e raisin de cuve – contrairement au raisin de table – est l’un des rares fruits non lavés avant sa transformation, notamment à cause du risque de mouillage. Or, le lavage des fruits les débarrasse de leurs éventuels résidus de pesticides. Partant de ce constat et pour répondre à la demande sociétale, l’IFV travaille sur ce sujet depuis quatre ans. Ces essais confirment que le lavage des raisins réduit fortement la quantité et le nombre de résidus de produits phyto dans les vins.
« Nous avons travaillé sur des lots de 10 à 15 kg que nous avons lavés selon plusieurs méthodes, notamment par aspersion d’eau, immersion statique dans l’eau, immersion dans un bain avec brassage au gaz et immersion dans un bain soumis à des ultrasons, explique Magali Grinbaum, responsable des analyses de résidus à l’IFV. On a immergé ces lots manuellement et changé l’eau du bain après chaque lot pour que les lavages restent efficaces car l’eau se concentre petit à petit en résidus. »
Bilans des essais : l’immersion s’avère plus efficace que l’aspersion, et parmi les différentes techniques d’immersion, c’est celle avec le brassage au gaz qui est la plus performante.
« On obtient également des vins avec moins de résidus quand les baies ont été vendangées mécaniquement plutôt que manuellement. En lavant de la vendange mécanique dans un bain avec bullage, on peut éliminer certaines molécules jusqu’à 95 % », se réjouit Magali Grinbaum. Et pour cause, les résidus se retrouvent concentrés puis éliminés dans les jus de bennes. Un résultat obtenu après avoir égrappé des raisins que l’on a laissés macérer dans un peu de jus pour simuler une vendange mécanique.
Le séchage est lui aussi primordial et délicat. « Pour bien sécher, il faut bien égoutter les baies de façon statique et/ou avec une table vibrante ou encore utiliser une soufflerie. Sur de la vendange éraflée et en bon état, ça fonctionne plutôt bien alors que c’est plus compliqué sur de la vendange entière. Toutefois, si le séchage est bien réalisé, le lavage des raisins ne montre pas d’impact qualitatif sur le vin. »
En revanche, si les baies issues de la vendange éraflée ne sont pas totalement intactes (baies délitées), alors c’est très compliqué de les sécher : il y a un risque de mouillage avec des écarts allant de 1 à 2° d’alcool en moins que ceux vinifiés avec des raisins non lavés, ce qui modifie les caractères organoleptiques, met en garde Magali Grinbaum.
Yannick Ordonneau, responsable commercial d’Amos Industrie, est catégorique : « On sait sécher les baies entières et intègres que l’on recueille grâce à notre Tribaie. En revanche, on ne sait pas sécher les grappes entières : donc on s’expose à un problème de mouillage si on les lave. »
Tribaie est un appareil de tri densimétrique. Si sa première fonction est de trier les baies selon leur densité, en les faisant passer dans un bain d’eau sucrée il élimine du même coup des poussières et des résidus de pesticides. « On ne peut évidemment pas garantir que tous les résidus de pesticides sont éliminés, mais la présence de certaines molécules telles que le cuivre diminue après le passage dans le bain densimétrique, assure Yannick Ordonneau. Pour éviter que ce bain se charge en résidus, nous avons trouvé une solution : traiter l’eau avec Flowpure, une fibre végétale micronisée développée par Laffort qui absorbe les résidus de pesticides, et une filtration tangentielle. » Une solution « un peu lourde », reconnaît-il.
Philippe Baillarguet, maître de chai aux Vignobles Vauthier, dispose de trois Tribaie pour son vignoble de 80 ha : « Nous sommes en bio et travaillons principalement avec le soufre et le cuivre. Nous avons moins de bourbes, moins de lies et une plus grande pureté aromatique grâce à ce système. En plus de trier la vendange, le bain la débarrasse de la terre, de la poussière et diminue les résidus. Seul bémol : on doit le renouveler tous les jours, ce qui représente 700 à 800 litres d’eau, mais surtout 120 kg de sucre par jour ! On cherche un système de filtration pour le recycler et ainsi économiser l’eau. »
Plaimont y travaille aussi. Cette coopérative teste deux prototypes de tables de lavage de grappes entières de Pera-Pellenc dans son chai expérimental : une table de lavage avec aspersion puis séchage par une soufflerie ; une table avec une pré-aspersion, un bain de lavage avec bullage – modification apportée cette année par Pera-Pellenc compte tenu des résultats de l’IFV – et une soufflerie. « Les résultats sur l’élimination des résidus sont encore confidentiels », précise Élodie Gassiole, responsable R & D.
S’agissant des eaux de lavage, « pour le moment, nous les récupérons dans une cuve afin de nous en servir par la suite pour nettoyer le sol et tout ce qui n’est pas en contact avec le raisin, précise Élodie Gassiole. Parallèlement, nous testons des filtres en vue de les épurer et de les réutiliser ».
Dans le cadre de son étude sur le lavage des raisins, l’IFV a suivi 14 matières actives. Aucune d’elles n’est totalement éliminée par le lavage. Certaines molécules comme le fluopyram ou le pyriméthanil, le sont même très peu. Et pour cause : elles passent dans la pulpe. De même, le lavage n’a pas eu d’impact sur l’acide phosphonique. En revanche, l’IFV a quasiment éliminé le fenhexamide, le diméthomorphe et la fenpyrazamine par lavage avec brassage au gaz, obtenant une réduction de ces matières actives respectivement de 95, 85 et 84 %. Quant au cuivre, son taux d’élimination est de 50 %. Des résultats prometteurs !