ction, réaction. Ce 12 juin, la Commission Européenne annonce la mise en place de droits tarifaires sur les voitures électriques chinoises de 17 à 38 % dès le 4 juillet. Ce 14 juin, le média d'État Télévision Centrale de Chine (CCTV) publie un long article « exclusif » annonçant que « l’industrie chinoise est fortement insatisfaite ! » et que « la Chine peut prendre des mesures contre les voitures à grosses cylindrées*, le brandy, etc. » Citant des sources « initiées », le site pékinois indique que « les résultats préliminaires de l'enquête antidumping sur les brandies européens devraient être annoncés avant la fin du mois d'août ». Ciblant à 97 % les cognacs et armagnacs, cette enquête lancée en janvier dernier ne semble plus poser désormais la question de savoir quand les eaux-de-vie de vin vont être ciblés, mais quand.
Les autorités chinoises ayant bien en tête que les cognacs sont exposés par ces droits de douane. « Quelle que soit l’importance du marché chinois pour l’industrie européenne du brandy, une seule donnée suffit à illustrer le problème : les statistiques douanières montrent que, même si les ventes de brandy européen ont considérablement diminué sur d'autres marchés à travers le monde, le marché chinois est devenu la clé pour soutenir leurs ventes. De janvier à septembre de l'année dernière, les exportations de brandy de l'Union Européenne vers la Chine ont augmenté de plus d'un cinquième » indique CCTV.
Réduisant par précaution ses rendements 2024, la filière de Cognac craint que la machine infernale ne soit désormais lancée et que ce ne soit qu’une question de temps avant qu’elle ne s’emballe comme conflit commercial. Ce qui peut concrètement « se traduire à tout moment par des droits de douane supplémentaires, entravant la commercialisation du Cognac sur son second marché » (représentant 25 % des volumes commercialisés) indiquait récemment le Bureau National Interprofessionnel de Cognac (BNIC). Pouvant également cibler les vins européens, les mesures chinoises de rétorsion restent brandies comme une menace efficace pour stopper les droits de douanes européens.


La Chine vient ainsi d’ouvrir une enquête antidumping ce 17 juin contre les exportations européennes de viandes et sous-produits de porcs, alors qu’ils ne retrouvaient que récemment le marché chinois (suite à la peste porcine africaine). « Compte tenu des développements récents et des tensions commerciales croissantes entre l’Union Européenne et la Chine en raison de l’enquête européenne sur leur production de véhicules électriques, les producteurs agroalimentaires se méfient de plus en plus d’une nouvelle escalade, compte tenu de la balance commerciale positive dont bénéficie le secteur avec la Chine » indique un communiqué du Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union européenne (Copa) et du Comité Général de la Coopération Agricole de l'Union européenne (Cogeca).
Soulignant que « ce n’est pas la première fois que les produits agroalimentaires européens les plus performants sont pris entre deux feux dans des différends concernant d’autres secteurs », le Copa Cogeca appelle la Commission européenne à « veiller à ce qu'il n'y ait pas d'escalade supplémentaire », pour que ce ne soit pas l’agriculture qui « paie une fois de plus la facture des litiges concernant d'autres secteurs ». Le cabinet du ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau indique à la presse que « la visite d’Etat du président de la République en Chine au mois d’avril 2023 et la visite d’Etat du Président Xi Jinping en France les 6 et 7 mai dernier** ont permis des progrès notables dans l’ouverture du marché chinois aux produits agricoles français et un renforcement de la coopération et de la confiance réciproque dans les domaines agricoles et agroalimentaires entre nos deux pays. Ni la France, ni l’Union européenne ni la Chine n’ont intérêt à dégrader leurs relations commerciales dans les domaines agricole et agroalimentaire. »
« À l’ère de la mondialisation, ce n’est qu’en tirant parti des avantages comparatifs que les pays pourront parvenir à un meilleur développement » avertit CCTV, pointant que « même s’il existe une concurrence dans les industries automobiles chinoises et européennes, il existe également une plus grande coopération. Le résultat gagnant-gagnant de cette coopération ne se reflète pas seulement dans l'industrie automobile. » Pour les vignobles charentais et gascons, la diplomatie peut encore désamorcer la spirale infernale.
Coûtant des centaines de milliers d’euros à la filière charentaise (le dossier de l’un des plus importantes maisons de Cognac représente 20 000 pages), l’enquête reste donc pleinement active, avec ses risques de droits de douanes imposés de manière soudaine
* : Supérieures à 2,5 litres.
** : Lors de sa visite d’Etat en France le 6 mai dernier, le président de la République Populaire de Chine, Xi Jinping, s’était engagé à ce qu’il n’y ait pas droits antidumpings provisoires, comme l’a rapporté le président de la République Française, Emmanuel Macron.