olant toujours en escadrille selon la gracieuse formule du président Jacques Chirac, les emmerdes n’ont pas épargné la filière de Cognac, qui vient de vivre trois années pour le moins secouées (taxes Trump, blocage de la crise covid, gel en 2021, grêle en 2022, inflation causée par l’invasion russe de l’Ukraine, crainte sur les approvisionnements en gaz, arrêt du marché russe : cinquième destination export…). Une succession de crises exceptionnelles qui ont chahuté les performances export de l’eau-de-vie charentaise et marqué le mandat de Christophe Veral et Alexandre Gabriel, respectivement président et vice-président du Bureau National Interprofessionnel Cognac (BNIC), qui quitteront leurs fonctions ce vendredi 24 novembre au terme de l’élection du nouveau bureau de l’interprofession charentaise. Faisant état d’une « merveilleuse expérience » et d’une chance d’être « l’ambassadeur de la plus belle eau-de-vie au monde », Christophe Veral, salue les élus et salariés d’un « Bureau national incroyable, c’est la suite de nos exploitations et négoces ». Au final, « on a tous bossé et mouillé la chemise » ajoute Alexandre Gabriel, qui fait état de « trois années de défi. La région en ressort plus solide ».
Alors que les nuages menaçants s’amoncellent, Christophe Veral ne fait pas dans la langue de bois : « on va avoir des baisses [de ventes] sur 2023 et 2024, ça sera compliqué. Mais 2021 et 2022 ont été des années exceptionnelles. 2023 sera mauvais et 2024 sera compliqué, dans un contexte mondial pour tous les vins et spiritueux. » Alors que des anciens rappellent la décennie noire de surproduction chronique de 1990 (aboutissant en septembre 1998 au blocus de la ville de Cognac), le président du BNIC réagit par la dédramatisation : « aujourd’hui, c’est un peu se faire peur avant d’avoir mal. On est dans un creux, on remonte tranquillement. Cognac se projette, mais je ne commande pas l’économie mondiale. »
Passer les 2 à 3 années à venir qui s’annoncent difficiles
Dans l’immédiat, « il faut dire les choses, les deux à trois années qui viennent vont être délicates. Il ne faut pas de langue de bois, il y a toujours eu des cycles, la passe sera difficile » confirme Alexandre Gabriel, pour qui le Business Plan de l’interprofession permet de prendre le recul nécessaire au pilotage de la filière (rendements annuels et autorisations de plantations nouvelles) : « il ne faut pas surréagir, mais être prudent. On se remet sur les points d’appui et on se redéploye » en mettant à profit « les années fastueuses pour passer les 2 à 3 années à venir qui s’annoncent difficiles, c’est sûr. »
Prônant l’esprit de corps, Christophe Veral mise sur la création de valeur de la filière charentaise et de son écosystème pour « passer collectivement ce petit trou d’air. On va travailler ensemble comme on le fait depuis 15 à 20 ans, dans les bons comme les mauvais moments. On va être dans le dur, mais on ne baisse pas l’échine. » Au contraire, le BNIC poursuit son engagement sur le développement durable (interdiction du pompage d’eau de nappes phréatiques, distillation à la vapeur, développement de la Certification Environnementale Cognac… mais aussi protection économique avec la fin des vignes éponges), la recherche et le développement (auquel est dédié le nouveau siège du BNIC pour accélérer l’adaptation au changement climatique et à la transition agroécologique)… Le tout avec la foi dans son avenir commercial : sur les 20 dernières années, la croissance moyenne annuelles des volumes de Cognac vendus s'élève à 3 % pointe Alexandre Gabriel, notant que Cognac repose sur deux pays actuellement chahutés, mais à fort potentiel de reprise : les États-Unis (en normalisation avec des stocks désormais au plus bas après une activité historique en 2021-2022) et la Chine (dans le flux et reflux depuis le covid, espoir).