as de visite présidentielle au pavillon des vins ce samedi 24 février à l’occasion d’une inauguration particulièrement mouvementée du salon de l’Agriculture d’Emmanuel Macron, mais deux annonces concernant particulièrement la filière : un plan d’urgence à la trésorerie agricole (voir encadré) et un travail de prix plancher (dans la lignée des annonces du premier ministre, Gabriel Attal, ce 21 février*). Notant lors de ces échanges vifs qu’« il y a deux choses qui ne marchent pas sur Egalim », Emmanuel Macron relève « la première, c'est qu'il y a des filières qui n'ont pas d'indicateurs, mais surtout parce que le rapport de force n'est pas le bon ».
Affirmant que dans l’exécutif « on ne va pas se tourner les pouces ou se les gratter », Emmanuel Macron annonce que « d'ici à 3 semaines, on rentrera encore plus en détails, moi, je prends un engagement ici. Il y aura un prix minimum, un prix plancher. C'est-à-dire que l'indicateur qui est défini dans une filière, on va repartir sur la construction du prix de l'avant, ce sera un prix plancher en dessous duquel le transformateur ne peut pas l'acheter et donc en dessous duquel, après, derrière, le distributeur ne peut pas vendre. C'est ça qui manque. »
Précisant que cela concernera « toutes les filières qui acceptent d'être dedans » (« on va rentrer dans un dialogue avec toutes les filières, parce que c'est vrai qu'il y a des filières qui n'ont pas voulu aller dans Egalim**. Il n'y en a pas beaucoup. Je ne veux stigmatiser personne. »), le président veut dissiper la crainte surgissant immédiatement dans le monde agricole dès que l’on parle de prix plancher : la création d’un prix plafond au-dessus duquel il sera impossible d’aller et qui n’évoluerait pas dans le temps. À une représentante syndicale l’interpellant sur ce sujet, le chef de l’État réplique « non, mais le prix plancher il va être discuté filière par filière, comme votre indicateur l'est aujourd'hui. Et donc, il regarde de manière très claire les choses comme elles se constituent. »


En conférence de presse à l’issue de cette rencontre de deux heures, Emmanuel Macron précise son calendrier : d’abord des réunions avec syndicats/interprofessions/filières d’ici trois semaines à l’Élysée, afin que « nous puissions avoir justement filière par filière, ces prix plancher et que, dans un texte de loi qui viendra dans les prochains mois, Egalim et la loi de modernisation de l'économie soient modifiées en ce sens. C'est dans quelques mois. Mais les négociations commerciales viennent de s'achever il y a quelques semaines. Donc, il faut que ça puisse couvrir celle de l'année prochaine. Ce sera le cas. » Le président martelant : « il faut qu'on aille vers un prix plancher. Point. »
Précédant l’annonce du président de la République en saisissant celle du premier ministre, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) appelle justement de ses vœux un renforcement de la loi Egalim et de ses indicateurs pour aller dans ce sens. Dans une lettre envoyée ce vendredi 23 février à Gabriel Attal, les élus du CIVB*** indiquent partager la nécessité de « la construction du prix en marche avant, du producteur vers la grande distribution. Cette construction de l’amont vers l’aval permet la prise en compte des différents intervenants conduisant le vin au consommateur et l’intégration juste de leur rémunération dans le prix final. »
Ayant déjà récemment affirmé leurs souhaits d’évolutions réglementaires sur Egalim, les élus du CIVB semblent voir les planètes s’aligner pour mettre un terme « la vente à perte » et se déclarent « prêts à expérimenter dans le périmètre de notre interprofession et avec nos indicateurs, ces évolutions législatives à venir ». Leur lettre affirmant « le rôle central des indicateurs des coûts de production dans la formation du prix. Cette prise en compte plus affermie dans le contrat amont permettra une meilleure prise en charge dans le chainage des contrats suivants organisé par les lois Egalim. »
Alors que les mobilisations vigneronnes se multiplient en Gironde sur la juste rémunération du vin en vrac (des manifestations du collectif Viti 33 qui travaille à des orientations de prix par organisation de producteurs à la FDSEA 33 annonçant surveiller les transactions à moins de 1 000 €/tonneau), le vignoble bordelais est à la pointe du sujet Egalim comme elle vient d’y être appliquée pour la première fois ce jeudi 22 février, avec la condamnation par le tribunal de commerce de Bordeaux des négoces Cordier et Ginestet à 350 000 € d’amendes pour l’achat à prix abusivement bas de vin en vrac au vigneron médocain Rémi Lacombe. Ce dernier ne cache pas son scepticisme face aux déclarations de l’interprofession bordelaise, à laquelle il reproche de ne pas avoir été présente lors de son audience, comme partie prenante ou simple auditrice.
Avec son avocat parisien, maître Louis Lacamp, il indique à Vitisphere que la lettre du CIVB « donne l’impression que l’interprofession de Bordeaux tente de faire oublier plusieurs années d’inaction ». Alors que l’interprofession veut contribuer à la création d’indicateurs, Rémi Lacombe et Louis Lacamp affichent leurs réserves : « faut-il rappeler qu’il appartenait déjà à l’interprofession de mettre en place des indicateurs de coûts de production, et que plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la Loi Egalim, elle n’a publié aucun indicateur, contrairement à de nombreuses autres filières ? Ces indicateurs étaient dans l’intérêt exclusif des agriculteurs, et force est de constater que rien n’a été fait. » Alors que l’argument de l’imprécision de l’article 442-7 du Code de Commerce a été soulevé par les deux négociants qu’il attaquait lors de l’audience, Rémi Lacombe se déclare « méfiant quant à la future construction de ces indicateurs de coût de production puisque, au regard de leur importance, ceux-ci devront être établis en parfaite objectivité – l’intervention d’une autorité de contrôle externe apparaît indispensable. »


Ayant fixé le cap de prix planchers dès la prochaine campagne de négociations avec la grande distribution, Emmanuel Macron précise lors de son débat agricole que « ça va avec une compétitivité » de la filière agricole française. Et de l’illustrer : « on renforce [l’exonération pour les saisonniers agricoles] TODE, les allègements de charge, et on lui donne de la pérennité. On a maintenant consolidé le fait que vous continuerez à avoir les allègements sur le GNR. On va continuer des simplifications, pour vous donner de la compétitivité et tenir des prix bas, parce que vous l'avez dit. La bonne réponse, c'est aussi de vous rendre compétitifs. » Comme le montre le bouillonnement des participants syndicaux à ce débat, le monde agricole ne veut pas le croire, mais le voir.
* : Lors de sa conférence de presse à Matignon ce 21 février, Gabriel Attal déclarait qu’« un nouveau projet de loi sera présenté au Parlement d’ici l’été pour rééquilibrer encore les choses » sur Egalim, « d’abord sur la construction du prix en marche avant. On ne peut pas accepter, cela avait été dit par Bruno Le Maire [ministre de l’Économie], qu’un industriel conclut un prix avec un distributeur avant de se retourner vers le producteur pour lui imposer ce prix. La construction du prix, cela doit partir du producteur et de l’industriel avant d’aller vers la grande distribution. C’est le premier levier sur lequel nous voulons avancer et changer la loi pour que cela soit effectif. Ensuite, la place des indicateurs de couts de production. Ils existent mais ils doivent être plus centraux de la construction des prix. »
** : Interrogé par Vitisphere en fin d’année sur le sujet de la mise à part du vin d’Egalim, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau répondait : « ça n’a pas été le choix de la filière viticole. Je veux bien le remettre sur la table, mais je ne ferai pas contre la filière viticole. Il faut toujours se reposer les questions dans les périodes de crise. Cette idée peut être mise sur la table, Egalim pose la question de la valorisation par la marche avant du coût. » À noter que face à la question du prix plancher, soulevée par exemple à l’Assemblée Nationale le 23 janvier dernier par la députée Mathilde Hignet (Ille-et-Vilaine, La France Insoumise) demandant « allez-vous enfin leur garantir des prix rémunérateurs, par l’instauration de prix planchers, comme nous l’avons proposé en novembre dernier ? », le ministre Marc Fesneau (député Modem d’Indre-et-Loire) répondait « je prends mes responsabilités et je vous invite à prendre les vôtres, pour que nous trouvions le juste prix et la juste rémunération. »
*** : Les signataires sont Allan Sichel, président du CIVB, Bernard Farges, vice-président du CIVB, Lionel Chol, président de Bordeaux Négoce, et Jean-Marie Garde, président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB).
« Dès lundi, qu'est-ce qu'on lance ? Un recensement, dans chaque région, des exploitations qui sont en difficulté et qui sont plantées. Et donc, on va mettre en place un système au cas par cas » annonce le président de la République, pour qui « on va lancer un plan d'urgence trésorerie qui, d'ailleurs, ne se limitera pas forcément à l'agriculture parce qu'on a quelques secteurs de l'artisanat aussi qui sont touchés. » Dans l’immédiat, « on réunit, au niveau national, MSA, toutes les banques, les systèmes d'assurance, etc., tous les acteurs, pour leur mettre la pression, leur dire : maintenant, on rentre dans un système d'urgence » car « après, on accompagne financièrement le modèle économique. Mais on ne peut pas se dire : il y a une urgence et on laisse sans réponse. Donc, ça, c'est le plan qu'on met en place. Dès lundi, les ministres réunissent l'ensemble des acteurs sur ce volet » car « on n'a pas défendu notre économie pendant le Covid en se mobilisant pour dire : là, on a la guerre en Europe avec des conséquences sur nous et on va laisser tomber. Donc, on mobilise tout le monde au niveau national, et après, donc ça, on va définir un cadre national, des règles avec des systèmes de garantie, et après, on va chercher au niveau local, au cas par cas. »