our vous préparer à l'évolution de la réglementation, Vitisphere vous propose ce lundi 12 juin à 11h un webinaire d'une heure pendant laquelle trois intervenants, dont Philippe Cottereau, pourront répondre à toutes vos questions. Pour vous inscrire, c'est par ici.
Spécialiste de la vinification à l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), Philippe Cottereau estime que l'obligation d'étiquetage des ingrédients pourraient avoir des répercutions sur les pratiques oenologiques des vignerons. Le point en trois questions :
Vitisphere: Comment pensez-vous que les consommateurs vont réagir à la mention des additifs présents dans les vins à partir du 8 décembre ?
Philippe Cottereau : C’est la grande question ! Ils ont l’habitude des listes d’ingrédients et ne devraient pas trop s’inquiéter de la présence d’acide ascorbique ou d’acide citrique. D’autres additifs vont surement leur paraître plus étranges, comme le polyaspartate de potassium ou le carboxyméthylecellulose (CMC). Une partie des consommateurs ne va certainement pas changer d’habitudes d’achat. Aujourd’hui, beaucoup ne regardent pas le degré alcoolique alors qu’il est écrit en gros. Mais certains vont sans doute se demander ce que sont ces « nouveaux » additifs. Si les vignerons chaptalisent, la mention de la présence de sucres va également être perturbante. Et s’ils recherchent « carboxyméthylecellulose » sur internet, il ne faudrait pas qu’ils tombent sur n’importe quoi. Je crains l’effet buzz. Il y a aussi un risque que les vignerons tombent dans une course à la liste la plus courte.
Sans tomber dans cet excès, pensez-vous que les vignerons vont changer de pratiques œnologiques pour raccourcir leur liste d’ingrédients ?
C’est probable. Je pense par exemple qu’ils vont de plus en plus essayer de se passer de la gomme arabique. Et je crois surtout que leurs pratiques vont dépendre des demandes que leur feront les négociants et les centrales d’achat de la grande distribution. Comme ils le font pour les résidus de pesticides, on peut s’attendre à ce que des acheteurs demandent aux vignerons de s’arrêter au raisin et aux sulfites.
Quelles alternatives ont-ils aux additifs ?
Les auxiliaires seuls ne sont pas assez efficaces. Les mannoprotéines relarguées par les levures ne sont par exemple pas encore suffisamment actives pour assurer la stabilisation tartrique. Pour ne pas avoir à étiqueter « métatartrique », les vignerons peuvent recourir à des techniques physiques comme l’électrodialyse ou des résines échangeuses d’ions. Les membranes bipolaires permettent également de stabiliser le pH. Et, au lieu de chaptaliser, ils peuvent utiliser l’osmose inverse ou l’évaporation. Mais les bio n’y ont pas le droit, et, surtout, cela coûte cher. En prestation, il faut par exemple compter entre 5 et 7€ par hectolitre pour l’électrodialyse. Si la demande augmente, on arrivera peut-être à 4,5€/hl, un tarif qui reste trop élevé pour beaucoup d’exploitations. Sans compter les dépenses d’eau et d’énergie nécessaires au fonctionnement des machines. C’est tellement plus simple et naturel d’ajouter de l’acide tartrique ! Dommage que la profession n’ait pas fait plus d’efforts de communication en amont.