our les 60 ans de l’établissement de relations diplomatiques entre la France et la République Populaire de Chine, tous les espoirs des vignobles de Cognac et d’Armagnac se portent sur l’arrêt de l’enquête antidumping ouverte par la Chine ce début 2024 à l’encontre des eaux-de-vie de vin produites en Europe (soit à 95 % les armagnacs et, surtout, cognacs). Alors que le président chinois Xi Jinping a entamé sa troisième visite officielle en France, le seul écho sur ce dossier est une déclaration à la presse du président français Emmanuel Macron : « je remercie le président aussi de son ouverture quant aux mesures provisoires sur le cognac français, et le souhait de ne pas les voir appliquées pour ce qui est des mesures provisoires. » Alors que les experts estiment avant tout que cette enquête antidumping n'a pas lieu d'être et n'est pas fondée, la filière charentaise se montre réservée sur ces déclarations présidentielles. Cognac indique à Vitisphere avoir besoin de précisions sur les modalités pratiques de ces propos pour y voir une avancée : « à cette heure nous ne sommes aucunement capables de confirmer que les échanges [du 6 mai] améliorent la situation du Cognac et diminue le risque auxquels il est soumis sur le marché chinois depuis le 5 janvier » indique un porte-parole charentais. Prudence partagée en Gascogne, un porte-parole de l'Armagnac notant que tant que rien n'est officiellement acté, rien n'est acquis.
Mais officiellement, si le communiqué commun entre la France et la Chine sur la coopération agricole évoque de nombreuses avancées sur les vins*, il n'y a pas la moindre référence à l’enquête antidumping. Tenant de la mesure de rétorsion, cette enquête chinoise répond aux procédures européennes en cours sur les voitures électriques : de quoi pousser les vignobles de Gascogne et des Charentes à demander un apaisement diplomatique sur les sujets commerciaux. Ce qui n’a semble-t-il pas été le cas ce lundi 6 mai lors d’un entretien entre le président français, Emmanuel Macron, le président chinois, Xi Jinping, et la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen. Si les sourires étaient de sortie pour les propos introductifs à cet échange, Emmanuel Macron indique vouloir « partager avec vous en toute amitié et confiance nos convergences et nos préoccupations pour essayer de les surmonter, car l’avenir de notre continent dépendra très clairement de notre capacité à continue à développer de manière équilibrées nos relations avec la Chine, ce qui est notre volonté. »


Plus frontale, Ursula Von der Leyen pose d’abord que « l’Union Européenne et la Chine souhaitent toutes deux entretenir de bonnes relations et compte tenu du poids mondial de la Chine, notre dialogue est essentiel pour garantir un respect mutuel, pour éviter tout malentendu et trouver des solutions conjointes aux défis mondiaux ». Mais la présidente de la Commission hausse le ton en ajoutant que « cette relation est remise en cause par des déséquilibres insoutenables tels que la surcapacité générée par l’Etat, l’accès inégal au marché, les surdépendances qui génèrent des risques pour notre sécurité économique. »
Tenant une conférence de presse à l’issue de cette rencontre, Ursula Von der Leyen reste résolument martiale dans ses propos : « les relations entre l'Union Européenne et la Chine sont complexes, claires et constructives. L’Europe n’hésitera pas à prendre des décisions difficiles ni pour protéger son économie et sa sécurité » car « nous sommes prêts à utiliser tous nos outils de défense commerciale si cela s’avère nécessaire ». Pointant « des déséquilibres [commerciaux ]qui restent importants » entre l’Europe et la Chine, la président de la Commission note que « comme nous l’avons montré, nous défendrons toujours nos entreprises, nos économies, nous n’hésiterons jamais à le faire si cela s’avère nécessaire ». Ursula Von der Leyen épinglant « les produits chinois subventionnés (véhicules électriques, acier…) qui inondent le marché européen, alors que la Chine continue de soutenir massivement ces secteurs » et que la demande chinoise n’augmente plus.
Avant l’entretien, « la Chine envisage depuis toujours ses relations avec l’Europe dans une optique stratégique et de long terme » pose pour sa part Xi Jinping, estimant que « la Chine et l’Union Européenne, deux grands acteurs dans le monde, doivent s’en tenir à leur partenariat, poursuivre le dialogue et la coopération ».
* : Le communiqué conjoint déroule que « les deux parties saluent le renforcement de leur coopération à travers la signature de l’arrangement administratif relatif à la vitiviniculture ainsi que le renouvellement de l’accord portant sur les indications géographiques. Le rapprochement de la France et de la Chine dans le secteur vitivinicole se manifeste également par le soutien de la France à l’adhésion de la Chine à l’organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) au cours de l’année 2024. La France apprécie les efforts déployés par la Chine pour le développement de l'industrie de la vigne et du vin et son engagement pour l'adhésion à l'OIV en 2024 qui est l’année de son 100ème anniversaire ; la partie française souhaite continuer de suivre le développement de l’industrie vitivinicole en Chine et est prête à améliorer conjointement avec la Chine le niveau de développement de l'industrie de la vigne et du vin. De même, les deux parties se félicitent de la reconnaissance en mai 2024 par la législation chinoise des appellations "Mâcon" et "Gevrey-Chambertin". Elles mèneront des travaux conjoints pour essayer de parvenir à l’enregistrement d’autres IG de vins de Bourgogne au cours de l’année 2025. »