ans un monde du vin marqué par la déconsommation, « les gains de parts de marché seront plus que jamais acquis sur les concurrents » pose Pierre Jean Larraqué, le président du groupe bordelais Larraqué Vin International (LVI), ce 27 juin lors de l’assemblée générale de son Alliance des Récoltants (réunissant 58 châteaux exclusivement de Gironde) au Vieux Château Gaubert (Graves). À contre-courant des baisses des ventes de vins de Bordeaux, l’union commerciale prévoit en 2024 la commercialisation de 3,8 millions de cols pour 14 millions € de chiffre d’affaires (soit +12 et +10 % par rapport à 2023).
Pourtant, ce groupe n’est pas épargné par les difficultés qui s’abattent sur la filière vin : « le contexte géopolitique, les baisses de récolte face aux incidents climatiques, la folle montée de l’Euribor (taux interbancaires en euro), l’arrachage massif dans le vignoble bordelais, la hausse du tarif des intrants… L’ensemble de ces éléments nous emmène sur une hausse sensible des coûts de production. De nombreuses exploitations vont disparaître et nous nous dirigeons vers une plus large concentration, aussi bien des exploitations que des négociants et de la distribution » dresse Pierre Jean Larraqué.
Revendiquant une stratégie d’agilité commerciale et de force de proposition pour une « action au plus près des consommateurs », Pierre Jean Larraqué plaide pour l’évolution du système commercial bordelais. Sa ferveur étant d’autant plus forte qu’« il y a 20 ans quand je suis arrivé avec la marque By Haussmann en vin de l’IGP Atlantique, j'ai pris des coups de pied dans le cul partout. Maintenant tout le monde y va » note le négociant précurseur, qui prévient de faire « attention avec l'IGP. Avec ce nom Pays de l’Atlantique on est très forts sur les blancs et rosés, mais [à cause du lien à l'océan] on a du mal à vendre les rouges. Il faut aussi travailler sur un marketing innovant qui nous permette d'enclencher des marques fortes » et de se développer dans la grande distribution.
Car « l'hyper n'est pas mort » pour Pierre Jean Larraqué, qui y voit des succès qui passeront à l’avenir « par une offre beaucoup plus claire et une offre thématisée » pour sécuriser l’achat dans des linéaires anxiogènes tenant de l’allée de la mort. Dans le rayon vin, les consommateurs « ont trop de références, trop d'offres » et « même le patron du vin chez Carrefour vous dit qu’il ne sait pas comment les consommateurs choisissent. C'est terrible » pointe le PDG de LVI, estimant qu’« il faut thématiser l'offre et [adopter] des meubles beaucoup plus bas pour gagner en visibilité ». Autre point stratégique, « il faut avoir une force de vente qui va les accompagner et ça, ça coûte cher » reconnaît Pierre Jean Larraqué, pour qui « si vous n’avez pas un service marketing organisé par marché et si vous n’avez pas des forces de vente, c'est infaisable. C'est le problème de Bordeaux, on a des négoces organisés dans un achat/vente pure et ils se foutent de la revente. » En témoigne pour le négociant l’exemple de « l’oubli de la restauration » pendant des années.
Autre retard pris par les vins bordelais : l’innovation pour moderniser les commercialisations. Dans un esprit de diversification, LVI prévoit six lancements de nouveautés d’ici la fin d’année. « Le groupe arrive sur les nouvelles tendances » résume Capucine Mathieu Larraqué, la directrice générale de LVI, annonçant la création d'une nouvelle filiale, Haussmann Lifestyle. Après les vins Cabane du Pyla (en IGP Atlantique), le négociant y lancera des vins effervescents à faible degré sous la marque Pyla cabana, une boisson aromatisé à base de vin rosé à 6 degrés d’alcool et avec ajout de CO2. Vendue en bouteilles de 33 cl, la nouvelle marque « va aller chasser sur le monde de la bière et des Lambrusco » explique Pierre Jean Larraqué, qui prévoit la marque Villa Pyla sur les vins tranquilles à faible degré (low alcohol). Demandant d’investir dans la communication (une chanson est prévue pour Pyla Cabana), l’innovation permet d’améliorer ses marges note le négociant : « il est difficile de monter les prix sur des produits existants. Même si ce ne sont pas des produits dans la longévité, cela permet une bonne marge et de mieux organiser le bilan. »


L’innovation n’est pas que marketing, des engagements environnementaux permettant également de se différencier pointe LVI. Qui propose ainsi dans son cahier des charges de l’Alliance des Récoltants l’arrêt total des herbicides dans 3 ans, qui s’interdit les produits organochlorés pour nettoyer ses chais, qui veut développer des outils de bilan carbone… Concernant l’arrêt du glyphosate, pour Pierre Jean Larraqué, qui s’applique déjà cette approche sur ses propriétés et peut témoigner par l’exemple à ses adhérents que c’est possible : « aujourd'hui, hormis l’investissement, l’arrêt du glyphosate est neutre et on n'a pas eu d'impact de coût. Il faut être honnête, ça ne coûte pas plus cher aujourd'hui de travailler sans glyphosate. Mais ça augmente le bilan carbone. » Estimant que le marché viendra à imposer l’arrêt des herbicides, « pour notre groupe, l’avenir c'est un vin sans glyphosate ». Et une production de vin restant rentable et attractive. Lancée en 2020, l’Alliance des Récoltants revendique en quatre ans la transmission de 7 propriétés des parents aux enfants. « Ce qu'il faut, c'est connecter la production au marché » conclut Capucine Larraqué, pour qui « il faut arrêter de produire s'il n’y a pas d’issue sur les marchés ».