esponsable juridique de la Fédération des négociants-éleveurs de grande Bourgogne (FNEB), Peggy Robin accompagne une centaine de maisons de vin basées sur les vignobles de Bourgogne, Beaujolais, Savoie-Bugey, et Jura. « En ce moment, elles sont nombreuses à nous questionner sur la future réglementation sur l’étiquetage des ingrédients et la valeur nutritionnelle » témoigne-t-elle en introduction d’un webinaire visant à aider les vignerons à se préparer.
Comme la majorité des opérateurs de la filière, les adhérents de la FNEB ont besoin d’y voir plus clair sur le champ d’application de la réforme. « Elle concerne tous les opérateurs, même si, compte tenu du nombre de leurs références, elle sera plus complexe à mettre en œuvre par les grosses structures ». Les entreprises ont besoin d’anticiper. « Malheureusement, l’acte délégué européen qui doit entériner toutes les modalités d’étiquetage des ingrédients et des calories n’est toujours pas paru, et ne devrait pas paraître avant septembre, ce qui laissera peu de temps aux opérateurs pour se mettre en conformité avec la réglementation » regrette la responsable juridique.
Ce que les experts savent de manière sûre, c’est que tous les vins mis sur le marché de l’Union européenne sont concernés. « Les vins importés et commercialisés dans l’UE aussi. » Reste une interrogation sur les vins exportés hors UE. « Nous aimerions une solution dérogatoire pour ne pas se voir refuser l’accès à certains marchés ».
Si l’entrée en vigueur de la réglementation est calée au 8 décembre 2023, « il n’est pas encore certain que les millésimes 2022 et antérieurs sont exclus. Et pour le millésime 2023, est-il sûr que seuls les vins produits et étiquetés avant le 8 décembre échappent à la nouvelle règle ? Quel sera le délai d’écoulement des stocks et l’éventuelle tolérance de l’administration de contrôle ? » enchaîne Peggy Robin.
Après un point sur la liste des ingrédients à indiquer sur l’étiquette ou un QR-Code, et le moyen de calculer la valeur nutritionnelle des vins, Peggy Robin explique que les maisons de vin se questionnent également beaucoup sur la dématérialisation de l’étiquetage. « C’est un sujet essentiel pour nos entreprises qui ne doivent pas avoir à modifier leurs étiquettes à chaque changement d’ingrédient ou de pays de destination, insiste la responsable juridique. A nous de bien jouer le jeu pour montrer que c’est un outil efficace ».
Très sollicitée sur le choix du prestataire, Peggy Robin termine son intervention en rappelant qu’aucune entreprise n’est imposée mais que les metteurs en marché ont tout intérêt à s’assurer du respect de plusieurs critères, du niveau de cybersécurité à la possibilité d’utiliser le QR Code pour d’autres dispositifs de dématérialisation, comme les consignes de tri en Italie.
Elle laisse la parole à Ignacio Sanchez Recarte, secrétaire général du Comité européen des entreprises de la filière vin (CEEV), ayant mis en place la plateforme U-Label, sans en tirer de royalties. « Nous n’avons pas le droit à l’erreur. L’OMS, certains Etats membres, comme l’Allemagne, une partie de la Commission européenne et des ONG de consommateurs et anti-alcool n’attendent que cela pour nous obliger à tout communiquer sur l’étiquette » prévient-il. Ignacio Sanchez Recarte craint que des opérateurs proposent des plateformes non conformes à la législation remettent en cause la validité du support digital.
Côté pratique, le secrétaire général indique aux 900 auditeurs qu’ils devront continuer à indiquer sur l’étiquette la présence des substances pouvant provoquer des allergies sur l’étiquette. Ce sera le cas pour la mention « contient des sulfites ». Même chose pour la valeur énergétique pour 100 ml en KJ et en Kcal, avec le symbole « E ».
Le QR Code (seul moyen autorisé pour faire le lien entre l’étiquette de la bouteille et l’étiquette électronique) dirigera le consommateur vers la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle complète. Il devra être placé dans le même champ visuel que le reste des informations obligatoires.
Bonne nouvelle selon Ignacio Sanchez Recarte, l’acte délégué adopté par la Commission il y a quelques jours simplifie la manière de lister les ingrédients : le terme « raisin » peut être utilisé pour désigner la matière première ; le terme « mout concentré » peut remplacer « MCR » ; les « sulfites », « œufs », « lait »… pourront se substituer au nom exact de l’additif ; il sera possible les d’écrire « contient de l’acide tartrique, et/ou citrique et/ou lactique », à condition qu’un des trois produits ait été utilisé ; pour les gaz d’embouteillage, les termes « argon », « azote » ou « CO2 » pourront être remplacés par la mention « mis en bouteille sous atmosphère protectrice » ; enfin, les viticulteurs seront autorisés à utiliser « liqueur de tirage » ou « liqueur d’expédition » sans indiquer la constitution de ces liqueurs.
Les viticulteurs pourront faire analyser la valeur nutritionnelle de leurs cuvées ou simplement la calculer à partir de valeurs moyennes connues relatives aux ingrédients utilisés (types de sucres, niveau résiduel, teneur en alcool…). « Nous essayions de faire reconnaître à la Commission européenne que le sel, les protéines et le gras sont insignifiants dans le vin, ce qui éviterait à l’opérateur de passer par un laboratoire » ajoute Ignacio Sanchez Recarte.
Selon le secrétaire général du CEEV, le Parlement, la Commission et le Conseil se sont mis d’accord pour que la nouvelle réglementation ne concerne que les vins produits (pas les vins étiquetés) après le 8 décembre, « ce qui exclurait, sauf en cas de vendange tardive, le millésime 2023 ».
Restent encore à trancher plusieurs questions : la possibilité d’apposer deux QR Code sur une étiquette, la gestion des lots, ou la séparation de l’information marketing.
Spécialiste de la vinification à l’IFV, Philippe Cottereau ferme le bal en listant aux viticulteurs les procédés œnologiques non soumis à étiquetages et possibilités d’alternatives aux additifs, « beaucoup plus limitées pour la bio ».