fait partie des dégâts collatéraux de la dissolution » résume-t-il.

 

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Confédération paysanne de Gironde Le 31 juillet 2024 à 15:11:37
La Confédération paysanne de Gironde apprend, par la presse, que la cellule de crise viticole s'est réunie le 25 juillet sur convocation du Préfet de Gironde. Nous avons été tenus à l'écart de cette réunion et donc des décisions prises toujours par les mêmes membres du système viticole bordelais, appuyés aveuglément par l ?État. Cet État ne respecte même pas la représentativité des syndicats, en n'en convoquant que certains. La CP33 se désolidarise donc complètement de la « punition » de 5000 euros à infliger aux vignerons ruinés, annoncée lors de cette réunion. Depuis des années, la Conf33 alerte sur la situation de surproduction et a avancé en 2020 le chiffre de 30 000 ha correspondant à la superficie des vignes sans marché. De même, nous avions dénoncé le chiffrage à 10 000 ha fait par le CIVB et l'État. A l'époque, le Préfet nous répondait : « On va déjà arracher 10 000 ha et on verra ensuite ». Malheureusement, nous voyons le résultat désastreux de cette politique dans les paysages de nos campagnes.C'est donc après avoir minimisé les faits, que l'on nous sort le bâton avec l'amende administrative de 5000 ? pour les vignes non cultivées, sensée protéger les vignerons toujours en activité. Cette annonce arrive de toute façon à contre temps. Elle n'aura aucun effet pour ce millésime avec la véraison qui est déjà là. Les dégâts du mildiou sont considérables mais irréversibles. Par ailleurs, en présentant le boisement des parcelles viticoles abandonnées comme solution face à la banqueroute des vignerons, l'État entérine pour au moins 20 à 30 ans, la stérilisation de terres arables dont on aura bien besoin à l'avenir. La Conf33 a depuis 2 ans proposé la création d'un office foncier public, chargé de reprendre, remembrer, réaménager et diversifier l'ensemble du foncier agricole touché par la déprise. Cette proposition est restée sans réponse, soi disant pour un problème de coût. Les vignerons et les populations des zones agricoles de Gironde, maintenant gravement paupérisés, seront ravis d'apprendre qu'il n'y a pas un euro à avancer pour un tel projet alors que 18 milliards doivent être investis dans le projet de LGV pour gagner une demie-heure entre Bordeaux et Toulouse. Ils seront aussi ravis d'apprendre qu'ils sont déjà assujettis à une sorte « d'impôt LGV », qui sera ré-ajustable en fonction des dérives habituelles du devis initial. Une question se pose : cherche-t-on à résoudre la crise en enfonçant encore plus les plus faibles ?
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SBCJS Le 29 juillet 2024 à 19:30:09
Je suis propriétaire, mon fermier est en cave. Après la fermeture des dossiers pour l'arrachage l'an dernier, il m'a annoncé suite au conseil de sa cave, ne plus pouvoir me payer le fermage à l'avenir, fermage que j'avais deja fortement réduit. Aujourd'hui, il dénonce son bail. Je n'ai pas pu profiter de l'aide à l'arrachage, j'ai perdu la valeur de mon capital, aucun repreneur, ... plus d'argent à depenser pour arracher mes vignes, et maintenant on va me menacer d'une sanction pénale au même titre qu'un trafiquant !!!! Mais qu'est que j'ai fait pour mériter cela ???? Mr le DDTM pouvez me répondre ?
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Renaud Le 29 juillet 2024 à 07:16:17
L'amende administrative ne doit être qu'un levier pour déclencher une action de déblocage d'uns situation insupportable. Mais il est à noter que bcp de propriétaires ne sont pas exploitants. Leur fermier après plusieurs années sans régler leur fermages par impossibilité a abandonné les parcelles. Du coup beaucoup sont inéligibles aux aides. Les propriétaires qui ont perdus leur capital se retrouvent avec un nouveau problème à gérer sans avoir les contacts d'une profession assez opaque vu de l'extérieur. La sanction doit être un levier de déblocage collectif et non une double peine.
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augustin Le 29 juillet 2024 à 05:30:35
Le collectif viti 33 est bien entendu dans le vrai , ce type de mesure répressive ne va rien arranger lorsque le viticulteur concerne n à plus les moyens. Alternativement il faut inciter clairement les domaines concernés à se mettre en sauvegarde voire en cesation de paiement pour obtenir une ou plusieurs périodes d observation dans le cadre d un rj. Le commentaire complaisant de m le préfet guyot en faveur de la penalisation n aura pour effet que de précipiter les domaines concernés dans des nouvelles procédures pénales parfaitement inutiles ... alors meme que la plupart du temps la mise en place d une procédure civile aurait suffit. Inversemment ,certains récents abus de position dominante émanant de domaines très agressifs commercialement restent impunis : chantage à l all9cation, ventes liées via des bouquets peu attractifs ont été légion. Une fois encore , les autorités semblent plus à l aise pour accabler les petits (deja dans la misere ) .. que de punir certains majors , proches des très grandes fortunes. Cette interprétation de la " gestion des affaires courantes " ne va pas calmer les esprits ... et reflète une profond incompréhension du terrain par les pouvoirs publics . La tendance devait être l empathie et la compassion , on évolue rapidement vers la coercition . A quand le doublement des amendes , les peines d emprisonnement ferme ... et on se réjouit de l abolition de la peine de mort pour le millésime 1981 :*) Cette incursion du pénal mettant le viticulteur impecunieux sur le même banc des accusés que le négociant fraudeur ou le prestataire esclavagiste ne dit rien de bon pour cette seconde partie d3 calendaire 2024 :^(
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