Christophe Bousquet : Je tiens tout d’abord à préciser que ce conflit n’a rien à voir avec mon élection. Il s’agit d’un contentieux entre l’UEVM et la Fédération des Metteurs en marché direct. C’est à eux de trouver un terrain d’entente. Statutairement, le CIVL n’a pas le pouvoir de décider la réintégration des metteurs en marché direct. Néanmoins, je ne suis pas resté inactif. J’ai rencontré séparément les deux parties et proposé des solutions. Le conseil d’administration a validé l’étude de la candidature de la Fédération des Metteurs en marché direct. Mais pour la reconnaître, il faut qu’elle nous démontre sa représentativité. Or nous n’avons aucune donnée sur son nombre d’adhérents et le volume de commercialisation qu’ils représentent. Les 64 % de commercialisation qu’ils revendiquent ne sont pas vérifiables en l’état.
En tout cas, il est regrettable que ce conflit pollue le travail du conseil d’administration et nous fasse perdre du temps et de l’énergie alors que les vrais sujets sont ailleurs.
Qu’en est-il des trois Organismes de Défense et de Gestion (ODG), Corbières, Fitou et Faugères, qui ont annoncé leur retrait du CIVL en fin d’année, au terme de leur engagement triennal ?
Nous avons créé l’an dernier une commission de conciliation pour étudier les griefs qui nous sont fait et connaître les attentes de ces ODG. Nous avons eu plusieurs réunions et déjà proposé des solutions. En réponse à certaines critiques, j’ai voulu remettre en avant les identités propres de chaque appellation, toujours sous la bannière Vins du Languedoc. Nous travaillons en étroite collaboration avec les sections interprofessionnelles, qui sont des mini CIVL à l’échelle de chaque ODG, où les deux collèges, producteurs/metteurs en marché, décident des actions à mener pour l’appellation.
J’ai également proposé que ces Sections Interprofessionnelles (SI) aient la liberté d’augmenter leur Cotisation Volontaire Obligatoire (CVO) avec une répartition des fonds inversée par rapport à l’actuelle CVO dont 17 % revient aux SI. Sur cette augmentation, 70 % sera alloué au budget de la SI et 30 % au budget général du CIVL. Ni le CIVL, ni les ODG sur le départ, n’ont intérêt à cette séparation. Maintenant s’ils maintiennent leur décision, certes notre budget sera amputé de 1,2 million d’euros, mais on aura moins de dépenses et on apprendra à fonctionner autrement.
Les sorties de chai des AOP et IGP de département et de territoires sont en recul à fin janvier. La baisse est plus marquée sur les rouges (-10 % sur les AOP, 6 8% pour les IGP) mais les rosés accusent aussi le coup (65 à -6%). Dans ce contexte, la distillation annoncée par le gouvernement vous paraît-elle une bonne mesure ? Faut-il également envisager l’arrachage pour réajuster la production aux capacités de vente ?
Les chiffres ne sont pas catastrophiques. Nous avons un an et demi de stock en rouge, ce qui n’a rien d’alarmant. Nous perdons des volumes sur les rouges, c’est certain. Mais des AOP comme Terrasses du Larzac, Pic Saint Loup La Clape continuent à bien se vendre. Ce sont les entrées et milieu de gamme qui sont en difficulté. On voit que la réorientation vers le rosé atteint ses limites. On ne s’en sortira que par la premiumisation. La distillation va sans doute alléger nos stocks, ramener de la trésorerie mais ne résoudra pas le problème. Et avec la sécheresse qui s’annonce pour cet été, ne serait-il pas plus judicieux d’avoir un peu de stock ? Sur l’arrachage, je n’ai pas d’avis tranché. Il faudrait qu’on puisse l’envisager de façon ciblée sur certains territoires. Mais je pense qu’à terme, c’est malheureusement le changement climatique qui va se charger de réguler le marché.
Vous avez souhaité renforcer le volet technique de l’interprofession avec la création d’une direction R&D en charge du pilotage de tous les sujets techniques. Sur quels thèmes allez-vous vous focaliser ?
J’ai effectivement souhaité renforcer ce pilier technique qui était jusqu’ici le parent pauvre de l’interprofession, avec le recrutement en septembre dernier de Marie Corbel. Elle s’est d’abord focalisée sur le dossier prioritaire des variétés Bouquet (ndrl : variétés résistantes à l’oïdium et au mildiou) et nous avons signé le mois dernier une convention avec l’INRAE pour leur déploiement à partir de 2025 dans notre vignoble. Mais il y a beaucoup d’autres sujets qui sont au cÅ“ur de nos préoccupations comme évidement le réchauffement climatique, enjeu majeur des années à venir, qui va conditionner notre capacité à produire. Et l’irrigation ne pourra être la solution. On va sans doute expérimenter cet été la première réalité du partage de l’eau. Il faut trouver d’autres solutions.
L’évaluation de notre empreinte carbone va également devenir incontournable au niveau commercial, la biodiversité qui peut également être un bon argument commercial. L’idée est de recenser les travaux déjà menés, notamment dans les ODG, chambres d’agriculture et autres organismes de recherche et de renvoyer ces informations vers les producteurs et metteurs en marché. C’est un travail de pilotage et d’animation qui, sur certains sujets, pourrait être mutualisé avec d’autres interprofessions de la région. La commission technique doit nous présenter d’ici juin une feuille de route précise des thèmes prioritaires que nous allons creuser, programme qui devra être validé lors de notre assemblée générale au mois de juin.