istoriquement 1er de cordée des coups de sécateurs à l’arrivée de chaque nouveau millésime, le domaine du Champ des Sœurs de Fitou est cette année détrôné, à un jour près, par son quasi voisin roussillonnais du domaine Lafage, dans les Pyrénées-Orientales. Ce sont des bases pour vins effervescents qui sont récoltées dès ce 2 août par le domaine perpignanais. « Nous démarrons toujours avec ce muscat petits grains autour de 10-11% vol. alc. qui rentre dans nos bases pour nos vins frizzante. A ce niveau de maturité, il exprime un profil très thiolé que nous souhaitons plutôt que l’expression terpénique », décrit le propriétaire Jean-Marc Lafage. Si son muscat ouvre le bal de la quinzaine d’hectares qu’il dédie à ses bases pour vins effervescents, il reste dans les clous des dates de récolte habituelles pour ce type de vin.
C’est plutôt Laurent Maynadier, propriétaire du domaine Champ des Sœurs, qui revient cette année vers une plage de récolte moins exceptionnelle que les dernières années, où il avait du sortir les sécateurs dès la fin du mois de juillet (record absolu en 2022, le 25 juillet). Dans les Pyrénées-Orientales, le domaine de Rombeau démarre également le 3 août la récolte pour élaborer ses vins de base pour effervescents. S’il reste bien placé dans le trio des récoltants français les plus précoces avec sa parcelle de muscat très frais de la zone littorale, Laurent Maynadier marque cette année bien moins d’enthousiasme au regard des importantes pertes liées à la sécheresse dans son secteur. « Cette parcelle d’1,5 ha nous apporte normalement autour de 70hl pour un muscat à 11% vol au profil très frais, cette année, ce sera plutôt autour de 10 hl », déplore-t-il.
Disposant de parcelles dans différents secteurs des Pyrénées-Orientales, Jean-Marc Lafage confirme que « la partie basse de la vallée de l’Agly est la plus concernée, où même les grenache et carignan, qui affichent le plus de capacités de résistance à la sécheresse, sont touchés ». Le vigneron perpignanais explique qu’avec moins de 200 mm de pluie en 12 mois, l’aridité du climat roussillonnais « équivaut à la Jordanie, un endroit où la vigne n’est pas cultivable », rappelle-t-il. Brice Cassagnes, président de la cave coopérative de Rivesaltes Arnaud de Villeneuve, ajoute qu’à l’échelle du département, où les rameaux des vignes des secteurs asséchés ne dépassent pas 30 cm, « on se prépare à une demi-récolte par rapport à une année passée qui n’était pas énorme, avec déjà l’inquiétude des conséquences pour 2024, car le faible feuillage ne va pas permettre une bonne mise en réserve de la plante ».
Le conseiller viticole et œnologue de l’ICV Laurent Duret salue toutefois la venue bienfaitrice « de 40 à 60 mm de pluie il y a une semaine, qui a reboosté la maturation des plus précoces ». Les vignerons confirment que cette eau a regonflé les baies et homogénéisé les véraisons et maturations. « Cet effet n’est en revanche pas marqué sur les cépages plus tardifs. Le faible feuillage et la véraison lente font craindre des maturités difficiles à atteindre pour certaines vignes », relance Laurent Duret. Avec la persistance de la sécheresse, certains secteurs devront même récolter à sous-maturité pour conserver des raisins.
Plus au nord, dans l’ouest héraultais, la coopérative des Vignerons du Pays d’Ensérune commencera la récolte dès le 7 août sur les profils très thiolés de muscat et sauvignon blanc, et les gardois de la cave d’Héraclès le 10 août.