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Les pluies incessantes, le manque de produits efficaces ou de main-d'oeuvre ont favorisé le mildiou
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Causes multiples
Les pluies incessantes, le manque de produits efficaces ou de main-d'oeuvre ont favorisé le mildiou

Dans le Bordelais et dans le Languedoc, des viticulteurs sont à nouveau confrontés à de fortes attaques du mildiou. Les pluies incessantes, le manque de produits efficaces ou de main-d’œuvre sont les principales causes des échecs qu’ils rencontrent.
Par Colette Goinère Le 07 juillet 2023
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Les pluies incessantes, le manque de produits efficaces ou de main-d'oeuvre ont favorisé le mildiou
André Faugère, à la tête de 37 ha en conventionnel, a vu la situation se dégrader le 27 juin sur ses 10 ha de merlot. « Vingt pour cent des grappes sont touchés, alors que la semaine précédente, il n’y avait quasiment rien », assure-t-il. - crédit photo : DR
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’attaque s’est produite dès la fin mai. Sur le domaine du Rouchet à Escoussans, en Gironde, une propriété familiale de 30 ha dont un tiers est en bio, le mildiou s’est d’abord déclaré sur les feuilles des vignes en bio. Puis, autour de la mi-juin, il s’est développé sur les grappes. Et, le week-end du 24 juin, le mildiou mosaïque est apparu sur les feuilles les plus âgées. Baptiste Millet, 24 ans, à la tête de la propriété, est sans illusion : « Je prévois une perte de récolte de 10 à 15 % en bio. Si les pluies reviennent, cela pourrait même aller jusqu’à 40 % », lâche-t-il.

Comment expliquer cette situation ? Problème de main-d’œuvre ? Retard pris dans le relevage ? Sous-évaluation du risque ? Non. Baptiste Millet pointe le cuivre du doigt : « Nous intervenons depuis fin mai deux fois par semaine sur les vignes bio. Après une forte pluie, le cuivre est totalement lessivé. Les produits ne tiennent pas », explique-t-il.

Un coût de 700 €/ha contre 350 € en année normale

Le jeune vigneron a fait ses comptes : en bio, habituellement, il réalise dix passages par saison. Là, fin juin, il en est déjà à dix-sept passages. Et la saison est loin d’être finie. Ses coûts de traitement explosent. Baptiste Millet pense arriver à 700 €/ha en fin de campagne, contre 350 €/ha en année normale. À cela s’ajoutent des cours qui dégringolent, des négociants qui se détournent du bio après en avoir réclamé : « La situation est catastrophique », indique-t-il. Seule consolation : fin juin, ses vignes en conventionnel sont épargnées par le mildiou.

Non loin, sur la même commune, André Faugère, à la tête de 37 ha en conventionnel, a vu la situation se dégrader le 27 juin sur ses 10 ha de merlot. « Vingt pour cent des grappes sont touchés, alors que la semaine précédente, il n’y avait quasiment rien », assure-t-il. Jusque-là, les symptômes étaient minimes, autant sur feuilles que sur grappes, excepté dans une parcelle de sauvignon de 60 ares qui jouxte une vigne abandonnée, où la perte de récolte pourrait être de 15 %.

Relevage retardé en raison du manque de bras

Pour expliquer cette situation, André Faugère évoque des orages importants à une période où la vigne poussait très vite. À cela s’est ajouté un manque de personnel qui a retardé le relevage. « Habituellement, j’emploie sept à huit saisonniers pour réaliser cette opération. Mais je n’ai pas trouvé de candidats. Du coup j’ai fait appel à un prestataire, qui n’a fini les travaux que la troisième semaine de juin car il est aussi en flux tendu. Normalement, cela aurait dû être terminé dix jours plus tôt. Ce retard a favorisé la contamination », rappelle-t-il, les rameaux non relevés proches du sol ayant servi d’échelles au mildiou.

Des produits indisponibles

Autre facteur : l’indisponibilité de certains produits : « On ne trouve plus de fongicides à base de folpel seul car il est classé CMR 2 [agents cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, NDLR]. Avant, les distributeurs avaient un stock tampon. Ce n’est plus le cas », indique André Faugère.

Face à cette situation, il a renforcé ses traitements : « J’ai baissé la vitesse d’avancement de 5 à 4 km/h et j’ai augmenté le volume de bouillie de 115 à 150 litres/ha », explique-t-il. Depuis fin mai, il utilise un produit qui associe folpel, fosétyl et cymoxanil à dix jours au lieu de quatorze. Sur la parcelle qui jouxte les vignes abandonnées, le 16 juin, il a intercalé un diméthomorphe entre deux traitements. Malgré ses efforts, il redoute que les dégâts causés par le mildiou s’accentuent jusqu’à la véraison.

Certaines parcelles très touchées

Le mildiou donne aussi des sueurs froides aux vignerons audois. Pierre Jammet, 45 ha en conventionnel, Haute Valeur Environnementale (HVE), à Cournanel, l’a vu se déclarer sur feuilles dès la fin mai, dans toutes ses vignes. La syrah et le chenin sont moins impactés que le chardonnay, le pinot noir, le grenache ou le cabernet sauvignon. Pierre Jammet a du mal à estimer les dégâts : certaines parcelles sont très touchées, d’autres moins. « En deux jours, sur une parcelle de 2 ha, j’ai perdu 20 % de la récolte. »  Et pourtant, le risque n’a pas été sous-évalué. « Les suivis des techniciens de chambre d’agriculture nous ont alertés du potentiel infectieux. Mais nous n’avons pas de produits suffisamment forts pour lutter. Ceux dont nous disposons ne sont pas aussi efficaces, pour de grosses pressions, que ceux que l’on utilisait il y a dix ans », juge-t-il. Et de regretter l’interdiction en HVE du diméthomorphe, classé CMR1.

Face aux attaques, Pierre Jammet a augmenté ses cadences de traitement. « Habituellement, j’interviens tous les quatorze jours et je réalise cinq traitements pour les rouges et six pour les blancs. Là, fin juin, je suis déjà à huit traitements en rouge et autant en blanc. » Le 26 juin, le cers, ce vent sec du nord, s’est levé. Un soulagement car avec lui le mildiou a moins de chance de sporuler.

En bio, “savoir vivre avec le mildiou”

Dans l’Hérault, Samuel Masse, à la tête avec son frère du domaine de Favas, 25 ha en bio à Saint- Bauzille-de-Montmel, s’en tient à une règle : « Quand on est en bio, Il faut savoir vivre avec le mildiou. Il faut anticiper les risques, traiter préventivement, tenir les cadences et protéger au bon moment », explique-t-il. Il a réalisé son premier traitement autour du 25 avril, avec 150 g/ha de cuivre métal et du soufre contre l’oïdium. Un traitement qu’il a renouvelé dix jours plus tard. Entre-temps, la pluie s’est mise à tomber, puis les orages se sont accumulés, au point qu’il a plu 260 mm en deux mois. De suite, Samuel Masse a resserré les cadences pour intervenir tous les cinq à sept jours, et augmenté les doses de cuivre, jusqu’à 800 g/ha lors d’un traitement.

« Les dernières feuilles sont remplies de mildiou. Mais ce n’est pas très grave car on n’a rien sur grappes. En bio, il faut vivre avec le mildiou », signale-t-il tout début juillet, alors que de fortes chaleurs font sécher la maladie depuis une semaine. En 2018, Samuel Masse a perdu 60 % de sa récolte de grenache, son principal cépage. Lui et son frère en ont tiré une leçon : la réactivité face à ce parasite foudroyant dès lors que les conditions s’y prêtent.

 

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Tous les commentaires (3)
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Renaud Le 01 août 2023 à 20:44:35
Comme si cela ne suffisait pas (déconsommation, pression administrative...) voilà une année mildiou mémorable. Certes le printemps fût très propice à sa prolifération , mais nous en avons connu d?autres des printemps pluvieux. Certes les produits de traitement les plus efficaces ne sont plus présents ou nous nous sommes interdit de nous en servir puisque presque tous en procédure environnementale. Mais cela n?explique pas l?ampleur de la dramatique situation. Une forte pression mildiou est habituellement annoncée dès 500 spores / m3 d?air , en Gironde cette année au 31 mai il était mesuré 2080 spores /m3 d?air ! Comment pouvions-nous nous en sortir? Bien sûr les adeptes du déni vous diront qu?il y a des zones presque indemnes. Mais à 90% du vignoble touché, ce n?est plus un problème individuel c?est bien un problème de territoire. La plus grosse composante cette année en plus des raisons habituelles est vraisemblablement les vignes en Friche. Si historiquement il y a toujours eu environ 2000 Ha de vignes en friche à Bordeaux cela était un problème de voisinage. Mais avec les approximativement 10 000 Ha, que nous pouvons voir partout dans le département et plus particulièrement dans l?Entre Deux Mers, c?est bien un problème de territoire. Nous appelions à arracher dès cette année pour éviter ce type de contamination. Certains d?entre nous élus dans l?ODG de Cadillac Côtes de Bordeaux avaient déjà alerté toutes les autorités administratives, les collectivités et membres de la filière dès septembre 2021 avec même un film documentant le problème. Quelle réponse ? : "il ne faut pas crier au Loup et risquer d?écorner l?image de Bordeaux !" Cependant 2 ans plus tard ce sont les hommes et les femmes travaillant le vignoble qui pleurent et vont à la catastrophe. Certains organismes de contrôle ont déjà fait suivre des formations à leurs agents dans le cas où ils trouveraient un vigneron suicidé lors d?une visite. Nous n?appelons donc pas au loup en vain. Et nous ne pourrons nous satisfaire de réponses individuelles face à ce problème généralisé . (assuré ou pas, Bio ou pas, etc...) De notre avis, il en va de la responsabilité de la filière et de l?Etat. Les premiers par le déni encore de mise aujourd?hui par son président de la FGVB qui considère que c?est de la faute de ceux qui ne savent pas travailler et qu?il n?y a toujours pas de problème ni de mildiou ou de friche. De fait, les pouvoirs publics n?ont pas pris en compte avec anticipation ce drame. Les lanceurs d?alerte ont tous sans exception été relégués aux oubliettes, méprisés comme d?habitude. Devant le manque de réaction de l?Etat à agir sur les friches , ils en portent aussi la co responsabilité. Ces foyers sont tellement dispersés et importants que nous ne pouvons les combattre de façon curative. Ce mauvais calcul, que fut l?inaction, va causer la ruine de beaucoup mais aussi un manque à gagner considérable pour l?Etat. Bordeaux rapporte environ 400 Millions d??uro de TVA par an. S'il nous manque 50% des volumes c?est 200 Millions de pertes pour la collectivité . Alors qu?un arrachage obligatoire et réellement sanitaire aurait couté environ 10 Millions d??uro. Notre propos n?est pas de dépenser encore de l?argent public, puisque c?est aussi le nôtre. Mais de l?efficience de ces dépenses. Nous demandons à ce que l?Etat et la Filière soient tenus pour coresponsables de cette épidémie. Car les textes et obligations existent. Regardez la gestion de la grippe aviaire. Les éleveurs ont rien eu à dire pour l?abattage de leurs élevages, même s?ils étaient indemnes. Il serait criminel et irresponsable que certains d?entres nous soient liquidés par la faute prévisible d?autrui.
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ALAIN Le 14 juillet 2023 à 08:11:09
il faut aussi ajouter les foyers d'inoculations liés aux nombreuses parcelles en friche qui favorisent les contaminations.
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VignerondeRions Le 08 juillet 2023 à 19:35:14
A force de supprimer toutes les molécules efficaces on va finir par perdre les récoltes de manière chronique. Sans parler de qualité des vins finis, sans raisins sains et mûrs c'est mission impossible. On peut faire comme si de rien n'était et continuer de démolir tranquillement mais sûrement une filière, fleuron de la France.
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