a liste des ingrédients sur les étiquettes, obligatoire à compter du 8 décembre, va-t-elle faciliter ou freiner les achats de vin ? « Pour le savoir, nous avons commandi cette enquête à Wine Intelligence en 2021 », dévoile Stéphane Guerche, directeur de l’association regroupant les principaux industriels de l’œnologie, à l’occasion d’un webinaire organisé par Sofralab.
L’agence de consulting a sondé des hommes et des femmes de tous âges consommant du vin au moins une fois par mois dans dix pays (France, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède, Etats-Unis, Russie, Australie, et Japon). « 11 533 personnes ont répondu sur sa plateforme en ligne, un échantillon représentatif de 262 millions de consommateurs de vin » poursuit Stéphane Guerche.


Wine Intelligence a d’abord testé le niveau de connaissances des consommateurs sur la présence d’additifs dans les vins. Avec des résultats surprenants. « 40 % pensent que le vin est un produit nature, exempt d’additifs. 41 % n’ont pas d’avis sur la question. 42 % estiment que les vins contenant des additifs sont mauvais pour la santé et 46 % ne savent pas trancher » pose Stéphane Guerche.
Est-ce que l’utilisation d’additifs pendant la vinification contribue à maintenir la qualité du vin ? La moitié des consommateurs n’en sait rien. « D’après l’enquête, beaucoup pensent que les producteurs de vins de grande qualité n’ont pas recours besoin des additifs, et 66 % des consommateurs pensent que les vins bio en sont complètement exempts, sulfites compris » déroule Stéphane Guerche, qui se rassure avec un autre résultat : seuls 25 % des sondés estiment que les vins peu qualitatifs contiennent des additifs.
Ces premiers éléments pouvaient laisser supposer un impact négatif de l’étiquetage des ingrédients sur l’intention d’achat des consommateurs. La chose n’est pas si évidente.
Wine Intellligence a d’abord présenté trois scénarios d’étiquetage sur un vin connu et apprécié par les consommateurs : une simple mention « contient des sulfites », une courte liste d’ingrédients (raisins 99 %, conservateurs (sulfites), anti-oxydant (acide-L-ascorbique), ou une longue liste comprenant aussi un régulateur d’acidité (le sulfate de calcium) et un stabilisant (l’acide métatartrique ou les mannoprotéines de levures).
« 62 % ont affirmé qu’ils continueraient à acheter le vin quelle que soit l’étiquette, positive Stéphane Guerche. La courte liste a même augmenté la propension des sondés à acheter la bouteille. Je suppose que les consommateurs ont apprécié la plus grande transparence du produit, et qu’ils ne se sont plus focalisés uniquement sur les sulfites, souvent mal perçus ».
Le listing des ingrédients a également eu un effet plutôt favorable sur l’image des vins inconnus par les consommateurs, qu’ils soient rouges, blancs, ou effervescents. « La courte liste a même augmenté l’intention d’achat des français de 8 points, contre 1 point en moyenne pour l’ensemble des pays. La longue liste a aussi été très bien reçue en France » continue le directeur d’Oenoppia. En Italie, la mention des ingrédients a en revanche fait reculer l’intention d’achat de 5 points. Au Japon, la chute a même atteint 11 points.
Tous les ingrédients n’ont pas le même impact sur les consommateurs. Wine Intelligence est arrivé à cette conclusion en demandant aux enquêtés d’imaginer repérer un vin qu’ils ne connaissent pas mais qui correspond au type qu’ils aiment boire dans un magasin et en les soumettant, au choix, à deux étiquettes, la première listant pêlemêle 14 additifs utilisés en œnologie (acide ascorbique, sorbate de potassium, DMDC, acide tartrique, tanin, gomme arabique…), sans autres informations, la seconde les regroupant selon leur fonction de conservateur (« ingrédients utilisés pour la conservation du vin ») ou de stabilisateur (« ingrédients utilisés pour préserver la qualité du vin »).
Le cabinet leur a ensuite demandé, si, face à un de ces 14 ingrédients, ils achèteraient le vin, hésiteraient, ou ne l’achèteraient pas. « En moyenne, tous pays confondus, 28 % des consommateurs sans informations sur le but des additifs ont affirmé qu’ils achèteraient le vin. 13 % le reposeraient en rayon, et 59 % seraient dans l’incertitude » explique Stéphane Guerche. Les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Etats-Unis, Australie) ont l’acceptabilité la plus élevée. Le rejet le plus grand concerne l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, et la Russie.
« Quand on détaille le comportement des consommateurs additif par additif, on constate que dans la majorité des pays les acides et les tanins présentent un "net score" (la différence entre ceux qui achèteraient et ceux qui n’achèteraient pas) plus élevé que les ingrédients à sonorité chimique, comme la gomme arabique, le polyaspartate de potassium, ou le carboxyméthylcellulose » détaille Stéphane Guerche. Le cabinet Wine Intelligence a relevé un gros gain d’acceptabilité pour tous les composés quand leur objectif technologique est précisé.