ur la base des analyses de l’Observatoire suisse du marché du vin de Changins (OSMV) et des propositions de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), la conseillère d’Etat en charge de la viticulture a fixé les quotas de production pour la récolte 2023. Ces quotas ont été maintenus globalement à leur niveau de l’an dernier ou légèrement rehaussés pour certains cépages rouges (notamment le gamay et le garanoir) afin de développer le segment porteur des vins rosés. Première particularité de ce dispositif : il fixe une quantité de raisins à produire pour chaque cépage et chaque secteur par mètre carré. Ainsi, pour 2023, les vignerons vaudois pourront produire jusqu’à 1,10 kg/m2 de chasselas et des autres cépages blancs. « Dans les faits, le taux d’atteinte n’est pas atteint dans sa totalité », précise Olivier Mark, président de la CIVV. « La plupart du temps, les viticulteurs récoltent les trois-quarts de ce qu’ils pourraient vendanger. Ainsi, pour prendre l’exemple du chasselas, il n’est pas rare que l’on produit 700g ou 800g ».
Au-delà des chiffres, la fixation de quotas vise plusieurs objectifs. « Cet instrument a été institué initialement pour garantir la qualité avant tout », poursuit le président de la Communauté interprofessionnelle. « L’idée était de donner un signal très clair que la viticulture vaudoise veut, au travers d’une production raisonnable à la surface, assurer la qualité. Mais très vite, on s’est rendu compte que cet instrument était utile pour gérer le marché ». Au regard des chiffres de l’OSMV, en 2022 le marché n’était pas au beau fixe, du moins en grande distribution, que ce soit pour les vins nationaux ou les produits importés. Dans le premier cas, la baisse volumique s’est chiffrée à 11,9% pour -11,7% dans le deuxième cas. En revanche, si les prix étaient en légère hausse pour les premiers, ils ont régressé de 1,9% pour les deuxièmes. Mais pour Olivier Mark, économiste de formation, ces chiffres sont à prendre avec précaution. « La première analyse de ces chiffres, c’est qu’il semble manquer les effervescents. D’après certains acteurs, la baisse de la consommation ne serait pas si grande. Il n’est pas exclu que l’on ait une réorientation de la production vers les bulles et que cela n’apparaisse pas entièrement dans les statistiques ». Notons aussi qu’une certaine correction s’est opérée après le Covid-19 et par ailleurs que les vins suisses ont progressé dans le secteur de la gastronomie et de la vente directe au détriment de la GD.
Facteur tout aussi important pour les quotas de production, la récolte 2022 était certes abondante mais elle faisait suite à un millésime 2021 très affecté par les aléas climatiques. « Il faut être clair, certains régions manquaient de vins il y a deux ans et c’est toujours très compliqué de ne pas pouvoir servir les clients. Mais cela a permis d’assainir les stocks que l’on peut qualifier actuellement de sains. Il n’y a pas de surplus de produits à vendre qui pourraient venir perturber le marché ». L’absence de dégâts météorologiques jusqu’ici laisse espérer pour l’heure une bonne récolte cette année. « Les perspectives de récolte restent entières par rapport à ce que l’on souhaite », confirme Olivier Mark, tout en reconnaissant que, « la situation commerciale cette année risque d’être plus tendue et on va compter plus que jamais sur les mesures de relance qui ont été prises ».
C’est là aussi que le système des quotas joue un rôle important. « On constate, in fine, qu’il s’agit aussi d’un instrument politique. Au travers des quotas, on donne des signaux, tant aux consommateurs qu’au monde politique par rapport à la situation économique de la branche. Est-ce qu’on veut miser plutôt sur le haut de gamme, ou augmenter la production parce qu’on a des problèmes de rendements ? Les quotas permettent à la filière d’orienter son activité et aussi de communiquer, d’apparaître dans le public et de parler de nos difficultés et de nos perspectives » Il faut dire que le monde politique a été sollicité ces dernières années pour contribuer à la relance de la filière suisse dans son ensemble. A travers différents plans stratégiques, les autorités ont répondu présents en augmentant de façon significative les budgets tous azimuts, sachant que ces budgets doivent être paritaires entre l’Etat et les professionnels. « L’Office des vins vaudois voit son budget doubler cette année, passant de 3 millions CHF à 6,5 millions [soit 3,1 M€ et 6,7M€]. Swiss Wine Promotion, qui œuvre au niveau fédéral, a reçu par ailleurs un budget beaucoup plus important cette année », précise le président de la CIVV. A cela pourraient s’ajouter environ 2 MCHF (2,05 M€) pour les investissements durables dans les caves, le maître mot du plan de relance étant le développement durable, dans tous ses aspects. « On veut montrer aux Suisses qu’on voudrait leur proposer un produit honnête qui respecte leurs valeurs, leur dire, comme un célèbre Français, « on vous a compris ».
Enfin, l’exemple des difficultés que traversent d’autres régions de production renforce la ténacité des professionnels suisses à poursuivre sur leur chemin de reconnaissance identitaire. « Je constate avec un immense respect et un grand désarroi ce qui se passe dans le Bordelais. C’est vraiment dramatique. J’espère qu’on n’en arrivera pas là et qu’on pourra maintenir notre vignoble avec ses forces et ses faiblesses. J’espère qu’on entre dans une phase de la mondialisation où on va apprécier de nouveau, les particularités locales, le régionalisme et la différenciation ».
La filière suisse a longtemps souhaité une réserve climatique pour lisser les écarts de production d’une année sur l’autre, mais le projet peine à voir le jour. « Il avance lentement », confirme Olivier Mark. « En tant que Vaudois, nous le soutenons parce que la réserve climatique pourrait apporter une source de flexibilité supplémentaire ». Si l’accueil politique a été « très frais », le projet pourrait réapparaître sous une nouvelle forme. « On peut éventuellement agir à travers les quotas », note le responsable professionnel. « On pourrait attribuer une partie de ces quotas à des réserves climatiques, mais si on pouvait les séparer et les identifier comme telles, ce serait encore mieux pour tous. Les autorités s’inquiètent de la mise en œuvre de cette mesure. A nous de les convaincre qu’on pourra maîtriser cette réserve ».