i le vin est la plus saine et hygiénique des boissons pour Pasteur, il ne le serait plus dès que sa bouteille perd sa capsule ? « Plus qu’un élément du packaging purement marketing une étude scientifique démontre le rôle protecteur des capsules et coiffes sur les bouteilles de vin et d’effervescent » pose avec assurance un communiqué de presse du premier producteur mondial de capsules, le groupe Crealis. Possédant les marques Sparflex, Muselet Valentin ou Rivercap, le capsulier appelle à « garantir aux consommateurs une sécurité sanitaire irréprochable » en ne se passant pas de capsule ni de coiffe qui « représentent un bouclier hygiénique efficace contre la transmission de bactéries et de moisissures ».
Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, surtout pour réagir à une nouvelle tendance de marché, cette initiative d’un capsulier répond par l’hygiène au développement des cuvées sans surbouchage (allant de petits domaines à de grands négociants, comme Michel Chapoutier) et aux débats animant des appellations (comme la Champagne qui envisage d’obliger la coiffe et suscite une fronde). Si les débats étaient jusque-là centré entre réduction de l’empreinte écologique du packaging, avec la suppression d’un surbouchage facultatif pour les sans capsules, et poids de l’habitude, entraînant un positionnement statutaire pour les pro-capsules, le fournisseur Crealis déplace donc le sujet sur le champ de la sécurité alimentaire.


Commanditée par le capsulier, l’étude réalisée en 2024 par les laboratoires CSI compare des bouteilles nues et surbouchées (sans perforation, voir encadré) qui sont toutes immergées quelques secondes (« sur environ 5-6 cm de sorte que pour les bouteilles avec capsule, le niveau du bouillon de culture n'atteignait pas le bord inférieur du revêtement protecteur » indique le protocole) dans un bouillon de culture bactérien (Escherichia coli et Staphylococcus aureus pour les infections alimentaires) et fongique (moisissures Aspergillus niger, Chaetomium globosum, Penicillium funiculosus, Paecilomyces variotii et Gliocadium virens). S’ensuit le prélèvement microbiologique sur la bague de la bouteille pour le mettre en culture, sachant que « la contamination mise en place dans le laboratoire représente une condition aggravée (test de "pire scénario"*) par rapport au niveau de contamination auquel la bouteille est susceptible d'être exposée dans une situation réelle (par exemple, stockage/manipulation/présentation au point de vente) ».
Résultat : pas de développement de bactéries ou de moisissures pour les prélèvements des bouteilles surbouchées, mais une prolifération visible dès qu’il n’y avait pas de surbouchage. D’où la conclusion du laboratoire CSI pour Crealis : « le test a prouvé le rôle crucial de la capsule dans le maintien de la propreté hygiénique du goulot et du bouchon » et « l'apposition de la capsule constitue une barrière physique qui entrave la contamination microbienne similaire à celle générée par l'opérateur (dans la phase de production/distribution) et par le consommateur (dans la phase d'exposition à la vente), par la diffusion de microbes par voie aérienne (éternuements, toux) ou par contact (par exemple, toucher, tenir) ».


Une conclusion sans appel ? Pas pour ceux voyant plus un coût écologique qu’un intérêt hygiénique dans le surbouchage… Les capsules « ont un rôle purement esthétique » réplique Amélie Petit, la responsable du développement et animatrice de la commission technique du label Vignerons Engagés, qui ajoute que « l’étude commanditée par Crealis n’est pas représentative des usages (le vin ne se boit pas à la bouteille) et des risques de contamination du consommateur. Les bouteilles de vin, comme les autres boissons et les bibs, n’ont pas besoin que leur goulot soit protégé pour protéger le produit. Ça reviendrait à emballer toutes nos bouteilles d’eau, de soda, les cannettes, etc. d’un suremballage pour protéger l’emballage lui-même. Le bouchon (liège, PET, capsule à vis, etc.) est une protection suffisante pour ne pas contaminer le vin. »
« Néanmoins, le protocole a observé la portion critique du col c’est-à-dire celle qui entre en contact avec vin au moment de la consommation » indique à Vitisphere Crealis qui précise que « l’étude CSI s’est uniquement intéressée aux contaminations extérieures du col de la bouteille. L’objectif est de démontrer que la protège la capacité protectrice de la capsule pour faire face à toutes les situations. »


Autre son de cloche peu convaincu d’un négociant préférant rester anonyme : « il n’y a pas de risque hygiénique pour moi, et il n’y en a jamais eu. Le mouvement d’arrêt de la capsule est lancé. Ils paient leur étude, c’est le jeu pour se défendre et faire peur. Je crains que le message porte auprès de certains en grande distribution… Mais qui trempe ses bouteilles dans un bousier ? Ces bains n’existent pas dans le monde réel… Et ils évitent de dépasser la capsule. »
Pour convaincre les adeptes du sans-capsule, le fournisseur Crealis a-t-il d’autre argument technique, sur la protection de l’intégrité du bouchon ou d’un impact sur les flux d’oxygène ? « Ici l’objectif de cette étude est d’observer la barrière en matière d’hygiène, la partie oxygénation n’a pas été observée. Il y a sans doute d’autres rôles protecteurs sur l’intégrité du bouchon à observer » précise le capsulier, ajoutant travailler sur « le volet durabilité » avec « de nouveaux matériaux plus durables et recyclables (comme R-Derma, un polylaminé avec du polyéthylène recyclé à 60%) ». Mais comme pour les anti-capsules, le meilleur déchet reste celui que l’on ne produit pas… Les oppositions semblent irréconciliables.
* : Scénario du pire « afin de mettre à l'épreuve la capacité de protection de la capsule. Si elles protègent les bouteilles dans ces conditions extrêmes, il est garanti qu'elles sont protégées dans des conditions normales » indique Crealis à Vitisphere.
Sont utilisées dans l'essai une coiffe premium, une capsule en PVC thermo et une capsule en polylaminé. "Les coiffes et capsules soumises aux tests n’étaient pas perforées car les bouteilles ont été immergées dans une solution liquide intégrant le bouillon de culture des bactéries et moisissures" indique Crealis à Vitisphere. De quoi limiter les résultats pour les sans-capsules, alors que la majorité des surbouchages de vin tranquilles sont en complexe et perforés, donc n'auraient pas les mêmes résultats. "Effectivement sur le marché, la majorité des capsules sont perforées pour la phase de mise en bouteille. Les coiffes, elles, ne sont pas perforées sauf pour des demandes particulières, mais cela reste très minoritaire" indique Crealis, ajoutant que "lors de l’étude les capsules n’étaient pas perforées car les bouteilles ont été immergés dans une solution liquide pour observer ensuite le développement sur le goulot. Le fait que la dispersion des contaminants se fasse par une solution aqueuse impliquait d’avoir une capsule sans perforation. Aussi, pour rappel ce test de laboratoire a étudié le développement micro bactériologique dans une situation extrême de contaminations. Qui peut plus peut moins dans des situations de conditionnement de stockage et de commercialisation dont les environnements sont très variables."