uelle est la genèse de ce projet ?
Tancrède Neveu : Il y a deux ans, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) nous a contacté pour tenter d’offrir de nouvelles valorisations aux parcelles de vignes, dans le cadre de leur plan d'arrachage. Nous avons proposé des solutions de boisement. Le mécanisme est le suivant : nous accompagnons les viticulteurs qui ont choisi de boiser leur terre en leur apportant notre appui pour les travaux d’arrachage et de remise en état du terrain, le travail du sol avant plantation, pour la fourniture et la mise en place des plants, des protections, les regarnis éventuels, l’entretien pendant les cinq premières années.
Tous ces travaux de boisement et d’entretien sont pris en charge à 80 % via le dispositif du label bas-carbone, crée par le ministère de la Transition Ecologique afin que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient atteints à l’horizon 2050. Les entreprises, qui émettent du CO2, soucieuses d’aller vers la neutralité carbone, vont être les financeurs de ces travaux. Elles se verront remettre un certificat qui affichera les tonnes additionnelles de carbone stockées séquestrées. On peut avancer le chiffre de 240 tonnes de stockage de C02 par ha. Ce calcul est fait sur les trente premières années de peuplement. Sur ce financement, les 20 % restant, sont à la charge du viticulteur qui peut bénéficier d’exonération d’impôts fonciers, de réduction de l’IRPP et de la réduction des droits de successions
Quel est le coût moyen de ces travaux ?
Le coût varie selon l’essence. En incluant les coûts d’arrachage à hauteur de 2 000 €/ha, le coût moyen des travaux pour le pin maritime est estimé à 4 900 €/ha, à 6 200 €/ha pour le Cèdre de l’Atlas. Pour le peuplier il faut compter 6 300 €/ha et de 9 à 10 000 €/ha pour le chêne.
Quels types d’entreprises se lancent dans ce dispositif bas-carbone ?
Ce sont de grandes entreprises, telles qu’Air France, Orange, la Poste, Engie ou encore les fromages Bel. Elles se doivent de faire leur bilan carbone et d’avoir une stratégie de neutralité à horizon 2050. Parmi les raisons qui les poussent dans cette voie, il y a la problématique du recrutement. Un jeune diplômé préfèrera de loin intégrer une entreprise vertueuse en termes d’environnement. A ce jour 35 entreprises nationales ont adhéré au dispositif.
Et au niveau régional ?
Je ne suis pas inquiet. Nous sommes en discussion avec plusieurs PME. De même nous sommes en lien avec le club ETI Nouvelle Aquitaine.
Comment réagissent les viticulteurs, sont-ils tentés de passer de la vigne à la forêt ?
Nous avons été contacté par 200 viticulteurs de L’Entre-Deux-Mers et du Blayais depuis septembre dernier, lorsque le plan d’arrache a été lancé.
Concrètement, combien de viticulteurs ont sauté le pas ?
Pour l’instant nous montons les dossiers. Ce dispositif label bas-carbone est long à mettre en place. Cinq techniciens de notre coopérative et deux de la chambre d’agriculture vont à la rencontre des propriétaires pour une remière visite de terrain et un diagnostic du sol pour déterminer quelles essences planter. Vient l’étape de l’autorisation de boisement auprès de la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), laquelle va étudier le projet et peut être demander une étude d’impact. Une fois l’autorisation obtenue, les travaux d’arrachage sont lancés. La constitution du dossier Label bas carbone est réalisée. Un contrat de validation du financement est signé.
A quoi s’engage le viticulteur vis-à-vis de la coopérative ?
Le viticulteur devient adhérent de la coopérative. Il prend 3 parts sociales par tranche de 50 hectares de propriété vendues 1,5 € la part. Il s’engage à conserver l’état boisé pendant 30 ans, à assurer son boisement contre les risques "tempête et incendie".
Dans ces conditions n’est-il pas tenté à laisser en jachère sa terre pendant 20 ans ?
Je ne le crois pas. Nous sommes une alternative à la jachère. Une parcelle boisée à une valeur patrimoniale très différente d’une jachère. Nous avons fait des valeurs estimatives à 30 ans par essence : de 8 à 12 000 €/ha pour le pin, de 7 à 12 000 €/ha pour le Cèdre de l’Atlas, ou encore de 15 à 20 000 €/ha pour le peuplier. Sachant que l’on ne sait ce que sera le marché dans trente ans.