n concentrant 45 % de sa population dans l’agglomération de Santiago, le Chili se distingue par une concentration marquée de sa consommation de vins dans la capitale et une paire de grandes villes. La consommation d’alcool y suit une augmentation continue depuis plusieurs années (+53 % des ventes volume entre 2012 et 2022), principalement tirée par la bière, « dont la popularité ne cesse d’augmenter auprès des chiliens, et qui gagne des parts de marché sur les vins et spiritueux », situe Violaine De Neef, chargée d’affaires Agrotech pour Business France au Chili. La consommation de bière atteint ainsi 59 L/hab/an quand celle du vin a baissé de 9,6 % depuis 2021 pour se fixer à 11,7 L/hab/an.
Si les chiliens sont tombés amoureux du spritz et importent plus de Prosecco que de champagnes, la consommation des vins reste très largement centrée sur les vins tranquilles, dont plus de deux tiers de vins rouges (67 %). « La consommation de vins tranquilles a tendance à diminuer en volume, mais progresse en valeur, avec une dynamique importante au niveau des effervescents, au premier rang desquels figure le prosecco », enchaîne Violaine De Neef. Depuis l’arrivée de l’Aperol dans le pays en 2013, la consommation de spritz a explosé dans le pays, faisant passer les importations d’Aperol de 600 caisses à 45 000 cinq ans plus tard.
A noter également le positionnement de la boisson nationale, le pisco (une eau-de-vie de vin), qui se classe au 3ème rang des boissons alcoolisées les plus consommées dans le pays, après la bière et le vin. La pandémie a marqué des évolutions dans les habitudes de consommation des chiliens, avec une progression de la mixologie et des bières, la marché des vins ayant tendance à aller vers plus de premiumisation, « même si les briques de vin restent populaires dans la distribution des entrées de gamme », poursuit le conseillère Business France basée à Santiago, avant de préciser que « face à la concurrence des autres boissons, le marché du vin doit s’adapter pour gagner en popularité auprès de jeunes consommateurs ».
Le marché local des vins tranquilles est dominé par les vins de cépages locaux. « Le storytelling autour du produit est essentiel alors que les générations plus jeunes voient le vin comme un produit sophistiqué. Les producteurs chiliens font donc beaucoup d’efforts de diversification d’entrées de gamme, d’assemblages avec des packagings innovants », décrit la conseillère Business France. Les influenceurs sont peu présents mais les partenariats avec des chefs de cuisine et la présence dans les magazines spécialisés sont les meilleurs moyens d’accroitre la notoriété d’un produit.
6ème producteur mondial en 2022, le Chili exporte 64 % des volumes de vins qu’il produit, « mais des marchés d’exportation majeurs tels que Chine (-36 %), Royaume-Uni (-40 %) ou Japon(-25 %) sont en forte diminution », ajoute Violaine De Neef. Le Chili a dans le même temps tendance à diminuer ses importations de vins, dominées en volume par les productions venant d’Argentine, Italie et Espagne. Les exportations de vins tranquilles français vers le Chili sont néanmoins quatre fois supérieures aux mêmes chiffres il y a 10 ans, situe Business France. Très peu marqué par l’inflation et sans récession monétaire, le marché chilien des vins peut se révéler intéressant pour des vins français encore réservés à une part plus aisée de la population, en particulier les effervescents. Les champagnes et autres vins mousseux ont généré la moitié des volumes de vins français importés en 2022 au Chili.
Les points d’entrée d’importation des vins sont concentrés à Santiago, « avec un rôle de la grande distribution non-négligeable, car ils sont bien positionnés sur le qualitatif », indique Violaine De Neef. La chaîne de supermarchés Jumbo figure ainsi parmi les importateurs majeurs de vins. Les importateurs sont de différentes tailles, possiblement eux-mêmes distributeurs ou petits opérateurs spécialisés. Certains producteurs chiliens peuvent également compléter leur gamme en important des vins étrangers, pratique assez courante pour les champagnes. Violaine De Neef souligne que « les chiliens peuvent avoir le sentiment de vivre dans un pays assez isolé du reste du monde, les importateurs apprécient donc beaucoup que les opérateurs viennent à leur rencontre, ça peut grandement faciliter le business ».
La consultante de Business France précise également que les points où trouver des vins français se concentrent dans les quartiers le plus aisés de Santiago. Autre point notable facilitant la pénétration de ce marché, « il n’y a pas de droits d’accises au Chili pour les vins, champagnes, cidres et bières, mais une taxation nommé "ILA" qui atteint 20,5 %, à laquelle vient s’ajouter la TVA, 19 % du prix de la bouteille », rappelle Business France. Même chose pour les cognacs et autres spiritueux, la ILA atteignant alors 31,5%. Les exportations de cognac vers le Chili ont doublé en 10 ans, où les grandes marques sont présentes. La consommation de cognac reste néanmoins cantonné à des cercles privilégiés quand les autres spiritueux surfent sur la vague de l’intérêt de la population pour la mixologie.