ujourd’hui étudié par l’Assemblée National, le projet de loi d’orientation agricole n’a retenu en commission économique aucun amendement répondant aux demandes de la filière vin pour éviter les cavaliers législatifs. Mise à part une clause de revoyure sur la transmission dans le budget 2025…
Jean-Marie Fabre : J’ai le sentiment qu’i y a une véritable sincérité du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, pour aborder le sujet transverse de la loi d’avenir. Mais il est important que l’on intègre de manière sectorisée des mesures qui répondent à nos enjeux. Dans cette transcription des enjeux sectoriels, on ressent un enthousiasme et un accord de principe des parlementaires, mais ces amendements sont freinés par une vision étriquée du droit constitutionnel. L’article 45 de la Constitution est utilisé pour dire ce que la loi d’orientation ne prend pas en compte. Mais dans l’exposé de ses motifs, on trouve de quoi penser que nos propositions peuvent être portées.
Nous avons mis un essai, avec l’écho favorable du ministre et des parlementaires, je souhaite que l’arbitre vidéo nous permette de la valider… Et qu’on puisse le transformer. Il ne faut pas se cacher derrière le paravent de la constitution et faire l’effort d’intégrer dans la loi les mesures nécessaires à la filière viticole. C’est maintenant qu’il faut le faire passer et démontrer que tout le soutien exprimé sur les plateaux et aux représentants syndicaux depuis 4 à 5 mois se traduit dans les faits. Ne balayons pas d’un revers de la main des propositions soutenant la pérennité et la compétitivité d’un secteur.
Quelles sont vos demandes ? Est-ce que vous voulez aller plus loin que l’amendement programmatique pour que l’allègement fiscal de la transmission du foncier viticole soit étudié lors du projet de loi de finances pour 2025 (PLF) ?
Si l’on imagine bien la loi d’orientation comme un texte de programmation pour l’avenir, il faut consolider le modèle familial du milieu agricole. Nous demandons l’application des 75 % d’exonération du pacte Dutreil sans plafond pour la transmission à titre gratuit des biens loués par bail à long terme (dispositif applicable aux transmissions d’entreprises), ce serait un début. Un vrai signal serait d’aller à 100 %, avec un engagement de maintien dans le temps bien entendu. Il faut que Bercy entende que réduire la fiscalité de la transmission n’est pas une perte. Une exonération avec engagement permet de garantir à l’Etat la pérennité des secteurs agricoles en général, et viticoles en particulier, donc la pérennité de leurs recettes fiscales. C’est un investissement qui va rapporter.
Il faut aussi sanctuariser l’exonération du travail saisonnier, en pérennisant TO-DE (actuellement en vigueur pour trois années). Ces deux points peuvent dépendre du PLF, mais les intégrer à la loi d’avenir permet de lancer un signal. Il faut clairement que les intentions se concrétisent. Si l’on acte dans la programmation de la loi les sujets de transmission et de TO-DE, on pourra accompagner la souveraineté alimentaire et la compétitivité de l’agriculture française.
Parmi les autres sujets rejetés par l’article 45, quels sont ceux que vous souhaitez voir revenir dans la loi ?
Nous soutenons la mise en place d’un dispositif de sanction contraventionnelle visant les vignes en friche. Avec la déprise viticole ce sont des menaces pour les vignobles voisins : c’est une bombe à retardement. Il faut avancer rapidement avec une amende administrative pour aller plus vite que les actuelles procédures judiciaires, longues et coûteuses, qui ne répondent pas à l’urgence (flavescence dorée, eudémis…). Il faut être efficace en dissuadant les propriétaires de laisser leurs vignes en friche. On entend qu’il faudrait attendre un loi phyto en septembre, mais il y a urgence.
Sur les Zones de Non-Traitement (ZNT), nous demandons d’inverser la responsabilité des zones tampons. Avec le flux des surfaces prises à l’agriculture par des aménageurs, publics comme privés, il faut sanctuariser les zones agricoles et ne plus faire porter l’obligation de zone tampon sur l’agriculteur, qui se voit imposer par les projets de construction des pertes de production et de capital sur ses parcelles. Ne pas intégrer dans la loi d’orientation que c’est à l’aménageur d’intégrer son projet la zone tampon, c’est ne pas prendre son courage à deux mains et ne pas prendre en compte la réalité de la pression qui est mise sur la viticulture. On est dans une loi agricole où le foncier est central. Ça ne peut pas être remis aux calendes grecques.
Un autre point central est de mettre en cohérence les propos et les actes sur l’impôt de production. Depuis 2020, les impôts de production sont réduits de 50 % pour les secteurs stratégiques. Il manque la viticulture ! Si les objectifs d’avenir pour la viticulture sont les mêmes que ceux pour la réindustrialisation de la France, il faut appliquer les mêmes efforts de fiscalité. La vigne a un impôt de production qui est la Taxe sur le Foncier Non Bâti (TFNB). Ne pas l’exonérer de 50 % revient à ne pas aller au bout du soutien au secteur viticole. Ce n’est pas cavalier.




