assant à 41 hl/ha en rouge et rosé, les rendements 2023 de l’appellation Côtes du Rhône chutent de 10 hl/ha et 20 % par rapport à 2022. Pour les Villages, la baisse atteint 14 % (de 44 à 38 hl/ha). Une décision arrêtée par le conseil d'administration du Syndicat Général des Vignerons des Côtes du Rhône (29 600 hectares en appellation Côtes du Rhône et 8 600 ha en AOC Côtes du Rhône Villages), présentée ce 12 juillet en assemblée générale et… rejetée par certains dans le vignoble rhodanien. « C’est catastrophique » se désolé Laurent Schneider (domaine du Palis à Vaison La Romaine, 35 ha en bio et HVE). S’il est vice-président de la cave coopérative des Vignerons de Villedieu Buisson (40 000 hl dans le Vaucluse), le viticulteur précise prendre position en son nom seul. Ayant eu un projet de lettre ouverte destinée au syndicat sur les rendements 2023, Laurent Schneider a pu constater que la grogne existe, mais que le courage de l’afficher s’évanouit rapidement.
« J’ai le courage de mes opinions. J’assume ce que je dis » coupe Laurent Schneider, qui regrette une décision trop radicale pour réguler l’offre et la demande. « Réduire aveuglément et sans discernement les rendements pénalise d’abord les viticulteurs performants qui ont investi dans la productivité qualitative du vignoble, dans l’amélioration technique, dans leurs unités de vinification, dans des certifications… » explique le viticulteur. Évoquant une « fragilisation injuste », Laurent Schneider note qu’avec un rendement moyen de 41 hl/ha en AOC Côtes du Rhône en 2022, cette baisse de rendement va être « une double peine : on a investi, on s’est endetté, on a des trésoreries fragiles… On a toujours collé au marché et on va moins produire », alors que l’« on a vendu nos millésimes 2021 et 2022. En 2023, on perd 20 % de matière sur des marchés que l’on avait. Ça fait très mal. On va perdre des clients et l’on sait combien il est difficile d’en trouver. »
Dépassant le vignoble de la vallée du Rhône, ce débat touche toute la filière vin alors que la déconsommation de vin pèse autant sur son présent (arrachage, distillation…) que son avenir (avec de nouvelles projections pessimistes). Face à la distillation de crise, Michel Chapoutier, le président de l’Union des Maisons et Marques du Vin (Umvin), proposait de réfléchir à des rendements différenciés, limités par exemple pour les opérateurs distillant au-delà d’une certaine quantité et maintenus pour les autres : « il serait normal que ceux qui distillent réduisent leurs rendements, mais que cela n’affecte pas ceux qui n’ont pas besoin de distiller. Sinon c’est la double sanction pour ceux qui ont des marchés : ils voient les prix baisser et ils doivent réduire leurs rendements, ce qui risque de les déséquilibrer, en les amputant d’une partie de leur activité commerciale et donc, de leur revenu. »


Président de la fédération des vins à IGP, Gérard Bancillon estime que « réduire les rendements est idiot : c’est rendre plus pauvre ceux qui sont dans la misère et rendre moins performants ceux qui marchent bien. Que chacun produise selon ses capacités de mise en marché et selon les tendances de consommation. Il n'y a que ça qui marchera. » Partageant ces analyses, Laurent Schneider souligne que dans le vignoble rhodanien « on parle depuis 10 ans d’excédents structurels, de 100 000 hl/an : fallait-il autant attendre ? Ça n’aurait pas été populaire, mais plus dure est la chute. Il y a un débat à ouvrir. » Un débat qui ne sera pas consensuel en effet. « Il y a besoin de mesures de réguler l’offre et la demande. On trouve des volumes qui sont indignes de l’appellation. Avec la problématique d’unités de vinification pique-assiettes, qui n’investissent pas dans leur outil de vinification et dont les frais sont au ras des pâquerettes pour brader ensuite » conclut Laurent Schneider.