près celle du 10 janvier dernier, Martial Bories remet ça avec une nouvelle réunion avec les représentants de la grande distribution (GD). Cette fois, c’est sur ses terres, à Servian, près de Béziers, que le président d’une des plus importantes coopératives du Languedoc (les Vignerons de l’Occitane, autour de 250 000 hl de production) a rencontré le 4 juin des acheteurs de GD régionale (Carrefour, U, Intermarché, Leclerc…). « On ne peut pas laisser des IGP Terres du Midi se vendre à 65-70 €/hl », souligne-t-il, « ça va provoquer la chute des cours d’IGP Pays d’Oc et on n’arrive aux limites de rentabilité pour nos vignerons ». En début d’année, avec l’appui du maire de Béziers Robert Ménard, qui avait fait jouer de son influence et son carnet d’adresses, le président de la coopérative héraultaise avait échangé, en présence du préfet de l’Hérault, avec les représentants nationaux de la GD.
Mais Martial Bories n’entend pas se limiter à une réunion de courtoisie, « il faut des résultats concrets sur le prix des vins, que la GD comprenne sinon c’est la catastrophe », répète-t-il. Après cette 2ème réunion, il souligne néanmoins l’avancée constructive des échanges, les représentants de GD manifestant la compréhension du risque dans leurs approvisionnements si une part non-négligeable du vignoble disparaît dans les années à venir. « Nous nous sommes mis à nu, en leur détaillant l’ensemble des coûts de production ligne par ligne et les seuils en-dessous desquels il sera impossible d’aller. L’IGP terres du Midi ne peut pas se vendre à moins de 80 €/hl et Pays d’Oc à moins de 100 €/hl », renforce le président des Vignerons de l’Occitane qui décrit des interlocuteurs prenant conscience du problème. Même si quelques enseignes, réputées pour leur acharnement sur le prix, restent réticentes à tout engagement partenarial.


« Frais de culture, traites, labours, MSA… On leur a expliqué le seuil de rentabilité à 4 900 €/ha, pour un rendement moyen de 70 hl/ha et une rémunération à 90€ /ha, ce qui est actuellement le haut de la fourchette en pays d’Oc, pour les cabernet-sauvignon. Il faut soustraire en moyenne 20 €/hl de frais de vinification selon les tailles de caves et les productions. On arrive donc tout juste à ce seuil de rentabilité avec la meilleure valorisation actuelle. C’est pour cela que les pays d’Oc doivent absolument être à 100 €/hl, sinon on ne vit plus », détaille volontiers Martial Bories. Il en veut également à ceux qui argumentent sur des rendements plus élevés. « Les caves de la région savent très bien que la réalité est à 69-70 hl/ha de moyenne en IGP. Nous n’avons ni l’eau ni le climat pour aller au-delà et proposer des profils de vins qui tiennent la route », enchaîne-t-il.
S’il n’a encore rien de concret à annoncer sur ces rencontres, Martial Bories indique que des enseignes se disent prêtes à « mettre de côté le système d’appels d’offres annualisés pour s’engager sur des partenariats pluriannuels », en collaboration avec la production et les prestataires d’embouteillage. Une nouvelle réunion est programmée après l’été, mais le chemin semble encore long, d’autant que d'autres discussions avec la GD sont déjà menées par le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV), ainsi que l’interprofession des IGP Pays d’Oc, comme le confiait son vice-président Jacques Gravegeal dans nos colonnes. « Tout le monde était content d’avoir pu se parler franchement ce 4 juin. Ce genre de discussion est impossible dans le cadre des instances représentatives car il y a trop de contraintes réglementaires et de négociation. La GD a compris qu’il allait y avoir 40 000 ha arrachés dans notre région, avec des conséquences sur son approvisionnement dans le futur », appuie Martial Bories.
Pourtant, chiffres à l’appui, Jacques Gravegeal rappelait également que la grande distribution ne pèse aujourd’hui plus que 34 % des volumes de vins commercialisés en France. Néanmoins le premier débouché pour nombre de structures coopératives du Languedoc. « On leur a fait remarquer les hausses des prix unitaires des bouteilles vendues dans leurs rayons, sans aucune répercussion sur le prix du vrac, c’est une fonctionnement qui n’a aucun sens. Il faut aller vers la contractualisation pluri-annuelle », termine Martial Bories.