éunissant ce mercredi 22 mai la filière des vins de Bordeaux à Cap Métiers (Pessac), le préfet de la Gironde, Étienne Guyot, veut évoquer « tout ce qui concerne les conditions de travail, les conditions d’emploi, l’accès à la main d’œuvre étrangère, les conditions d’hébergement, les bonnes pratiques que l’on peut identifier… » Avant la publication d’un guide dédié aux travailleurs, collectivités locales et employeurs ce 15 juin et après une charte d’engagement lancée en 2022 auprès de prestataires de services, la préfecture veut donner plus d’ampleur à la démarche en mettant à jour la charte (voir encadré) et en l’ouvrant aux propriétés viticoles (le château Luchey-Halde est le premier signataire annoncé, sur une grosse vingtaine de signataires) afin de créer une dynamique vertueuse d’autant plus nécessaire que le recours à la prestation explose, avec 550 intermédiaires de travaux agricoles en Gironde sous surveillance, alors que des conditions inhumaines de travail et d’hébergement choquent la filière. « Il y a eu un certain nombre d’affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire, notamment dans le Libournais, avec des entreprises intermédiaires et écran qui ont pu être condamnées. Elles ne sont pas toutes comme ça : heureusement » réagit Étienne Guyot.
En 2023, sur 200 contrôles d’emplois saisonniers en Gironde, 30 ont donné lieu à des procédures (dont 19 pour PV de travail illégal) rapporte Thierry Bergeron, le directeur départemental de l'emploi, du travail et des solidarités de la Gironde (DDETS Gironde). « On parle de certains faits délictueux, mais ils sont très peu nombreux au regard de l’ensemble des démarches vertueuses » souligne Aurore Le Bonnec, secrétaire générale de la préfecture de la Gironde. Soulignant qu’« il est nécessaire de revaloriser l’image avec l’ensemble de la profession », la sous-préfète de l’arrondissement de Bordeaux note qu’avec la réunion de la filière, « c’est l’occasion pour nous de dire toute la confiance que l’on apporte aux entreprises du secteur, les châteaux qui ont une volonté de bien faire et ont l’impression d’être toujours montré du mauvais côté ».


Avec une dizaine de signataires s’ajoutant aux huit premiers de 2022, Thierry Bergeron note que « pour conduire le changement, il faut d’abord s’appuyer sur les 10 % d’entreprises qui veulent bouger et ne pas chercher à faire avancer tout le monde de suite. Nous cherchons l’effet de levier. » Revendiquant « une démarche volontaire » pour « faire boule de neige », Étienne Guyot prévient qu’il fera tous les ans un point sur son plan d’action pour « que l’on monte en puissance ». Le premier enjeu étant la pédagogie, Thierry Bergeron rappelant qu’« un employeur passant par un prestataire n’a pas une absence de responsabilité à passer un simple contrat de prestation de services » et indiquant qu’« il ne faut pas sous-estimer le défaut d’information des châteaux et prestataires » ne connaissant pas toutes les procédures (la préfecture a ouvert une adresse mail spécifique pour répondre aux interrogations).
Ni toutes les démarches de facilitation du recrutement, comme la déclinaison locale de l’accord national entre Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Office Immigration et de l’Intégration (OFII) et l’office national pour l’emploi du Maroc (l’Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences, ANAPEC). Le préfet annonce ainsi « la garantie pour les entreprises signant cette charte d’avoir un accès prioritaire aux services de l’État [pour bénéficier de cet accord avec les autorités marocaines et français] avec un dispositif qui permettra de sécuriser les conditions d’emploi, d’améliorer les offres de logement. C’est cette logique là que je veux promouvoir : participer à l’attractivité de la filière, qui peine à recruter. »
Concrètement, « le partenariat avec ANAPEC vise à sécuriser cet accès à la main d’œuvre étrangère et à filtrer ces intermédiaires qui n’auraient pas les bonnes pratiques » ajoute Aurore Le Bonnec, qui y voit la garantie d’« un vivier de personnes qui rentrent en bonne et due forme sans avoir été préalablement hackées par ces entreprises. Et de pouvoir bénéficier d’un vivier récurrent qui permettrait d’avoir de la main d’œuvre formée, habituée à venir et à repartir dans son pays » selon un mouvement pendulaire.
« Au-delà des exigences légales et réglementaires, les entreprises viticoles s’engagent dans l’amélioration des conditions d’emploi et de travail de leurs salariés et affirment leur volonté d’améliorer la communication en direction des services de contrôle et des entreprises vitivinicoles » pose la charte dans sa version 2024. « Cette charte, qui poursuit un objectif structurant du secteur, restera volontairement ouverte » et propose :
Sur le recrutement : « engager des actions en faveur de l’insertion professionnelle et de la formation enpartenariat avec les services de l’Emploi, de l’Éducation et de l’Agriculture. Informer les salariés de leurs droits et obligations dans leur langue d’origine à l’aide des documents disponibles sur le site du ministère du Travail. Limiter le recours aux entreprises de prestation de services dont le siège social est situé à l’étranger. En cas de recours, communiquer le nom et les coordonnées de l’entreprise aux services de la DDETS. »
Sur les conditions de travail : « s’engager dans une démarche exigeante de santé, d’hygiène et de sécurité au travail avec l’accompagnement de la DDETS et de la MSA. Collaboration entre les entreprises viticoles donneuses d’ordre et les entreprises de prestations viticoles pour l’accueil, les bonnes conditions de travail et l’information des salariés lorsqu’ils arrivent en entreprise ou sur une exploitation. Être attentif aux conditions d’hébergement des salariés et transmettre les déclarations d’hébergements collectifs lorsqu’elles sont obligatoires. Rester vigilant dans le transport des salariés et rechercher des solutions adaptées lorsque les salariés ne disposent pas de leur propre moyen de transport. »
Sur les engagements des entreprises viticoles : « rédiger un contrat de prestation de service définissant les obligations du prestataire de service. Sa signature engage l’entreprise viticole donneuse d’ordre à: contrôler le respect des obligations sociales ; contrôler le respect du salaire minimum ; l’obligation de vigilance en matière d’hébergement collectif ; contrôler le respect de la législation du travail ».
Engagements des entreprises de prestation de services viticoles : « exécuter le contrat de prestation de services en limitant le recours aux sous-traitants. Informer l’exploitation viticole en cas de recours à des sous-traitants dans le cadre de la prestation objet du contrat et fournir au donneur d’ordre la liste des entreprises sous-traitantes. Produire un engagement écrit envers le donneur d’ordre attestant des éléments suivants : l’ensemble du personnel est en situation régulière, est déclaré et dispose d’une rémunération respectant le cadre légal ; les dates figurant sur les autorisations sont valides et conformes ; la déclaration auprès de la MSA a été réalisée et mise à jour au cours des 6 derniers mois. En référence à l’annexe 1 du guide d’engagements réciproques du CIVB (avril 2021) : la liste des salariés à jour ; Les autorisations de travail sont valides est conformes.- Les copies des DUE (Déclaration Unique d’Embauche) sont effectives. S’assurer de la connaissance par le donneur d’ordre de ses obligations et de sa responsabilité lorsqu’il a recours à un prestataire de services (document DDETS). »